Vers la fin du leadership ?

Les capacités leadership telles qu’elles sont encore représentées, enseignées, pratiquées sont-elles en phase avec les transformations auxquelles sont confrontées les entreprises aujourd'hui ?

Au commencement était le Chef

Récemment en écoutant à la radio un rapide micro-trottoir en réponse à la question « Qu’est-ce qu’un chef ?», j’ai été frappée par la figure emblématique et fascinante qui se dessinait derrière les réponses à cette question. Un leader aux traits de personnalités identifiables : énergie, résistance au stress, intégrité, capacité à prendre des décisions, confiance en soi …, un leader héroïque et charismatique, homme providentiel, à même par sa vision et ses capacités à entraîner les hommes et déplacer des montagnes.
Cette conception d’inspiration néo-taylorienne domine encore largement nos représentations individuelles et collectives. Pour autant, coach en entreprise depuis une dizaine d’années, naviguant dans des organisations différentes et amenée à côtoyer des dirigeants et managers de tous bords, il me semble pouvoir affirmer que ces héros sont rares même si, je le reconnais volontiers, quelques spécimens existent.

Du manager au cadre dirigeant

Comment font depuis deux ou trois décennies nos managers et dirigeants pour s’approcher au plus près cette image mythique ?
Dans la mesure où ces qualités de Chef se déclinent aussi en comportements, ceux-ci peuvent s’apprendre. Donc, nos managers se forment et depuis quelque temps se font coacher pour trouver leur style et l’adapter aux exigences de la situation. Les plus compétents et performants sont repérés et étiquetés « hauts potentiels ». Dès lors l’entreprise n’a de cesse de les chouchouter, les développer et les destine à des postes de futures cadres dirigeants. Lorsqu’ils le deviennent, enfin, ils se confrontent et s’essoufflent face à la réalité de systèmes contraignants, contrôlants, normatifs où il est bien difficile d’exprimer toutes ces qualités si chèrement et durement acquises.

Quels nouveaux modèles au 21ème siècle ?

Le monde n’est plus le même, tout au moins pour une partie de la planète, que celui de la fin du siècle dernier. Les entreprises s’adaptent mais force est de constater qu’elles sont moins rapides que leur environnement et que les hommes et les femmes qui y travaillent.
De quels leaders avons-nous besoin alors que le pouvoir se répartit de facto entre parties prenantes qui doivent interagir, coopérer et composer ? Quel levier doivent-ils activer alors que l’autorité hiérarchique cède la place aux affinités électives ponctuelles ? Comment faire lorsque le besoin d’appartenance se nourrit dans des réseaux imbriqués, durables ou provisoires? Au regard de réalisations collaboratives ouvertes comme Wikipedia pour n’en citer qu’une, des spectaculaires fulgurances que sont à titre d’exemple les Harlem Shake, dès lors que le plus illustre inconnu peut devenir en 48 heures, et pour quelques semaines seulement, le personnage le plus « suivi » de la planète, une question s’impose : avons-nous encore besoin de leaders ?
Des réflexions et des pistes de recherches intéressantes émergent ces dernières années.
  • Aujourd’hui, le vrai leader, selon le « servant leadership », serait celui qui a pour préoccupation majeure d’être d’abord au service de ses troupes pour les aider à mieux accomplir leurs missions et atteindre leurs objectifs.
  • Le concept de « followership » fait son chemin et s’intéresse à ceux qui sont censés suivre c’est-à-dire adhérer, pour une période donnée, au projet collectif et aux modes d’actions proposés. Là où l’on imposait en essayant de convaincre, il s’agit d’encourager la liberté des individus, leurs critiques voire leurs contestations, leur potentiel de proposition.
  • Comment enfin, vivre le « leadership partagé » puisqu’on ne mise plus que sur l’intelligence collective ?
Les réponses à ces questions sont à inventer et à expérimenter, en situation, selon les contextes et les spécificités. Notre leader héroïque et providentiel, sous réserve qu’il ait un jour régné, est en train de mourir de sa belle mort. Et quant à nous, coachs de dirigeants en entreprise, nous devons être sérieusement attentifs à nos propres croyances et représentations si nous ne voulons, très vite, subir le même sort.