Homos au bureau : parler à tous sans choquer personne

Combien d’entreprises s’interrogent sur les conséquences économiques de la prise en compte, ou non, des homosexuels dans leur stratégie ? Comment se positionner sans faux pas et adopter le ton juste sur le champ de la diversité des orientations sexuelles quand on fait du business ?

Bien au delà  du débat médiatique sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, l’égalité - et plus précisément l’acceptation de la société dans sa diversité - change progressivement la donne: de nouveaux besoins et une exigence plus forte envers les marques voient le jour.
Parler au plus grand nombre sans discriminer n’est pas un exercice facile. Que l’on cible large ou focus sur des catégories précises, on se retrouve presque irrémédiablement tenté par la globalisation à outrance (le fameux “melting pot”) ou la réduction d’une cible à sa plus simple caricature : le sportif-bogoss-épilé-protéïné (qui malgré tout se teint les cheveux), par exemple. Difficile de laisser place à la diversité quand on tente de la faire rentrer dans une catégorie marketing bien définie.
Le marketing doit permettre de mieux vendre, si ce n’est que les consommateurs finissent par s'apercevoir de la supercherie et se dirigent peu à peu vers des modes de consommation plus “vrais” et sont du moins en recherche d’un retour des valeurs dans le commerce. L’engouement pour le panier de légumes bio n’est peut-être pas seulement dû à une prise de conscience écologique collective, mais aussi à une forme de défiance à l’égard de tout ce que le marketing a tenté d’imposer : l’image d’une société parfaite, lisse et normée.

Si les consommateurs sont encore capables de s’identifier à des modèles, la limite est atteinte lorsque ces modèles ne représentent plus la société telle qu’elle est. Le succès de la campagne réalisée par Dove, qui met en scène des femmes de toutes corpulences, est l’illustration parfaite de l’évolution nécessaire de la façon qu’ont les entreprises de communiquer : les consommateurs sont tous différents, et ils sont sensibles aux marques qui les représentent, tels qu’ils sont.
Si l’on se focalise sur la “cible homo”, certaines marques imaginent qu’il est préférable de leur parler dans une campagne dédiée, un site à part, une offre à part, une pub à part, parce que “l’homosexuel” serait une cible dont les comportements d’achat seraient clairement identifiés et surtout parce qu’il faudrait absolument éviter de mettre les homos dans le panier du stéréotype de la famille hétéro-normée par peur de … peur de quoi d’ailleurs ?

La stratégie du ciblage est caricaturale, il n’y pas de “consommateur homo”. Personne ne se gay-brosse les dents, ne lesbo-commande un double cheese, ni ne se gay-prépare pour un entretien d’embauche... Il n’existe pas de consommation homo. Aux Etats-Unis peut-être, dans le microcosme du Marais parisien, éventuellement, mais la grande majorité des consommateurs homos en France, n’a pas une consommation communautaire. Il n’y a pas de “communauté gay”, il y a juste des consommateurs tous différents.
Le seul point commun entre les homos, est qu’ils détestent qu’on s’adresse à eux uniquement quand il faut qu’ils ouvrent leur porte-monnaie, alors que le reste du temps, dans les publicités, les magasines, les contes pour enfants, les films d’action… ils n’existent pas !

La stratégie du “tous ensemble” est quant à elle, si ce n’est inefficace, en tous cas ridicule. Elle aboutit à une logique de quotas incompréhensible, comme la dernière publicité Ikea France où la “famille moderne” (groupe subtilement composé d’un couple gay dont un noir, d’un couple de vieux, de deux couples hétéros, de trois enfants, d’un chien et d’une vieille dame) n’existe que dans les séries. On retombe sur la famille parfaite, diversifiée certes, mais qui sonne toujours aussi faux.

En réalité, il y a bien un moyen, pour parler à tout le monde, sans choquer personne: commencer par considérer que les différences entre les consommateurs ne sont pas des risques mais des chances pour l’entreprise. A l’instar de Mc Donald’s qui représente un jeune tentant d’annoncer à son père qu’il est homo, la marque utilise comme accroche: “venez comme vous êtes”. Cette publicité, si elle s’adresse aussi aux homos souvent isolés face au coming out, parle surtout et avant tout à tout le monde.
Elle illustre en premier lieu la complexité des rapports entre les générations à laquelle tout le monde s’identifie. Cette publicité traite de l’homosexualité avec finesse et sans stigmatiser la cible, c’est un exemple à suivre.

Le mariage pour tous va changer la donne certes, et pas seulement sur le marché du mariage, de nombreuses entreprises seront concernées de près ou de loin par le changement de statut des couples homosexuels, c’est une opportunité pour les marques de les accompagner mais il ne faut pas s’arrêter à cette actualité. Agir sans discrimination ne doit pas être événementiel, ce doit être un travail de fond à amorcer pour véhiculer une image d’entreprise en cohérence avec la société.

On estime entre 6% et 10% le nombre d’homosexuels. Quelle entreprise peut se permettre de faire une croix sur une partie de son chiffre d’affaires par négligence ou par ignorance ? Pour les entreprises, la diversité n’est pas une option, c’est une réalité qu’il est urgent de prendre en compte, avec une seule et unique ligne de conduite : ne confondez pas égalité et uniformité (Swami Prajnanpada)