Les promoteurs du bâtiment intelligent publient leur manifeste

Les promoteurs du bâtiment intelligent publient leur manifeste Vinci, Bouygues, Legrand ou encore EDF, regroupés au sein de la Smart buildings alliance, livrent leur méthode pour bâtir des immeubles interopérables et parés pour les 30 ans à venir.

Le poing levé, les activistes de la Smart buildings alliance (SBA) militent pour faire entrer l'immobilier dans une nouvelle ère : celle du bâtiment connecté. Cette association créée en 2012, qui fédère 150 professionnels du secteur comme Vinci, Bouygues, Legrand, EDF ou encore Engie, a aiguisé sa rhétorique et présente ce 23 mars ses arguments phares dans son manifeste 2017 intitulé "Des bâtiments intelligents pour des territoires responsables et durables".

L'organisation y ferraille contre des préjugés tenaces, au premier rang desquels se trouve l'absence de rentabilité de ce type d'installations, sauf pour des sites importants de plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés dans le neuf. Un bâtiment "coûte en réalité beaucoup plus cher à l'exploitation  (75 % du coût total d'une bâtisse sur l'ensemble de son cycle de vie) qu'à la construction (25%)", soulignent les auteurs du document. Il faut donc analyser la rentabilité du smart building en fonction de ses OPEX que l'infrastructure numérique permet d'optimiser en minimisant par exemple les dépenses d'entretien grâce à la maintenance prédictive. Il est par ailleurs tout à fait possible d'installer des capteurs et de proposer des services dans un immeuble ancien pour faire baisser, là encore, ses charges d'exploitation.

"Un bâtiment coûte plus cher à l'exploitation  qu'à la construction (25%), il faut analyser la rentabilité du smart building en fonction de ses OPEX"

Pour mettre en place un modèle économique rentable dans le bâtiment intelligent, les professionnels doivent se débarrasser de l'approche en silo, qui prévaut encore dans le monde de la construction. "Aujourd'hui, la problématique du retour sur investissement est essentiellement abordée sous l'angle de la performance énergétique. Mais le prix bas de l'électricité en France n'est pas un levier suffisant pour garantir le ROI du smart building. Il faut donc regarder globalement les services (énergie, fluides, sécurité, bien-être…). […] Ils sont la clé de la rentabilité et compenseront rapidement le coût d'investissement initial. Le smart building se révélera alors moins cher qu'un ouvrage similaire conçu et mis en œuvre selon les pratiques conventionnelles en silos", illustre le rapport.

Pour que ces constatations ne restent pas lettre morte et que les projets de smart building voient effectivement le jour, la SBA présente dans son manifeste 2017 une série de propositions techniques concrètes et espère être entendue par les candidats à l'élection présidentielle, dont le premier tour se déroule dans un mois tout juste. L'alliance appelle les professionnels à construire des bâtiments capables de proposer des centaines de services numériques à leurs occupants. Ces immeubles, qu'elle appelle Ready to services (R2S), doivent être conçus sur la base d'une architecture commune articulée autour de trois niveaux : le cloud, le réseau et les équipements.

Le cloud permet de stocker les données et les applications d'un bâtiment. Les entreprises peuvent y développer de nouvelles proposition de valeur à partir de ces data, si les habitants sont d'accord. Elles peuvent par exemple créer une application permettant aux enfants d'un couple de seniors de savoir que leurs parents ont ouvert leur robinet dans la journée (et donc que tout est normal) à partir des informations de consommation collectées sur leur compteur d'eau.

La SBA recommande aux entreprises de construction de miser sur une infrastructure réseau IP pour leurs bâtiments, car ce protocole de transport de données est universel

Pour parvenir jusqu'au cloud, ces données doivent être récupérées par une épine dorsale numérique installée au sein du bâtiment : son réseau. La SBA recommande aux entreprises de construction de miser sur une infrastructure IP, car ce protocole de transport de données est universel (il a été conçu pour être utilisé sur Internet).

L'association est toutefois consciente que certains industriels du secteur ont développé des protocoles de communication propres pour récolter les données de leurs capteurs. Elle ne leur demande pas d'abandonner leurs systèmes internes, mais simplement de les rendre compatibles avec un réseau IP global pour permettre à tous les objets connectés de communiquer ensemble si besoin. Les entreprises qui développeront des services pourront croiser ces données, ce qui multiplie les potentialités de création de valeur.

Le troisième niveau, celui des équipements, est principalement composé de capteurs, d'actionneurs, de contrôleurs ou encore de systèmes connectés comme le chauffage, la climatisation ou l'éclairage. Ils doivent pouvoir communiquer (de façon native ou intermédiée comme évoqué précédemment) avec le réseau IP du bâtiment.

"Cette architecture à trois niveaux indépendants les uns des autres a l'avantage d'apporter une réponse au problème d'interopérabilité en même temps qu'une grande flexibilité au bâtiment. En dissociant la couche applicative (services), la couche communication (infrastructures) et la couche des équipements (matériels), le modèle R2S pose la règle qu'un service n'impose pas un équipement ou une infrastructure dédiée et réciproquement, et ce pour les trois strates", explique la SBA. Et de conclure : "dès aujourd'hui, les bâtiments conçus en R2S sont compatibles avec les équipements et services des trente prochaines années, sans modification structurelle importante."