La transformation numérique, occasion de révolution culturelle et managériale

La transformation numérique est l'occasion de réussir une révolution culturelle et managériale sans précédent dans les organisations. De nombreux exemples montrent qu'une entreprise ancienne peut utiliser le numérique pour améliorer le fonctionnement de toute une industrie.


Révolution digitale ou culturelle ?
Nous ne vivons pas une crise mais un changement de monde, suggère Michel Serres. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle du numérique. Comme l’avait annoncé le visionnaire Albert Einstein, pour le tournant du XXème siècle, la deuxième bombe est bien là, celle de l’information, du Big Data. Selon l’institut BVA, pour 81 % des français, la révolution numérique change le monde en bien (1) et ce constat est partagé par les jeunes, comme par ceux qui le sont restés, car elle est porteuse d’opportunités économiques. Pour 67 % des français, cette révolution numérique présente plus d’avantages que de risques car elle permet l’expression de chacun. Et pourtant, pour les Baby-Boomers, il n’est pas si loin le temps où l’on éduquait les enfants à la retenue et où ils devaient se taire !

L’accélération du changement devient exponentielle si bien que les stratégies traditionnelles des entreprises pour mettre en œuvre le changement ne fonctionnent plus. Les entreprises se transforment mais pas aussi vite que leur environnement. En termes relatifs, elles reculent par rapport à l’évolution culturelle de leur contexte. Les stratégies classiques de mise en œuvre du changement butent sur des résistances culturelles puissantes, assorties de jeux politiques internes de la part des silos menacés ; et le tout dans un climat d’anxiété partagée par le corps social et bon nombre de dirigeants. Le professeur John Kotter décrit fort bien ces enjeux et invite chaque entreprise à trouver "l’élément nouveau" qui rendra sa transformation possible au rythme nécessaire.

Tous touchés mais pas coulés
Après l’invention de l’imprimerie, les copistes ont presque tous disparu. Comme dit le président de Publicis, nous risquons tous de nous faire "uberiser". L’exemple de l’hôtellerie prise en sandwich entre Airbnb et Booking.com fait frémir plus d’un capitaine d’industrie. En quatre ans, la start up Airbnb dispose de plus de chambres à louer chaque jour dans 200 pays que le groupe Hilton, qui a constitué son patrimoine en 100 ans. Dans certains secteurs malmenés par ces start ups, le capital n’a plus de valeur et le patrimoine devient un handicap. Pour Accor et les autres, la perte du contact avec le client final, au profit de Booking.com, signera-t-elle leur arrêt de mort ? Les stratèges bataillent dur pour trouver des parades et retrouver le contact avec les clients. La profession des taxis risque de disparaître. Les agences immobilières auront-elles toujours besoin d’agences si l’on peut visiter les appartements et signer les contrats de manière virtuelle ? Les opticiens peuvent s’inquiéter de la fabrication sur mesure de lunettes de vue à très bas prix Place de l’Opéra.

Le numéro un du Retail dans le monde, Amazon, ne possède aucun bien propre. Qui aurait imaginé, il y a un an, qu’Amazon viendrait concurrencer AOS sur le Cloud ? Avec Facebook qui vient de lancer un ordinateur-serveur, tous les acteurs deviennent les concurrents des autres. L’institut Gartner Group prédit que, dans cinq ans, un groupe comme HP n’aura plus des millions de clients mais seulement cent. Faut-il le croire ? Et Engie, EDF  ou ErdF ? La révolution digitale révolutionne déjà le monde de l’éducation avec les MOOCs. L’Institut Kanh montre des exemples où la pédagogie virtuelle est plus efficace que celle dispensée par les meilleures écoles. On a vu ce très jeune adolescent indien, brillament diplômé du MIT après avoir suivi tous ses cours en ligne. Chez Cisco, on engage déjà des candidats qui ont suivi des MOOCs, et qui ont été évalués par leurs pairs, plutôt que des diplômés d’écoles classiques.  

