Développement durable : les vrais freins et comment les lever

Les raisons principales du retard français en matière de développement durable sont culturelles : en France, la Nature n'est pas sacrée ; pour les Latins, seule la loi compte et pour les Cathos, pas question de s'enrichir en étant vertueux. La solution : une communication qui tient compte de ces freins pour mieux les lever.

En matière de développement durable, la France est loin du compte. La biodiversité s’effondre, les niveaux de pesticides et de polluants atmosphériques restent élevés, la place des handicapés reste à conquérir… En surtout, rares sont les grandes entreprises françaises en pointe sur ces thématiques. Pourquoi, alors que nous sommes si intelligents, inventifs (et modestes) ne sommes-nous pas davantage pionniers sur le sujet ? Il existe bien sûr diverses raisons à ce retard accumulé. Mais je voudrais insister ici sur les freins culturels. En effet, 15 ans d’expérience dans le domaine de la communication sur le développement durable m’ont convaincu que ces freins immatériels sont déterminants.

En France, la nature n’est pas sacrée

Les Européens du Sud ont tendance à ne pas craindre la nature et à ne pas l’idéaliser non plus.
La nature pour les Latins n’a pas de caractère sacré. Au service de l'homme, elle est taillable et corvéable à merci. Elle vaut par ce qu’elle apporte aux hommes : lait, fruits, gibier, jolis paysages, uranium, pistes de ski… Cette représentation « consumériste » de la nature est ancienne chez les Européens du Sud. Elle constitue un frein à la prise en compte du volet écologique du développement durable, un frein moins serré chez les Européens du Nord. Cette conception tient sans doute au fait que les Européens du Sud ont développé l'agriculture et l'élevage plus tôt. Quand les pays du Nord vivaient souvent dans la forêt, ceux du Sud vivaient dans une nature plus domestiquée : des champs, des pâturages et des jardins.

Pour les Latins, seule la loi compte

Un autre frein à prendre en compte est le rapport à la règle et à la loi. La RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) a pour principe la concertation et l'engagement volontaire. Les institutions européennes, qui prônent le Développement Durable, ne veulent pas de lois mais des campagnes de sensibilisation et quelques mesures fiscales incitatives. Or, cette conception est contraire à la tradition française, héritière de la loi latine puis républicaine. Les Français ne connaissent que la loi écrite, appliquée et sanctionnée par l’Etat de droit. En dehors de la loi, pas de règle qui tienne. Pour un Français, une « charte éthique » ou une « démarche volontaire » sont des engagements en peau de lapin. Ce sont des promesses qui « n’engagent que ceux qui les reçoivent», pour reprendre une formule célèbre de Jacques Chirac. Pire, si ces promesses émanent d’une entreprise, le Français pensera qu’elles masquent des comportements inavouables (Greenwashing).

Pour les Cathos, pas question de s’enrichir en étant vertueux

Mais le frein le plus flagrant est lié à l’héritage religieux. Le développement durable voudrait concilier profit et vertu écologique ou sociale. Or, dans les pays où le catholicisme a été historiquement prédominant, richesse et vertu semblent a priori inconciliables. « Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux » répète-t-on dans les cours de catéchisme catholique (Évangile de Marc, 10,25). Au contraire, dans les pays où le protestantisme a eu une grande influence, on associe plus facilement profit et vertu. « Ethic pays ! » (L’éthique ça rapporte), répète-t-on à Wall Street. Ce rapprochement entre profit et vertu rend plus perméable au développement durable. Si vous avez un comportement vertueux, vous ferez des profits durables ! Si vous faites des profits durables c’est que vous êtes vertueux ! Un Anglais ou un Américain peuvent le croire, un Français ou un Italien auront beaucoup plus de mal. Malheureusement, un chef d’entreprise français, italien, portugais ou espagnol aura tendance à penser que la prise en compte de la dimension environnementale et sociale lui coûtera de l’argent mais ne lui en rapportera pas.

Quelle stratégie de communication pour le développement durable en France?

Quelle est donc la solution pour promouvoir plus efficacement le développement durable en France ?
Il existe une stratégie de communication qui fonctionne au Nord comme au Sud, auprès des Latins comme auprès des Anglo-saxons. Les dernières études montrent que les citoyens européens, français en particulier, ont envie agir dans le sens du développement durable. Mais ils ne savent pas bien ce que cela rapporte et comment s’y prendre !  La bonne communication responsable doit donc répondre à ces deux interrogations : « combien ? » et « comment ? ».
Cette communication responsable doit d’abord faire une démonstration économique pour toucher les entreprises, les pouvoirs publics et les particuliers. En faisant un calcul simple, on se rend compte qu’un ménage (ou une petite entreprise) peut économiser jusqu’à 10 000 euros par an en appliquant quelques éco-gestes de base : ne plus utiliser de voiture individuelle, faire isoler son espace de vie ou de travail, acheter des appareils électro-ménagers basse consommation, faire soi-même ses produits d’hygiène… Démontrer cela est un bon moyen de persuader tout un chacun de s’orienter vers le développement durable. Une fois le « combien » éclairci, reste à établir le « comment ». Pour cela, la communication doit fournir des modes d’emplois clairs, pragmatiques indiquant où s’adresser, ce qu’il faut acheter, comment s’en servir, etc.
Cela paraît simple, et pourtant… En s’adressant mal aux acteurs économiques français depuis dix ans sans respecter leurs spécificités culturelles, des freins ont été mis au développement durable. Il devient urgent aujourd’hui de les lever… par une communication adaptée.