Les grands coups de communication de la Ve République : François Mitterrand et l'attentat de l'Observatoire

Le coup de com', celui qui ébranle l'opinion, est rare. Très rare même. A fortiori lorsqu'il est réussi. Petit passage en revue des grands coups de com' de la Ve République en commençant par l'attentat de l'Observatoire, qui faillit discréditer François Mitterrand, et dont il parvint à se remettre à force de détermination et d'habileté politique.

Dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959, la voiture de François Mitterrand est criblée de balles au niveau de l’avenue de l’Observatoire. Le choc dans l’opinion est immense, les témoignages de sympathie se multiplient, la gauche se découvre un héros » (1) Paris Presse n’hésite pas à titrer « Mitterrand sauvé par son sang-froid ». Mais une semaine plus tard, le journal Rivarol crée l’événement : Robert Pesquet soutient que l’attentat aurait été commandité par François Mitterrand lui-même.  Après la levée de son immunité parlementaire, celui-ci est inculpé le 9 décembre.

Qui sont les protagonistes ?

François Mitterrand : un politique au creux de la vague. Au moment des faits, François Mitterrand est âgé de 43 ans. Il a déjà une longue carrière politique derrière lui avec de nombreux hauts et quelques déconvenues plus récentes. Battu aux législatives de 1958, il rebondit aussitôt en devenant maire de Château-Chinon puis en se faisant élire sénateur de la Nièvre. Mais l’homme est politiquement marginalisé par les socialistes de Guy Mollet qui participent au gouvernement gaulliste et une minorité qui, à l’instar de Mendès France, refuse tout compromis avec la droite.
Robert Pesquet : un personnage douteux. De son côté, Robert Pesquet, ancien résistant, a rejoint les rangs des députés poujadistes lors de son élection en 1956. Comme François Mitterrand, il se fait battre aux législatives de 1958 par un candidat du parti gaulliste. C’est donc un homme en rupture de banc, proche de l’extrême droite, qui va attenter à la vie de François Mitterrand.

Quelles conséquences ?

L’effet engendré par les déclarations de Robert Pesquet est catastrophique. La proximité de l’homme avec l’extrême droite n’y change rien : déconsidéré par la presse, accablé par tous – à l’exception notable de Mauriac –  François Mitterrand, qui a beau crié son innocence, se retrouve totalement décrédibilisé. L’affaire renforce son isolement et le renvoie à une époque désormais révolue : celle de la IVe République.

Notre appréciation

Une faculté de rebondissement hors du commun. S’agissait-il d’un faux ou d’un véritable attentat ?
Le doute demeure. Mais le simple fait que tant de monde ait cru à une affaire montée de toute pièce et que François Mitterrand ait soutenu au moins deux versions très différentes aurait définitivement pu compromettre sa carrière politique. Un très mauvais coup dans l’immédiat, donc.  Mais, dans les mois qui suivent, François Mitterrand donne un aperçu de sa détermination et de son habileté politique.
Dès 1961, il se forge une stature internationale, participe à un voyage d’études en Chine, rencontre Mao Tsé Toung et en ramène un livre : La Chine au défi. Après cet intérêt marqué pour le communisme, le voilà qui confirme un an plus tard son opposition radicale au gaullisme. En 1962, par un de ces curieux retournements dont l’histoire a le secret, le procès de Raoul Salan – général putschiste - lui fournit l’opportunité de jouer l’affaire de l’Observatoire à l’envers. Reprenant la ligne de défense de l’accusé, il dénonce à son tour un complot, cette fois-ci gaulliste, en accusant Michel Debré d’avoir fomenté l’attentat contre Salan en 1957.
La parution la même année du Coup d’Etat permanent contribue à faire de lui – qui n’est alors que le leader d’une petite formation (la CICR) – le principal opposant de de Gaulle et le représentant de la gauche aux élections présidentielles de 1965.  Il puisera dans cette traversée du désert et cet improbable retour sur la scène politique la dimension d’un politique hors du commun. D’un très mauvais coup de com’, François Mitterrand aura su faire le point de départ d’une ascension irrésistible.

  (1)  Patrick Rotman, le Roman du Pouvoir
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