Miser sur l’intergénérationnel pour réussir la transformation numérique
Aujourd’hui, la question posée aux dirigeants est : "Comment utilisez-vous le numérique et le digital pour changer la donne dans votre secteur ?" La question suivante sera : "Que faites-vous pour protéger les données ?" Les réponses sont encore peu convaincantes. Pour Joël de Rosnay, il s’agit de «  ré-inventer, non pas le travail, mais l’œuvre » et que la ré-invention ne peut être qu’une re-création collective (1). Inventons un nouveau monde ! La révolution digitale n’est pas un problème de compétence mais un problème culturel. Si les dirigeants des groupes ne permettent pas à la nouvelle génération de participer au premier rang à la transformation digitale, ils risquent de tuer leur entreprise. Les jeunes sont les premiers adopteurs des nouveaux usages, ceux qui ont permis à la téléphonie mobile et aux iPhones de se développer si vite et si massivement. Ils sont donc les premiers à associer pour tester et déployer les nouvelles solutions numériques dans l’entreprise.

En France, 82 % des seniors se déclarent " intéressés par la possibilité de transmettre leurs savoirs et leurs compétences" (2). Il s’agit en premier lieu de les rassurer et de leur faire découvrir que la transmission intergénérationnelle se fait  dans les deux sens. Les seniors apprennent aussi en devenant tuteurs ou mentors. Nous l’avons observé dans plusieurs centaines d’entreprises françaises qui utilisent le dispositif du contrat de génération. Les seniors transforment la mémoire courte en mémoire longue, condition nécessaire de l’apprentissage. Ils connaissent le temps humain.  Pour Joël de Rosnay, "le grand défi du millénaire, c’est le co-apprentissage intergénérationnel ". Il s’agit de réussir à faire travailler ensemble toutes les générations pour le bien de l’entreprise. Le futur est dans la diversité culturelle et générationnelle.

En Corée du sud, le Samsung Shadow Board est un comité exécutif bis, composé de jeunes, qui réfléchit aux mêmes questions que le comité exécutif du groupe. Depuis des années, ce pays est le pionnier du tutorat croisé avec ses universités pour seniors dans lesquelles les professeurs ont moins de 24 ans. Un immense succès qui crée de la croissance de PIB. Aux ateliers del ‘observatoire OMIG, les dirigeants reconnaissent que le Mix générationnel devient ccrucial car chaque génération apporte à l’entreprise des choses que les autres générations ne peuvent pas apporter. De plus en plus, des jeunes viennent faire des choses dans l’entreprise que les dirigeants ne comprennent pas. C’est le cas dans certaines agences de publicité où les jeunes vendent à des clients, de leur génération, des solutions de communication digitale qui échappent largement à leurs patrons. Et ces prestations nouvelles font la croissance de ces agences.

Aujourd’hui le management, hiérarchique, n’est pas adapté à la révolution numérique. La technologie bouscule la hiérarchie. Grâce à internet, les jeunes ont l’impression qu’ils ont le pouvoir de changer le monde. Le style des Leaders traditionnels est remis en cause. Pour innover, il faut d’abord innover dans le management. Donner le pouvoir à l’équipe Projet, implique de lâcher prise. Le rôle du manager a changé.   Les Leaders de demain doivent savoir écouter la jeune génération pour comprendre son histoire et son état. Etape incontournable pour maîtriser l’art délicat de l’intégration culturelle (3). La révolution digitale est une révolution culturelle et managériale. "L’enjeu numéro un au monde, c’est la jeunesse" déclare Merecedes Erra , Présidente de BETC . Avec une démarche de ‘Generation up’, il est possible de créer l’engagement sociétal dont rêvent toutes les générations pour un futur meilleur, avec davantage de moralité.


(1)      cité au Forum Changer d’ère le 3/6/15 à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Sondage BVA Juin 2015
(2)       " Cadres séniors : Parcours professionnels et perceptions de la retraite " Etude APEC 2014
(3)      “Successful Mergers & Acquisitions: How to Bridge Corporate Cultures?” ed. Mc Graw Hill