Limite à la liberté d’expression d’un salarié sur les réseaux sociaux

Les informations figurant sur les profils Facebook sont de plus en plus souvent utilisées pour justifier des mesures disciplinaires, dans un cadre professionnel ou scolaire. Dans quelles conditions les propos tenus par un salarié sur un réseau social peuvent-ils lui être reprochées ?

La question de la diffusion de messages sur les réseaux sociaux soulève une difficulté juridique l’articulation entre le principe du droit au respect de sa vie privée et du secret des correspondances et l’interdiction des propos publics injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Tant que les propos tenus demeurent privés, un employeur ne peut, en principe, rien reprocher à un salarié. Si les propos sont tenus en public, l’employeur peut éventuellement sanctionner un salarié tenant propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de l’entreprise, de ses dirigeants ou encore, de collègues.
Or sur les réseaux sociaux, la limite entre ce qui relève de l’espace privé et de l’espace public n’est plus clairement établie. Cela a conduit les juges du fond à définir des critères de distinction entre les propos publics ou privés sur les réseaux sociaux.
Au regard de la jurisprudence, les propos tenus par un salarié sur son profil Facebook dont l’accès est autorisé à ses seuls "amis" ont été qualifiés de privés (CA Besançon 15 novembre 2011, n° 10/02642).
De même, les courriels envoyés par un compte Facebook ont été considérés comme des messages privés (CA Reims 9 juin 2010, n° 09/3205).
A l’inverse, les juges du fond ont considéré que les propos étaient publics lorsque le profil était ouvert aux "amis et leurs amis" (cons. prud’h. Boulogne- Billancourt 19 novembre 2010, n° 10/00853).
Ces propos étant accessibles à des personnes non concernées par la discussion perdent en effet leur caractère privé.

Dans ce contexte de propos publics, le salarié ne doit pas abuser de sa liberté d’expression.

Il ne doit pas tenir des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de l’entreprise, de ses dirigeants ou encore, de ses collègues (cass. soc. 14 décembre 1999, n° 97-41995).
Il ne doit pas non plus contrevenir à son obligation de discrétion vis-à-vis des informations confidentielles concernant l’entreprise (cass. soc. 30 juin 1982, n° 80-41114).
À défaut, l’employeur pourrait le sanctionner, voire le licencier si les circonstances le justifient.

Enfin, l’employeur pourrait agir sur le terrain pénal sur le fondement du délit d’injures publiques (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, art. 33).

Cette infraction est caractérisée si les propos remplissent deux conditions :
  • les termes employés sont outrageants, méprisants, violents ou injurieux, sans pour autant qu’un fait soit imputé à quiconque (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, art. 29) ;
  • les propos en cause sont publics.
En l’espèce, La Cour de Cassation a jugé que les propos tenus sur Facebook et MSN, accessibles aux seules personnes agréées, et en nombre très restreint (en l’espèce, une quinzaine, formant ainsi une " communauté d’intérêts "), n’étaient pas publics (cass. civ., 1re ch., 10 avril 2013, n°11-19530).
Le délit d’injures publiques est puni d’une amende de 12 000 €, à laquelle des dommages-intérêts peuvent s’ajouter.