Jérôme Barré (Orange) "En 2020, 50% de nos formations se feront par Mooc"

Gamification, applis, Mooc… le DRH d'Orange Jérôme Barré détaille sa méthode pour faire gagner en agilité et en culture digitale les 100 000 salariés du groupe.

JDN. Orange ambitionne de construire un modèle d'employeur digital et humain d'ici 2020. Qu'entendez-vous par cela ?

Jérôme Barré est DRH d'Orange. © Orange

Jérôme Barré. La vocation première d'Orange est de créer une expérience client incomparable, notamment en matière de digital. Pour cela, les salariés doivent tous disposer d'une formation de haut niveau en matière d'agilité, de créativité et de maîtrise du numérique. Le service RH d'Orange doit donc faire en sorte que tous les collaborateurs disposent de compétences digitales, mais aussi d'un management humain pour fidéliser nos meilleurs éléments.

Vous venez de lancer une initiative originale : distribuer des augmentations individuelles aux salariés qui ont acquis de nouvelles compétences, notamment digitales. Pourquoi cette stratégie ?

Cela fait suite à un accord syndical sur la reconnaissance des compétences signé en février 2017. L'idée est de lier l'augmentation salariale aux efforts de formation des salariés. Pour chaque métier du groupe (ingénieur télécom, chargé de communication…), nous sommes en train de créer un référentiel. C'est un document qui explique les compétences à acquérir pour être référent dans son domaine. Il peut s'agir de la maîtrise d'un outil digital ou de soft skills. Une fois les compétences acquises, le salarié est plus performant donc mieux rémunéré (la hausse salariale est de 4% minimum). La balle est donc dans le camp du collaborateur.

De notre côté, nous construisons des formations internes via notre université interne Orange Learning pour permettre aux salariés d'acquérir en interne toutes les compétences dont ils ont besoin. Cette stratégie doit nous permettre à moyen terme de digitaliser de plus en plus nos salariés, de les responsabiliser et surtout de les fidéliser. Ils savent que s'ils se forment, ils auront de belles opportunités professionnelles chez nous.

Pour mettre en oeuvre ce programme de formation, vous avez décidé de miser sur les Mooc.

"Entre 2017 et 2020, Orange va embaucher 2 000 personnes dans les secteurs de l'IT, de la data, de l'IA ou de la cybersécurité"

Tout à fait. Notre but est de réaliser 50% de nos formations internes à l'aide de Mooc d'ici 2020. Pour le moment nous sommes en train de constituer tout un catalogue de formations en interne via Orange Learning et notre service de développement des compétences.

En tant que DRH, j'observe également que les Mooc sont très utiles pour recruter sur des métiers en tension. Sur la période 2017-2019 Orange va embaucher 2 000 personnes sur des postes dans des métiers où les compétences sont rares : IT, data, IA, cybersécurité… Nous avons donc conçu des formations en ligne, ouvertes à tous pour attirer les candidats potentiels vers certains de nos métiers. Je pense par exemple au poste de web conseiller ou d'ingénieur réseau via les Mooc "Devenir web conseiller" ou encore "Les réseaux, l'IT et moi".

"MOOC - JDN"

Un de vos principaux chantiers est de développer l'agilité chez l'ensemble des salariés. Un véritable défi au vu de la taille d'Orange. Comment agissez-vous ?

"L'agilité passe par la formation perpétuelle. Notre réseau social d'entreprise encourage le reverse mentoring"

Orange est une entreprise digitale. Or dans le digital tout va très vite. Nous sommes obligés d'être agiles et inventifs. Les salariés sont désormais amenés à travailler en mode projet, en communautés, dans des lieux différents. Nous avons par exemple 10 000 télétravailleurs au sein du groupe. Pour atteindre ce fonctionnement nous avons déployé Plazza, un réseau social d'entreprise qui a plusieurs fonctionnalités : outils pour travailler en réseau, suivi de gestion de projet, partage d'astuces et de best practices pour s'enrichir mutuellement... Les salariés peuvent librement organiser des communautés thématiques.

Sur Plazza, chaque salarié est invité à partager ses compétences. Cela permet de constituer rapidement des équipes pour des projets précis. Point important, l'initiative permet de favoriser le mentoring et le reverse mentoring. Ce qui est vital dans la mesure où l'agilité passe par la formation perpétuelle.

Pour faire connaître la stratégie du groupe auprès de vos salariés, vous avez lancé Cube, un vaste programme de gamification...

Effectivement. Cube est un jeu qui se pratique de son poste de travail ou de son smartphone. C'est une sorte de trivial pursuit avec des questions sur la stratégie d'entreprise. Cube se joue en 1 contre 1 ou en équipe. Le tournoi  qui se fait en ligne dure 6 semaines. Il permet de casser les silos, de créer du lien et un esprit d'équipe, tout en faisant connaître notre stratégie. Le projet avait été lancé il y a un an. Bilan : 21 000 salariés ont joué dans 74 pays. Nous l'avons donc reconduit il y a deux semaines.

Le concept de droit à la déconnexion inscrit dans la Loi Travail a été élaboré par votre prédécesseur Bruno Mettling. Quelles mesures ont été prises par Orange pour le mettre en oeuvre ?

"Le droit à la déconnexion est un droit, pas un devoir. Il ne doit pas y avoir d'aspect coercitif"

Le droit à la déconnexion est une notion complexe. Nous remarquons que chez de plus en plus de salariés, notamment les plus jeunes, la séparation entre la vie publique et la vie privée est floue. La jeune génération peut aller sur les réseaux sociaux au travail et travailler de chez elle. C'est une liberté à prendre en compte. En même temps, il est logique de mettre en place des barrières pour faire en sorte que les salariés qui le souhaitent n'aient pas à consulter leurs mails de chez eux. Le droit à la déconnexion est vital mais ne doit pas être coercitif. C'est un droit, pas un devoir. 

En septembre, Orange a signé un accord sur la transformation numérique avec les syndicats sur le sujet. Il prévoit d'envoyer des mails aux managers pour les sensibiliser à ce droit. Au cours des formations sur le digital, nous sensibilisons sur cette question. Enfin, nous sommes en train de mettre en place un plan de diagnostic des pratiques numériques. Nous mesurons le nombre de mails envoyés, les horaires d'envois et d'ouverture afin que les collaborateurs puissent s'interroger. Beaucoup sont trop connectés sans le savoir. Toutefois, nous ne bloquerons jamais l'envoi de messages à des heures ou des dates données.

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