Le SMS constitue-t-il une preuve recevable ?

L'enregistrement d'une conversation téléphonique d'ordre privé, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, constitue un procédé déloyal. En est-il de même du SMS ? Réponse.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2007, le SMS est une preuve recevable, au même titre que n'importe quel écrit. Il peut donc être utilisé par son destinataire comme moyen de preuve du comportement fautif de son auteur.


Les technologies de l'information et de la communication sont généralement à l'honneur en droit du travail lorsqu'il s'agit de délimiter la frontière entre vie professionnelle et vie privée du salarié, dont le respect doit être assuré (Cass. Ch. Mixte 18/05/07, Soc. 19/9/08, Soc. 19/12/07). L'arrêt rendu le 23 mai 2007 par la Cour de cassation, en ce qu'il appréhende les TIC et plus particulièrement le SMS sous l'angle nouveau de la preuve mérite d'être retenu (Soc. 23/05/07 SCP Laville - Arragon c/y). Dans cette affaire, une salariée se prétendait victime de harcèlement sexuel de la part de son employeur. Elle avait alors produit en justice la retranscription, qu'elle avait pris soin de faire établir par huissier de justice, des SMS qui lui avaient été adressés et que son téléphone portable avait enregistrés, afin de prouver de tels actes. La Cour de cassation a accepté ce mode de preuve.


De prime abord, une telle solution peut surprendre : il est, en effet, de jurisprudence constante que l'enregistrement d'une conversation téléphonique d'ordre privé, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, constitue un procédé déloyal qui rend irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue (Com. 25/02/03, Civ 2e. 7/10/04). Pourquoi alors en irait-il autrement du SMS ?

Le SMS : oral ou écrit ?

L'évolution des TIC amène cependant à repenser un tel encadrement juridique de la preuve. C'est  tout particulièrement le cas avec l'apparition du SMS (short message service), qui représente un  mode hybride de communication : si le SMS n'est pas oral, il n'a pas non plus, en effet, la forme d'un écrit susceptible d'être imprimé, contrairement à la télécopie ou à l'email.

A cet égard, l'expression retenue par la Cour de cassation pour qualifier le SMS,  "messages écrits téléphoniquement adressés", n'est pas anodine : elle retient le caractère d'écrit de ce type de message, par principe, conservé après lecture dans l'appareil récepteur ainsi que dans l'appareil émetteur afin qu'une éventuelle relecture reste possible. Dès lors, une solution différente de celle appliquée au simple enregistrement d'une conversation téléphonique paraît bien s'imposer. Dans l'arrêt précité, la Cour de cassation va encore au delà de cette constatation.

L'auteur du SMS sait que son message est enregistré

Pour juger irrecevable un enregistrement téléphonique, la Cour de cassation se fonde sur le fait qu'il soit obtenu à l'insu de celui à qui il est opposé. Or, ce n'est pas le cas du SMS, dont l'auteur sait pertinemment qu'il sera conservé dans le téléphone de son destinataire. 

La Cour de cassation a ainsi indiqué : "Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur". Là encore, l'expression retenue par la Cour prend tout son sens. En effet, si "l'auteur ne peut ignorer", c'est donc que l'enregistrement ne s'est pas fait à son "insu", fondement de la déloyauté rendant irrecevable en justice les preuves obtenues à l'aide de procédés ainsi mis en place.

En mettant en avant le caractère écrit des SMS, mais également en soulignant que  leur auteur a connaissance de la conservation possible de son message, la Cour s'aligne sur l'admission légale de l'écrit sous forme électronique. Le SMS devient ainsi une preuve recevable en justice, au même titre que l'écrit papier, sous réserve, bien sûr, que "puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité" comme le prévoit le Code civil (article 1316-1 du Code civil).

Cet arrêt illustre parfaitement l'évolution logique et inévitable du régime de la preuve, qui doit s'adapter aux TIC.

A double tranchant

La décision ouvre, par ailleurs, des perspectives non négligeables en matière de droit du travail. Notons, en effet, que ce mode de preuve, qui est nouvellement reconnu ici au salarié, l'est naturellement aussi pour l'employeur. Les salariés doivent savoir que leur employeur pourra ainsi désormais établir une faute de leur part, en s'appuyant sur un SMS qu'ils auraient envoyé ou reçu.


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