Vers le consultant facilitateur

Depuis quelque temps, de plus en plus de voix se font entendre pour mettre en avant la nécessaire évolution du métier de consultant.

Début mars 2015, l’ESSEC a organisé une table ronde avec des dirigeants de cinq grands cabinets de conseil pour qu’ils témoignent de leur vision de l'avenir du conseil. Cet article présente le contexte et le contenu de l'évolution du métier de consultant vers celui de facilitateur en mettant en avant les compétences qu'ils devront acquérir.

Des Big Eight aux Big Four

La création du premier cabinet de conseil,  Arthur D. Litle, remonte à 1886. C’est au début du vingtième siècle que sont apparus les deux suivants, Booz Allen Hamilton a été créé en 1914 et McKinsey en 1926. Cependant ce sont les années 80 qui ont vu dans de nombreux pays le déploiement massif du consulting sous l’égide des cabinets internationaux d’audit et de conseil appelés à l’époque Big Eight (Arthur Andersen, Arthur Young, Coopers & Lybrand, Ernst & Whinney, Deloitte Haskins & Sells, Peat Marwick Mitchell, Price Waterhouse et Touche Ross) puis Big Five (Arthur Andersen, Deloitte & Touche, Ernst & Young, KPMG Peat Marwick et PricewaterhouseCoopers) après différentes fusions. Le scandale Enron, au début des années 2000, a amené la disparition d’Arthur Andersen et leur restructuration. Ils ne sont plus maintenant que les Big Four. Ces cabinets ont fortement marqué le métier de consultant en management.

Pourquoi des consultants en management ?

De manière concrète, les directions des organisations ont fait et font appel aux consultants en management pour leur expertise sectorielle ou métier et surtout leur capacité à planifier et gérer certains de leurs projets. Il s’agit le plus souvent de projets liés à la définition et la mise en place de nouvelles structures, nouveaux modes de fonctionnement, nouveaux systèmes d’information... Les consultants sont donc une ressource utilisée ponctuellement dans le temps par les organisations et de manière plus ou moins autonome pour définir mais surtout porter un changement même si souvent les compétences pour ce faire existent en leur sein.

Une majorité de projets de changement n’atteint pas ses objectifs

Cependant il faut bien noter que depuis les années 90, qu’il s’agisse des études du Gartner, de McKinsey, d’IBM, etc. il est reconnu qu’approximativement 70% des projets de changement n’atteignent pas leurs objectifs soit en termes de délais, budget ou satisfaction des parties prenantes. Une des principales  raisons évoquées pour expliquer ce chiffre étonnant est la difficulté à passer du mode projet à la nouvelle situation amenée avec le changement. Problématique qui est encore renforcée par l’intervention des consultants qui sont rarement missionnés pour gérer la pérennisation des dispositifs qu’ils ont définis et installés.

Le monde est devenu VUCA

Par ailleurs le monde, en particulier celui des organisations, est devenu VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity), comme l’expriment les américains. C’est-à-dire en français que « tout change tout le temps » et qu’il faut que les organisations comme les individus s’adaptent perpétuellement. Principalement cela signifie deux choses. D’une part les organisations ne peuvent plus faire réaliser par des consultants des plans, même à trois ans, qu’elles n’auraient qu’à suivre linéairement avec leur appui et d’autre part elles doivent impliquer le plus tôt possible leurs collaborateurs dans la définition des changements pour bien prendre en compte les spécificités de leur contexte et de ses contraintes ainsi qu’éviter les difficultés liées à leur mise en place et leur pérennisation.

Déployer des ateliers collaboratifs

Pour s’adapter à ce nouveau contexte qui nécessite un engagement multiforme des collaborateurs et de leur management, il y a plusieurs approches possibles. La réalisation avec eux d’ateliers collaboratifs est certainement l’une de celles qui est la plus porteuse de résultats. En effet, elle permet aux collaborateurs de donner le meilleur d’eux-mêmes pour contribuer à la définition puis la mise en œuvre des actions qui vont leur permettre de relever les différents défis auxquels leur organisation doit faire face.

Préférer les ateliers collaboratifs en grands groupes

Pour autant, tous les ateliers collaboratifs ne sont pas identiques. Il y a les ateliers avec une dizaine de personnes et ceux qui peuvent en rassembler plusieurs centaines voir jusqu’à plus d’un millier. Même s’ils nécessitent une préparation et une animation différente, comme l’Appreciative Inquiry, la Future Search, l’Open Space Technology, le World Café, etc., ainsi que des technologies puissantes et flexibles permettant d’augmenter leur portée et leur efficacité, les seconds sont préférables aux premiers. En effet, ils offrent la possibilité de mobiliser un plus grand nombre de collaborateurs et donc de mieux les engager dans la définition et la mise en place des actions à réaliser. Il existe actuellement de nombreux éditeurs qui proposent des outils logiciels pour développer une interactivité simple (vote ou questions/réponses) lors des séminaires mais il y encore peu de solutions qui permettent de réaliser de véritables ateliers collaboratifs en grands groupes. Il y a notamment l’américain Covision (http://www.covision.com) et la startup française Stormz (http://stormz.co) dont l’outil très flexible et puissant permet de concevoir des ateliers basés sur des méthodologies éprouvées en grands groupes ou en petits groupes (créativité, design thinking, prise de décision…).

Passer du consulting à la facilitation

Comme dans les années 90, le métier de consultant doit à nouveau évoluer. A cette époque les consultants qui s’impliquaient dans la mise en œuvre de leurs préconisations ont été préférés aux simples réalisateurs de rapports. La plus grande part des consultants vont devoir maintenant passer de la réalisation d’entretiens, de leur formalisation, de la définition et de la présentation de préconisations puis leur mise en œuvre avec la conduite du changement adaptée à d’autres activités. Il va s’agir pour eux de devenir des facilitateurs mobilisant et catalysant les idées ainsi que les énergies des collaborateurs à travers des ateliers collaboratifs de différents types et de différentes tailles. Pour autant, il ne faut pas considérer que les activités habituelles des consultants vont disparaître pour être intégralement remplacées par la réalisation d’ateliers collaboratifs comme le laissent supposer certains. Elles vont rester mais être mises au second plan dans la plupart des cas ou réservées à des interventions particulières plutôt centrées sur le transfert de connaissances.

Intégrer de nouvelles compétences

Dans ce contexte, les consultants vont devoir acquérir des compétences de facilitation et en particulier les suivantes :

  • Capacité à réaliser le design d’ateliers collaboratifs en alternant phases d’ouverture et phases de recentrage ;
  • Savoir-faire d’animation « neutre » par rapport aux interactions et productions des professionnels mobilisés ;
  • Pratique des différents formats d’ateliers collaboratifs en grands groupes comme le World café, l’Open Space Technology,la Future Search, l’Appreciative Inquiry, etc. ou en petits groupes comme le team building, la prise de décision, la créativité, etc.
  • Savoir-être de conservation d’une sérénité et d’une ouverture quelques soient les aléas rencontrés.

Ce qui va être certainement un challenge pour eux, notamment car leur positionnement par rapport au coach d’organisation va être moins clair. Néanmoins cela leur permettra de garantir un meilleur ancrage dans les organisations des dispositifs qu’ils contribueront à faire émerger parce que leurs futurs utilisateurs auront été mobilisés et auront participé à leur définition.