Ils sont devenus stars grâce aux Mooc

Ils sont devenus stars grâce aux Mooc Certaines formations digitales ont connu des succès tels que le quotidien des enseignants à l'origine de ces projets a profondément changé.

Le 16 février à Lyon, le 25 mars à Marseille, le 1er avril à Lille, le 8 avril à Paris… A première vue on pourrait penser qu'il s'agit des dates de tournée d'une star de la chanson. Raté. Ce sont les étapes du "Mooc tour 2016" qui a vu l'enseignante Cécile Dejoux partir à la rencontre des centaines de milliers d'afficionados qui ont suivi ses formations sur le management et les ressources humaines.

Cécile Dejoux est d'abord une enseignante au sens classique du terme : "Je suis professeur d'université, c'est-à-dire fonctionnaire. Au quotidien, j'occupe la fonction de responsable du master RH au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) tout en étant également enseignant-chercheur affiliée à ESCP Europe". Mais depuis quelques années, Cécile Dejoux est aussi devenue une véritable icône dans le domaine des Mooc.

110 000 personnes ont déjà suivi les Mooc de Cécile Dejoux. © Cécile Dejoux

C'est en 2013 que son changement de statut s'est amorcé. Geneviève Fioraso, alors secrétaire d'Etat chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, décide de mettre en place la plateforme France Université Numérique (Fun) afin de mettre un maximum de Mooc au service du grand public. "Comme le Cnam est une référence en matière d'enseignement à distance, nous avons été incités à poster nos cours. C'est ce que j'ai fait".

Avec un succès inattendu : depuis 2013, ses Mooc "Du manager au leader agile" et "Du manager au leader 2.0" ont été suivis par 110 000 apprenants. Et sa prochaine formation sur le Manager designer, qui sortira en février 2017, devrait encore de faire augmenter le nombre d'apprenants. Ce chiffre de 110 000 peut être mis en perspective avec le nombre d'étudiants inscrits à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2016 : 42 000.

Surprise, un autre enseignant a réussi à rassembler encore plus d'élèves. Rémi Bachelet, docteur en sciences des organisations, professeur à l'Ecole Centrale de Lille, a réuni depuis 2013 pas moins de 130 000 élèves autour de Mooc sur la gestion de projet. Un succès qui est le fruit d'une conviction : les enseignants à l'instar des évangélistes doivent diffuser leur savoir au plus grand nombre pour lutter contre le chômage et créer des opportunités de carrière. C'est la raison pour laquelle Rémi Bachelet est depuis 1997 membre de l'association Wikimédia France qui milite pour le libre partage des connaissances. Dès 2011 il a décidé de mettre en ligne ses cours sur la plateforme Canvas grâce à l'aide de deux étudiants bénévoles… qui une fois diplômés ont créé Unow, société aujourd'hui parmi les leaders du Mooc francophone et qui héberge les formations de l'enseignant nordiste.

"10 à 15% des étudiants reviennent d'une session à l'autre"

Comment expliquer le succès de ces formations alors que d'après la plateforme My Mooc il existe plus de 800 Mooc disponibles en France ? Selon les principaux intéressés, ce sont les sujets traités qui expliquent la bonne santé de ces formations. Comme le reconnaît Cécile Dejoux, "les sujets de management intéressent une bonne partie des salariés, ce qui assure une vraie base d'audience. Surtout qu'avec ma position d'enseignante, je peux vulgariser des concepts comme celui de l'agilité managériale qui n'avaient pas encore traversé l'Atlantique". Même son de cloche du côté de Rémi Bachelet pour qui la gestion de projet est une compétence clé pour ceux qui veulent progresser dans leur carrière.

Comme les plus grandes stars, Cécile Dejoux part en tournée à la rencontre de ses fans. © Cécile Dejoux

Un autre point réunit les deux professeurs, qui expliquent tous deux les raisons de ce succès par le temps passé à l'élaboration des modules de formation. Les deux universitaires réactualisent leurs cours tous les ans notamment en portant une attention particulière aux demandes des élèves. Et ça paie. "Sur la session 2016, j'ai eu 24 000 inscrits contre 19 000 l'année précédente. Et chose peu commune, j'ai entre 10% et 15% de returning students, c'est-à-dire d'étudiants qui reviennent d'une session à l'autre", se réjouit Rémi Bachelet.

Ces succès ont profondément changé la vie des deux enseignants. Cécile Dejoux a notamment  reçu la légion d'honneur. Mais selon elle, le principal changement est lié à la spécificité de l'enseignement distanciel : "D'une certaine manière, je suis devenue une enseignante community manager. L'interaction est très importante pour accompagner les élèves et améliorer les formations". Une pratique partagée par Rémi Bachelet qui reconnaît volontiers que cela le conduit à travailler beaucoup plus.

Rémi Bachelet reçoit des messages de remerciement du monde entier

Ces interactions, en plus d'être nécessaires, donnent aussi le sourire. Rémi Bachelet reçoit par exemple des messages de remerciements de tous les coins du monde, notamment d'Afrique francophone.

Une situation partagée par Cécile Dejoux. "Je vois concrètement comment mes cours changent la vie des gens. Ils redonnent confiance à des personnes qui avaient perdu le goût d'apprendre, ils ont permis à certains d'obtenir de nouvelles compétences, de se réorienter. Je pense par exemple à un salarié d'EDF qui est désormais devenu formateur".

"Je reçois tellement de foulards de mes élèves que j'ai de quoi remplir plusieurs tiroirs"

Détail amusant, l'enseignante porte systématiquement des foulards chamarrés lors de ses cours, ce qui lui permet d'avoir une véritable "marque de fabrique". Résultat : "J'en reçois énormément de la part de mes élèves et j'ai maintenant de quoi remplir plusieurs tiroirs !"

Mais pour elle, la plus belle récompense est le fait de créer une rélève qui pourra continuer à améliorer la formation à distance: "J'encadre désormais plusieurs étudiants qui préparent des thèses sur le e-learning. Ce que me rend certain que la formation professionnelle digitale a encore de très beaux jours devant elle".

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