Comment Cohome tente d'ubériser le coworking

Comment Cohome tente d'ubériser le coworking Face aux espaces de coworking chers et peu nombreux, une start-up française permet aux freelances de transformer leur logement en espace de travail.

Ancienne salariée dans la communication, Laura Choisy a décidé de démissionner de son CDI pour se lancer comme freelance en 2015. Très vite, elle a été confrontée à deux écueils : la sensation de solitude et le prix élevé des espaces de coworking en Ile-de-France (environ 350 euros par mois ou une trentaine d'euros la journée en moyenne).

"En discutant avec d'autres travailleurs indépendants, je me suis rendu compte que de nombreux collègues étaient dans la même situation que moi. J'ai donc décidé de prendre les choses en main". En octobre 2016, elle lance Cohome, une start-up spécialisée dans un mode de travail d'un genre nouveau : le cohoming. Cohome est une plateforme qui met en relation des coworkers en quête d'un espace de travail et d'autres coworkers qui sont prêts à transformer leur logement en bureaux.

Pour accueillir des coworkers, il suffit d'être freelance, de proposer du café et le wifi 

Les conditions pour accueillir les particuliers ne sont pas vraiment drastiques : il suffit d'être soi-même adepte du coworking, de proposer le wifi et du café. Il n'y a pas de taille minimale pour accueillir des cohomeurs. Comme sur tous les sites d'économie partagée, il existe un système de notation qui permet de distinguer les meilleurs membres et d'identifier ceux qui ont un comportement inapproprié.

Pour travailler chez les particuliers, les cohomeurs doivent débourser en moyenne 4 euros par jour. Sur chaque mise en contact, la plateforme prélève une commission de 1 euro. Laura Choisy assume ses faibles tarifs et soutient que sa start-up pourrait facilement augmenter ses prix. Mais cela irait à l'opposé de la philosophie du cohoming : "Nous ne voulons surtout pas que des particuliers tirent profit du manque d'espaces de coworking pour réaliser des bénéfices sur le dos des freelances. L'objectif n'est pas de devenir l'Airbnb du coworking avec ses rentiers. Notre modèle est plus l'économie collaborative comme Blablacar ou le couchsurfing".

"Le profil type de cohomeur, c'est un 25-35 ans qui travaille dans le numérique. Pour le moment, nous avons environ 500 personnes qui utilisent la plateforme chaque semaine, principalement en Ile- de-France. Nous recensons des communautés en province notamment à Nantes, Strasbourg, Bordeaux ou encore Montpellier. Mais c'est à Paris et dans sa banlieue que la communauté est pour le moment la plus développée", explique l'entrepreneur.

"Le cohoming est un état d'esprit. Personne ne fait ça par vénalité"

Vincent Laurent, freelance spécialisé dans les relations presse et le community management fait partie des premiers cohomeurs : "Avant Cohome, je travaillais chez moi ou dans des cafés. Quand j'ai découvert le concept, cela m'a fait penser au couchsurfing que je pratiquais déjà assidûment", confie le freelance qui, plusieurs fois par mois, accueille des coworkers dans son studio où il possède un vaste plan de travail pour quatre. Malgré son local équipé, Vincent Laurent ne dédaigne pas travailler chez d'autres personnes : "Cela me permet de casser ma routine et de trouver de l'inspiration et des idées nouvelles".

Un jour, peut-être, sera-t-il amené à travailler chez Ann-Kristin Benthien, coach franco-allemande qui a déjà hébergé une vingtaine de personnes dans son appartement. Elle l'avoue clairement, c'est en grande partie le cohoming qui lui a permis de continuer son activité : "Le plus difficile, lorsque l'on est freelance, c'est de s'auto-discipliner et de réseauter. Avec le cohoming, je ne ressens pas la solitude, ce qui est primordial pour aller de l'avant".

La motivation des cohomeurs est bien souvent l'échange : "Le cohoming c'est avant tout un état d'esprit. Personne ne fait ça par vénalité. On va dire que le cohoming permet de payer son café", s'amuse Vincent Laurent, qui reconnaît s'être fait plusieurs amis grâce au cohoming. Ce travail commun est également un bon moyen de networker et de donner un coup d'accélérateur à son activité. "Grâce au cohoming, j'ai trouvé ma mission la plus longue pour le compte d'une agence qui travaillait pour une ONG", confie Vincent Laurent. Même son de cloche du côté d'Ann-Kristin Benthien, qui a également trouvé plusieurs clients et le nom de sa société en pratiquant cette nouvelle forme de coworking.

"Le cohoming est un bon moyen de networker et de développer son activité"

Le milieu des coworkers semble donc adopter ce nouveau concept. Si Laura Choisy ne souhaite pas communiquer sur son chiffre d'affaires, elle assure que celui-ci est en forte croissance chaque mois, ce qui l'amène à voir le futur avec optimisme : "Nous cherchons à pérenniser la communauté, à la faire grossir et à l'implanter dans toute la France. Pour cela, nous avons pour projet de recruter un business developer et un développeur Ruby pour améliorer l'expérience utilisateur sur la plateforme. Nous n'avons aucun doute sur notre croissance future".

Il est vrai que Cohome est positionné sur un marché de niche sur lequel la clientèle potentielle est nombreuse : selon les données d'Eurostat, il existe 830 000 freelances en France. Si certaines entreprises comme Wework ou Bureau à Partager se lancent dans le coworking haut de gamme, il n'existe à l'heure actuelle qu'un seul concurrent dans le domaine du Cohoming : le suédois Hoffice. Mais pour le moment celui-ci n'est qu'embryonnaire dans l'Hexagone (un groupe Facebook gratuit de 400 membres). De quoi laisser un boulevard à Cohome qui ne demande que ça.