GPEC : vers les RH territorialisées ?

D’importants mouvements économiques, technologiques, démographiques bouleversent nos économies depuis plusieurs années. La fragilisation qui en a émergé a mené à une volonté d’anticipation des acteurs. Quid de la gestion des compétences ?

D’importants mouvements économiques, technologiques, démographiques bouleversent nos économies depuis plusieurs années. La fragilisation qui en a émergé a mené à une volonté d’anticipation des acteurs. Le traitement en amont de ces facteurs humains est devenue une nécessité. La GPEC, outil de gestion lancé il y a plus de 25 ans, et présent depuis un peu plus de 8 ans dans le code du travail a semblé vouloir répondre à cette question pour les DRH.

De la gestion des compétences à la GPEC

La GPEC, outil de gestion dont la finalité est d’avoir un regard  sur le moyen terme de l’entreprise et de ses salariés, adéquation entre les besoins des entreprises et les capacités des entreprises, est un outil stratégique dont les pratiques concrètes développées  sont plutôt hétérogènes. Elle s’adapte à la réalité de chaque entreprise et il est, en conséquence, compliqué d’en appréhender et d’en dessiner un visage unifié.
Antérieurement à la loi Borloo, la GPEC, dans les années 90, était un outil permettant d’éviter les licenciements dans les entreprises menacées par la crise économique. Des pratiques, se distinguent deux axes : d’une part, soit elles sont orientées vers une gestion individuelle (des parcours professionnels), soit vers une gestion plus collective (des emplois) et d’autre part, la GPEC repose soit sur le contrôle des salariés, soit sur leur autonomie. La question de l’aspect prévisionnel n’est pas véritablement atteint. Et les années 2000 conduiront au même résultat même si on constate que les entreprises gèrent davantage leurs compétences en les identifiant, en les rémunérant et en les reconnaissant. Mais gérer n’est pas anticiper une stratégie, ni anticiper les besoins en matière d’emplois et de compétences.
En 2005, la loi du 18 janvier institutionnalise une obligation triennale de négocier sur la mise en place d’un dispositif de GPEC et sur les mesures d’accompagnement des entreprises de plus de 300 salariés (150 pour les entreprises communautaires) complétée par la loi du 3 octobre 2006 qui stipule que le comité d’entreprise doit être associé à la négociation triennale et que les partenaires sociaux sont incités à inscrire dans les accords de GPEC des mesures préventives de développement de l’activité dans les bassins d’emplois potentiellement concernés par des restructurations programmées.
La dimension prévisionnelle est réapparue au premier rang et cette loi a permis la relance d’une dynamique sociale.
La loi du 14 juin 2013, quant à elle, ajoute une obligation de négocier sur les orientations de la formation à 3 ans et sur les objectifs prioritaires du plan de formation. Cela impacte la consultation du CE.
L ’article L.2323-7-1 du code du travail stipule:
« Chaque année, le comité d’entreprise est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages.
« Le comité émet un avis sur ces orientations et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre. »

Cette articulation entre GPEC et stratégie de l’entreprise n’est pas nouvelle

Ces dernières lois ouvrent opportunément la voie à la GTEC permettant de remédier à une connaissance insuffisante de la main d’œuvre sur un territoire et à son approche incomplète des évolutions économiques  conjoncturelles et structurelles.
Le territoire peut s’appréhender comme un espace recouvrant des réalités et des échelles distinctes. C’est aussi un ensemble d’acteurs étant en capacité d’agir collectivement et interagissant dans la proximité, qu’elle soit géographique, organisationnelle, institutionnelle ou par le biais de réseaux.
Le renforcement de la compétitivité nécessite de s’appuyer sur les territoires comme acteurs majeurs de soutien au développement de nos entreprises. Un territoire attractif attire des emplois de qualité.
Des emplois de qualité rendent le territoire attractif.
L’évolution de l’organisation du territoire à été considérable en France depuis les années 1980.
D’une organisation fortement centralisée, L’État français à évolué sous la double impulsion du fait européen et de la régionalisation interne. Ce principe de « subsidiarité » qui postule la légitimité des échelons territoriaux de proximité à définir leurs fins et leurs moyens. Un système qui se complexifie en démultipliant les niveaux de décision.
La France compte plus de 95 % de PME. La proximité territoriale et les fonctions qu’elles assurent représentent avec la sous-traitance un des premiers leviers de développement. Cela joue pour les systèmes d’accès aux marchés mais aussi au travers des services aux entreprises. Ainsi plus les synergies sont fortes entre différents acteurs d’un territoire, plus les capacités de développement des marchés, des innovations sont mobilisées.
Le resserrement des liens d’organisation et de mutualisation entre les PME permet au tissu industriel de mieux résister à la concurrence ou de mieux se positionner.

