Les utilisateurs, acteurs clés d’un numérique plus vert

L’actualité sociale en France et la tenue de la COP24 à Katowice viennent avec force nous confirmer deux choses. La première est que l’urgence climatique est une réalité et qu’il est plus que temps d’agir. La seconde est qu’il est capital d’accompagner l’évolution des comportements individuels indispensable à la transition écologique.

Alors que son empreinte environnementale ne cesse de croître, le secteur du numérique est emblématique de ce double enjeu capital.

Longtemps, il a été admis que le numérique avait globalement un impact positif sur l’environnement grâce aux innombrables optimisations et dématérialisations qu’il permet. Or, les récents rapports dont celui publié par le think tank The Shift Project remet largement en cause cette perception. Le document souligne qu’avec l’explosion des usages digitaux, la consommation énergétique du numérique croît désormais de 9 % par an et que, ces cinq dernières années, ses émissions de CO2 ont augmenté de 450 millions de tonnes dans les pays de l’OCDE alors même qu’elles y diminuaient globalement de 250 millions de tonnes. Cette tendance est insoutenable à long terme et le secteur du numérique doit impérativement prendre conscience de sa responsabilité et des efforts qu’il lui faut maintenant accomplir.

Ces dernières années, beaucoup a été fait pour verdir les data centers, et une étude du Club Green IT, réalisée en collaboration avec le WWF, note que, contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas le point noir environnemental du numérique. En réalité, relève l’étude, la majorité des impacts proviennent du service informatique et de l’environnement de travail des collaborateurs. Autrement dit, c’est l’équipement et l’utilisation de l’informatique dans l’entreprise sur lesquels il faut se pencher en priorité, avec deux sujets principaux : la consommation électrique et la fabrication des nouveaux matériels. Avec ses outils numériques, en effet, un utilisateur final émet en un an autant de CO2 que s’il avait parcouru 6 380 km en voiture. Quant à la fabrication d’un smartphone, elle nécessite pas moins de 60 métaux différents, dont une vingtaine à peine est recyclable.

La capacité à mettre en œuvre des bonnes pratiques pour réduire son empreinte joue un rôle déterminant

Pour les entreprises, développer des pratiques digitales responsables (éteindre ses appareils, limiter les pièces jointes...) et revoir les politiques d’équipement afin de limiter au nécessaire les capacités des matériels et d’en allonger la durée de vie constituent donc deux voies majeures d’amélioration. Mais l’une et l’autre se heurtent à de fortes résistances culturelles. La miniaturisation des appareils, l’invisibilité des infrastructures sous-jacentes, les habitudes d’utilisation et même le statut social que confère un matériel dernier cri concourent à la réticence des collaborateurs, qui ne perçoivent ni la pertinence, ni le bénéfice des efforts qu’on leur demande.

En matière d’environnement, le seul discours de la vertu a largement montré ses limites. Pour mobiliser leurs collaborateurs derrière ces objectifs, les entreprises doivent donc aller plus loin et mettre en place un véritable plan d’accompagnement du verdissement de leurs usages numériques. Elles doivent former les utilisateurs à ces enjeux et les inciter positivement à changer leurs pratiques ; leur apporter des preuves des impacts qu’elles dénoncent et des gains qui seront progressivement réalisés ; et, enfin, inscrire la dimension environnementale dans une vision stratégique plus large pour en faire un engagement porteur de sens et un levier de différenciation, clés d’une création de valeur durable.

Une responsabilité des Entreprises de Service Numérique

Dans cette perspective, les entreprises de services numériques (ESN) ont une responsabilité toute particulière. Au carrefour de toutes les chaînes de valeur du digital, elles ont une visibilité unique sur les usages et sur les performances des équipements. Elles peuvent aider les entreprises à identifier les bonnes pratiques et à les diffuser auprès de leurs collaborateurs, à sélectionner les équipements les plus adaptés à chaque situation, à éco-concevoir les services pour en limiter l’empreinte environnementale. 

Elles peuvent aussi contribuer à la réutilisation, en banalisant l’acquisition de matériels reconditionnés grâce à un marché de seconde main plus structuré et mieux accepté et en offrant aux utilisateurs la possibilité d’acquérir leurs appareils professionnels pour un usage également personnel. Outre son bénéfice écologique et économique substantiel, le reconditionnement est le parfait symbole de ce que peut, et doit, aujourd’hui accomplir la filière numérique pour l’environnement : prendre conscience des enjeux, faire d’une exigence écologique une opportunité économique, et centrer sa réflexion sur l’utilisateur pour en faire le premier acteur de la transformation.