Le marché de la formation professionnelle à l'heure de la recomposition

La réforme de la formation professionnelle engagée depuis janvier 2015 modifie en profondeur les règles du jeu. Un an après sa mise en œuvre, les signes d’une recomposition du marché de la formation professionnelle sont tangibles.

Des logiques de certification renforcées par la réforme


Jusque fin 2014, l’inscription au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) était indispensable pour permettre l’accès d’une formation par la voie de l’alternance (apprentissage ou encore  contrat de professionnalisation). La réforme de la formation professionnelle engagée par la loi du 5 mars 2014 a renforcé les logiques de certifications : à l’exception de l’accompagnement à la VAE et des formations visant l’acquisition du "socle de connaissances et de compétences", l’accès au compte personnel de formation (CPF) qui depuis la réforme remplace le droit individuel à la formation (DIF) n’est ouvert qu’aux seules formations enregistrées au RNCP ou inscrites à l’inventaire du RNCP, ainsi qu’aux certifications de branche.


Par extension, les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle (Opca) sont de plus en plus nombreux à n’accepter la prise en charge de projets de formation au titre de la période de professionnalisation pour les salariés en activité que pour des formations diplômantes ou certifiantes :

- soit issues de branches professionnelles (métallurgie, réparation automobile, propreté…) sous la forme de certificats de qualification professionnelle (CQP / CQPI) ;

- soit enregistrées au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou à l’inventaire du RNCP.


Cette logique de certification entraîne une inflation des demandes d’enregistrement de certifications au RNCP, indispensable pour les organismes de formation et établissements d’enseignement supérieur qui souhaitent se positionner sur le CPF, ainsi que sur les contrats et périodes de professionnalisation.

Ce mouvement est engagé depuis plusieurs années, avec un mouvement d’accélération récent : le nombre de certifications enregistrées au RNCP sur demande ou de droit est ainsi passé de 9 000 en 2013 à 11 000 en 2014 ; il était de 5 700 en 2010.


Un paysage des organismes de formation en recomposition


Les logiques de certification portées par la loi, la fin de l’imputabilité des actions de formation ou encore la mise en place du compte personnel de formation invitent fortement les organismes de formation gérée par la convention collective des organismes de formation à réinterroger leur modèle pédagogique et économique, dans 3 directions au moins :

- Inscrire leur offre de formation dans les logiques de certification,

- Développer des formations hors temps de travail, en relation avec le déploiement du compte personnel de formation,

- Envisager de nouvelles modalités pédagogiques de type  e – learning , « blended learning ou encore  social learning. Pour ce faire, il est nécessaire de se mettre aux MOOC, au COOC ainsi qu'aux procédés de gamification.


La reconnaissance de la formation ouverte et à distance (FOAD) par la loi du 5 mars 2014 et son décret d’application du 20 août 2014 devrait en effet permettre de valoriser la diversité des modalités d’apprentissage, qu’il s’agisse de la classe virtuelle, des cours de langue par téléphone ou des dispositifs d’e – learning par exemple. Ce nouveau cadre réglementaire devrait permettre par la même occasion une meilleure prise en charge par les organismes financeurs (Opca, Pôle emploi, Conseils régionaux…).


A l’identique, la fin de l’imputabilité des actions de formation devrait permettre de développer des modalités pédagogiques innovantes, comme les formations en situation de travail, dans le cadre desquelles les organismes de formation vont devoir se placer dans une logique d’accompagnement vis-à-vis des entreprises.

Il en va du développement, voire de la survie de certains organismes de formation positionnés jusqu’à présent principalement sur des formations courtes non diplômantes ou certifiantes, qui ont subi une baisse conséquente de leur chiffre d’affaires en 2015.


Les organismes financeurs (Opca) à la recherche d’une nouvelle posture


La réforme en cours s’accompagne également d’une révision des missions et responsabilités des organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle (Opca). La suppression quasi totale de l’obligation légale de participation des entreprises au titre du plan de formation les prive de la collecte du "0,9%" ; les Opca peuvent en revanche proposer aux entreprises de leur effectuer des versements volontaires… mais en contre – partie de quels services : accompagnement dans l’élaboration du plan de formation, identification et référencement de prestataires, ingénierie de financement adaptée … ?

Les nouvelles règles de financement invitent de fait les Opca à passer d’une simple logique de collecte de fonds à une logique de services individualisés aux entreprises. Se positionner ainsi présente toutefois un risque pour les Opca : être l’objet d’accusations de la part des cabinets de conseil et autres prestataires de services qui pourraient y voir une concurrence déloyale.


La réforme n’a pas fini de produire ses effets : sur la durée, elle pourrait conduire à une diminution du nombre d’organismes de formation en France ; il n’est pas dit également que le législateur ne souhaite pas réduire davantage encore le nombre d’organismes collecteurs des fonds de la formation, après la précédente réforme de 2009.