Les dernières évolutions de la clause de non concurrence

La jurisprudence modèle peu à peu la clause de non-concurrence. Contrepartie financière, périmètre d'application, modalités de renonciation... Le point sur cette clause du contrat de travail.

Conditions de validité d'une clause de non concurrence La clause de non concurrence, insérée au contrat de travail ou par voie d'avenant au contrat de travail, apporte une limitation à la liberté individuelle du salarié d'exercer un autre emploi après son départ de l'entreprise. Elle est distincte de l'obligation de loyauté qui incombe au salarié pendant l'exécution de son contrat de travail.

Si le contrat ne prévoit rien, l'obligation de non concurrence pourra éventuellement résulter d'une convention collective mais seulement si celle-ci la rend obligatoire et si le salarié a été en mesure de prendre connaissance de la convention collective lors de son embauche.
En tout état de cause, le contrat de travail ne peut contenir une clause de non concurrence plus contraignante pour le salarié que celle prévue par la convention collective (par exemple une étendue territoriale plus étendue  Cass Soc 22/10/2008).

Pour être valable, les conditions cumulatives suivantes doivent être remplies. La clause de non concurrence doit : » être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise,   » être limitée dans le temps et dans l'espace (est par exemple illicite la clause interdisant toute activité similaire en France pendant 2 ans, contraignant ainsi le salarié à s'expatrier)        » tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié (est par exemple nulle la clause de non concurrence interdisant au salarié de retrouver un emploi correspondant à une qualification spécialisée) » et prévoir une contrepartie financière au profit du salarié (exigence posée par un arrêt du 10/07/2002).

Il est à noter que la clause dite de "respect de la clientèle" selon laquelle il est fait interdiction au salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation directement ou indirectement, selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur, s'analyse en une clause de non concurrence et doit donc prévoir une contrepartie financière pour être licite (Cass Soc 30/05/2007 et 10/12/2008).

Régime juridique de la contrepartie financière à l'obligation de non concurrence Le contrat de travail ne peut exclure le versement de la contrepartie financière en cas de licenciement du salarié (Cass Soc 27/02/2007) même pour faute grave (Cass Soc 28/06/2006), ni en cas de rupture du contrat de travail par le salarié (Cass Soc 31/05/2006). La convention collective non plus : elle ne peut interdire, en cas de faute grave, au salarié soumis à une clause de non concurrence de bénéficier d'une contrepartie financière (Cass. soc. 4 juin 2008, n°04-40.609). Une telle clause figurant dans une convention collective ne sera donc pas opposable au salarié.

La contrepartie financière à l'obligation de non concurrence est également due en cas de départ à la retraite (Cass Soc 24/09/2008), de survenance du terme d'un contrat à durée déterminée mais, en revanche, elle n'a pas à être versée aux ayants droit en cas de décès du salarié (Cass Soc 29/10/2008). Une clause ne comportant pas de contrepartie financière, ou une contrepartie financière dérisoire, est nulle (Cass. Soc. 15/11/2006). Ce, même si elle figure dans un contrat de travail signé avant l'arrêt du 10/07/2002.

Dans ce cas, seul le salarié, dont le contrat de travail a cessé, peut saisir le conseil de prud'hommes, même en référé (Cass Soc 25/05/2005), d'une action en constat de la nullité de la clause de non concurrence (si le juge l'annule, il n'aura pas à la respecter jusqu'à son terme), voire d'une demande de dommages et intérêts s'il prouve avoir respecté une clause de non concurrence frappée de nullité (Cass. Soc. 22/03/2006). Cette indemnisation pourra, par exemple, être égale au montant de la somme prévue contractuellement au profit de l'employeur si le salarié avait violé la clause de non concurrence (Cass. soc. 29/04/2003). Aussi, si le salarié est toujours en poste, l'employeur a intérêt à lui faire signer un avenant au contrat de travail prévoyant une contrepartie financière.

La contrepartie financière (dont le montant est forfaitaire) est acquise au salarié après la rupture du contrat de travail, ce pendant toute la durée de son obligation de non concurrence, le point de départ étant la cessation effective des fonctions (par exemple, en cas de dispense de préavis, dès que le salarié quitte l'entreprise), et ce sans que le salarié, qui respecte la clause, ait à justifier de l'existence d'un préjudice (Cass Soc 27/03/2008 n°07-40195 et 06-44782) et même s'il vient à retrouver un emploi (Cass Soc 10/03/2004). En cas de non paiement de la contrepartie financière, le salarié peut notamment en demander le paiement en justice ou solliciter la réparation de son préjudice lié au non respect par l'employeur de ses obligations (Cass Soc 25/02/2003).

Mais il arrive parfois que la contrepartie financière soit payée pendant l'exécution du contrat de travail, chaque mois, par un supplément de salaire qui apparaît alors distinctement sur le bulletin de salaire. Or, depuis le 7/03/2007, la Cour de Cassation interdit à l'employeur, à peine de nullité de la clause, de prévoir une majoration de salaire en guise de contrepartie financière à l'obligation de non concurrence car : » le montant de la contrepartie financière ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat; » elle ne peut être versée avant la rupture du contrat de travail. La contrepartie financière de non concurrence ne peut donc être payée qu'après la rupture du contrat de travail.

A noter que l'arrêt du 7/03/2007 a rejeté la demande de remboursement par l'employeur des sommes payées au salarié pendant l'exécution du contrat de travail au titre de la contrepartie financière de non concurrence. Les majorations de salaire versées au salarié lui restaient donc acquises. S'il veut se conformer à cet arrêt, l'employeur a alors intérêt à modifier pour l'avenir, avec l'accord des salariés, les clauses de non concurrence prévoyant une majoration de salaire en guise de contrepartie financière. Enfin, la contrepartie financière de l'obligation de non concurrence ayant la nature juridique d'une indemnité compensatrice de salaire, elle ouvre droit à l'indemnité de congés payés (Cass Soc 10/10/2007).

Modalités de renonciation à la clause de non concurrence L'employeur a la faculté de renoncer unilatéralement à l'exécution de la clause de non concurrence si le contrat de travail ou la convention collective le prévoit. A défaut, il lui faut l'accord du salarié. Cependant, une dispense tardive par l'employeur de l'obligation de non concurrence ne le décharge pas de son obligation de verser au salarié la contrepartie financière prévue (Cass Soc 24/01/2007).

En l'absence de délai de renonciation prévu par le contrat de travail ou la convention, l'employeur doit préciser dans un "délai raisonnable" qu'il renonce à l'application de la clause, délai qui court à compter du jour où il a connaissance de la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 13/06/2007 : un délai de 2 mois après la rupture du contrat de travail a été jugé raisonnable pour un directeur commercial).   Attention : la seule mention d'une renonciation systématique par l'employeur prévue par le Plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas suffisante (Cass Soc 23/09/2008). Mieux vaut donc, en plus, envoyer un courrier individuel aux salariés.
  La violation de la clause de non-concurrence Le salarié qui viole son obligation de non concurrence (exercice d'une activité ne respectant pas les limites de la clause) perd le droit à la contrepartie financière et devra même verser les sommes déjà perçues à ce titre (Cass Soc 9/04/2008 n°06-46523). Il pourra, en outre, être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son ancien employeur. Il appartient cependant à l'employeur de rapporter la preuve d'une éventuelle violation de la clause de non-concurrence (Cass Soc 25/03/2009, n°07-41.894).   - A lilre aussi sur le Journal du Net : "La validité des clauses de non-concurrence" de Katell Deniel-Allioux