Trois leçons de la révolution du Jasmin pour les dirigeants

La vague de changement née à Sidi Bouzid en Tunisie et touchant l’un après l’autre les pays arabes porte, toute proportion humanitaire gardée, des enseignements clefs pour les dirigeants de tout type d’organisation : publique, associative ou privée.

Les dictateurs éjectés par leur peuple, sont punis pour ne pas avoir su mettre en place le changement : celui de la démocratisation de leur régime. Il aura suffi d'une goutte supplémentaire d'injustice pour que le vase déborde : les supporters du changement, jusque-là passifs, sont brusquement devenus actifs, encouragés par la dynamique de groupe et la conviction qu'il y aurait désormais davantage à perdre à ne rien faire qu'à prendre l'initiative. Les choses se font alors malheureusement avec des risques élevés de violence et de chaos, comme en Libye. Ces risques deviennent mitigés si un leadership suffisamment fédérateur émerge, sachant donner et tenir un cap.
Les dirigeants de nos entreprises et organisations publiques ne sont heureusement pas des dictateurs fous et dangereux. Cependant, la même logique s'applique à un responsable n'ayant ni la vision ni le courage de conduire un changement pourtant inéluctable. Son organisation est mise en danger, ses équipes se résignent et souffrent jusqu'à ce qu'un événement, apparemment anodin, enclenche une transformation qui aurait pu être beaucoup moins douloureuse si anticipée et préparée à temps. Quelles sont les leçons à tirer ? J'en vois trois principales.

D'abord qu'aucune stratégie ni aucun mode de fonctionnement n'est durable sans l'adhésion d'une masse critique de gens. Or lorsqu'une stratégie impopulaire s'impose, les managers reculent trop souvent devant ce qu'ils considèrent comme une tâche trop difficile. Pourtant, même un plan de réduction de coûts peut rencontrer une certaine adhésion. Déjà par un effort de clarté envers les salariés, sur les causes et les attentes, puis par l'écoute et le dialogue. Et enfin par la mise en avant de points positifs, qui existent même pour les salariés et pas uniquement pour les actionnaires.
En second lieu, les signes du changement se détectent par une posture d'écoute et de contact. Écoute de ce qui se dit, contact de ce qui se fait, en "interne" comme en "externe".  S'il est très difficile pour un manager d'y consacrer le temps nécessaire, il peut néanmoins organiser un dispositif et transmettre cet état d'esprit à ses équipes.
Enfin, et c'est selon moi l'enseignement majeur, il n'y a pas de limite à l'énergie qui peut être créée par un groupe de personnes s'appropriant un changement qui les touche, autant individuellement que collectivement. Dire que les managers doivent impliquer leurs équipes dans le changement est un énorme cliché qui n'en reste pas moins vrai et encore trop peu appliqué avec sincérité.

On a tout intérêt aujourd'hui à prendre en compte ces trois enseignements pour réussir un changement dont l'importance et l'inéluctabilité semblent se confirmer chaque jour : celui de la responsabilité sociale et environnementale (RSE ou responsabilité sociétale de l'entreprise).