Vers une GPEC offensive

Dans ce contexte, se tourner vers la GTEC permet d’aller plus loin. Cette adéquation dépasse l’entreprise et le territoire devient le lieu où puiser les compétences, mais aussi le lieu dont il faut gérer l’attractivité. La GTEC fait appel à une réflexion davantage stratégique car elle devient l’affaire de tous les acteurs et non plus seulement de l’entreprise. Point de rencontre des entreprises, partenaires sociaux, organismes de formation, pouvoirs publics et les salariés. Le territoire comme espace de projets et de projection devient plus efficient par opposition par exemple aux approches interprofessionnelles.
Ces projets de GTEC peut être pilotés par un pôle de compétitivité, un comité de bassin d’emploi ou un conseil régional par exemple et les logiques seront différentes en fonction de l’initiative et de la temporalité de la démarche.
Que ce soit suite à une situation à froid (mieux anticiper les besoins des entreprises et un meilleur pilotage des dispositifs emploi-formation) ou que ce soit suite à une situation à chaud (mutations économiques), l’on sera davantage sur la réaction ou l’anticipation mais toujours dans cette logique de dynamique de travail coopératif fédérant l’ensemble des forces économiques, sociales et politiques du territoire.
Dans ces dispositifs de GPEC territorialisés, c’est une lecture plus offensive qu’il faut y voir dans la mesure où le territoire est une ressource qui permet de puiser les compétences nécessaires, ou de développer celles qui n’existent pas encore.
La politique industrielle que souhaite relancer l’Etat français semble s’inscrire dans le registre des territoires. Ce fut d’abord en 2002 la labellisation des « systèmes productifs locaux, puis celle en 2005 des « pôles de compétitivité », avec l’idée supplémentaire d’associer aux seules entreprises les acteurs de formation, de recherche ainsi que les collectivités locales. Ces nouvelles structures inter-organisationnelles interpellent notamment les responsables de ressources humaines, qui y ont déjà vu une invitation à concevoir des opérations de recrutement portées en commun ou des formations partagées.
Territorialiser la GRH n’est pas un chemin facile tant les obstacles peuvent être nombreux comme:
l’absence d’engagement durable d’un ou de plusieurs partenaires, l’instrumentalisation au profit d’un acteur, la concurrence entre les territoires , et enfin le risque de superposition avec les dispositifs existants.
Les conditions nécessaires de réussite passent notamment par une connaissance fine de la culture du territoire, la mutualisation des moyens de réflexion et d’action, le fait de favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs économiques (entreprises, centres de recherche, sociétés de conseil, de formation). La démarche exige  une connaissance la plus complète possible des ressources territoriales et de leurs potentielles combinaisons.

Le recours à l'intelligence territoriale

A ce titre, L’intelligence territoriale si elle permet un accompagnement des entreprises dans leur stratégie de conquête de marchés internationaux , en aidant à la visibilité à l’international, contribue à son niveau à limiter  les désindustrialisations et délocalisations. L’application territoriale de l’Intelligence économique est étroitement associée à ce que l’on appelle aujourd’hui le « marketing territorial » qui permet de mêler l’identité et l’image du territoire avec l ’identité et l’image des acteurs-utilisateurs.
Elle peut aussi  favoriser la mise en place de réseaux de partenariats entre le public et le privé dans l’optique d’améliorer la circulation de l’information stratégique du premier vers le second en identifiant préalablement les acteurs, en s’appuyant sur des outils d’intelligence territoriale comme les schémas régionaux de développement économique ou le contrat de projet Etat/région.
Aller dans le sens d’une capacité collective du territoire pour anticiper les ruptures qui vont l’atteindre, nécessite la mise en œuvre d’une évolution de sa culture informationnelle basée sur une logique d’interaction, une logique de projet. Et qui prend son sens dans une communication des compétences locales.
Une information identifiée, collectée, compilée ,traitée, organisée, diffusée.
Derrière ces expériences encore peu répandues de GTEC mais en développement, se pense et commence à se pratiquer une GRH davantage au carrefour de plusieurs établissements se basant sur des relations de réseaux et de proximité  construites par des acteurs soucieux d’être dans un mouvement plurisectoriel et prospectif.