Plus pratique qu'un covoiturage, moins cher qu'Uber : le plan de Less pour percer

Plus pratique qu'un covoiturage, moins cher qu'Uber : le plan de Less pour percer Denis Collin, qui a cofondé Less avec Jean-Baptiste Rudelle, livre de nouveaux détails sur le fonctionnement et le business model de l'appli de covoiturage courte distance, qui se lancera en région parisienne en février.

Des grandes ambitions mais de menues explications. Less, la start-up de covoiturage courte distance lancée par le fondateur de Criteo Jean-Baptiste Rudelle, avait jusqu'ici assez peu détaillé comment elle comptait faire pour s'imposer sur ce marché embouteillé et déficitaire. A l'approche de son lancement en Ile-de-France en février et après une première levée de fonds massive de 16 millions d'euros le mois dernier, la start-up commence à en dire plus sur ses plans. Son cofondateur Denis Collin, rencontré par le JDN, a livré de nouveaux détails sur le fonctionnement de l'application et son business model.

La principale promesse de Less est le covoiturage dit "instantané" "Nous voulons procurer au passager la même expérience qu'un VTC dans un covoiturage", explique Denis Collin. "Nous croyons beaucoup au modèle de l'instantanéité par rapport à la réservation à l'avance. Réserver est acceptable lorsqu'on part en weekend, mais pas quand on sort d'une réunion à Paris pour aller dix kilomètres plus loin. C'est très contraignant à la fois pour le passager et le conducteur."

50 euros pour 500 kilomètres

En orange, la zone dans laquelle les conducteurs sont payés pour rouler à vide © Capture d'écran JDN

Pour l'instant, l'application, disponible en beta et seulement pour les chauffeurs, n'est qu'un GPS. Afin d'inciter les conducteurs à l'allumer alors qu'ils ne peuvent pas encore prendre de passagers, Less les rémunère pour rouler à vide, à raison de 50 euros pour 500 kilomètres parcourus dans des zones définies par l'application (actuellement Paris, et certaines portions limitrophes dans les Hauts-De-Seine et de la Seine-Saint-Denis, selon nos observations).

Les premiers passagers devraient arriver en beta fin janvier, avant une ouverture générale en février. Mais le fonctionnement de l'appli restera totalement pensé autour chauffeur. Il faut les choyer pour les fidéliser, estime Denis Collin, car "ils vont sacrifier leur petit confort pour gagner deux ou trois euros par trajet". Pour trouver un passager, le chauffeur entre sa destination dans l'application afin de lancer la navigation GPS. Less devra ensuite lui trouver un covoituré sur sa route, sans détour (à part sur le périphérique où il pourra sortir récupérer quelqu'un à une porte et repartir). Ce sera aux passagers de se déplacer pour rejoindre le véhicule. "Nous les ferons marcher 200 ou 300 mètres maximum", précise Denis Collin. De la même manière, le passager ne sera pas déposé exactement là où il le souhaite : l'appli lui indiquera à quelle distance de sa destination il se trouvera en descendant.

Plus d'attente qu'en VTC

Des conditions de mise en relation restrictives qui requièrent d'atteindre une importante masse critique pour proposer un temps d'attente décent aux passagers et garantir aux chauffeurs de trouver fréquemment des compagnons de voyage. Denis Collin estime que 10 000 chauffeurs connectés  chaque jour à l'application seraient nécessaires pour un temps d'attente compris entre 5 et 8 minutes. "C'est un peu plus long que chez les VTC", concède-t-il. "Mais les gens accepteront d'attendre plus longtemps car ils paieront beaucoup moins cher. " Afin d'être sûr que l'offre et la demande se rencontrent, Less pourrait ouvrir progressivement des trajets à mesure que l'appli apprend les habitudes de ses utilisateurs et que son utilisation grandit. Ne parlez surtout pas de "lignes", trop associées à BlablaLines, l'appli de covoiturage courte distance lancée par BalBlaCar en Ile-de-France mi-septembre. Mais l'idée est là.

"Chaque mise en relation participera au dédommagement des conducteurs qui rouleront à vide."

Coté business model, Less compte se rémunérer grâce à une commission qui devrait tourner autour d'un euro par trajet (le montant n'est pas encore arrêté). L'originalité réside dans une seconde commission, qui s'apparente à une taxe sur les mises en relation réussies. Si Less paie pour l'instant les conducteurs 50 euros tous les 500 kilomètres pour rouler à vide, c'est à terme cette taxe qui financera la récompense. "Chaque mise en relation participera au dédommagement des conducteurs qui roulent à vide", révèle Denis Collin. Une manière d'inciter les conducteurs à toujours avoir l'appli allumée lors de leurs trajets, même lorsqu'ils n'ont trouvé personne. En raison de ce modèle, le service devrait être plus cher que les autres applications de covoiturage courte distance. "Nous nous positionnons plutôt sur du premium," reconnaît le cofondateur de Less. Les automobilistes seront quant à eux dédommagés dix centimes par kilomètre. De quoi gagner environ 200 euros par mois pour un conducteur qui trouverait un passager sur 50% de ses trajets et roulerait 10 000 kilomètres par an, affirme-t-il.

Cela sera-t-il suffisant ? Aucune  des entreprises de covoiturage courte distance n'a réussi à développer une activité rentable, même avec les subventions que leur accorde Ile-de-France Mobilités. "Effectivement, c'est le grand pari. Mais nous sommes la première start-up du secteur avec de tels moyens financiers", se défend Denis Collin. Il estime que cet afflux de cash couplé au modèle innovant de Less permettra à la société de générer assez de covoiturages pour atteindre la rentabilité. Tout dépendra de la population de passagers qui rejoindra l'appli. Car Less a le potentiel de piquer des parts de marché à la fois au covoiturage courte distance en proposant une prise en charge plus pratique, et à celui des VTC en cassant les prix. Réponse en février.