Démotivateur, Minutebuzz... Facebook a-t-il eu la peau des sites "sociaux" ?

Démotivateur, Minutebuzz... Facebook a-t-il eu la peau des sites "sociaux" ? En février et en juillet dernier, le réseau social a changé les règles au sein de son fil d'actualités. De quoi faire mal à certains sites qui tirent jusqu'à 80% de leur audience de la plateforme.

Vent de panique chez les médias, début février : Facebook annonce alors qu'il modifie l'algorithme de son fil d'actualité pour que les contenus affichés en premier soient davantage susceptibles d'intéresser les utilisateurs et les faire interagir. En pratique : si beaucoup de personnes likent une page mais qu'elles sont peu nombreuses à cliquer sur les contenus, ces derniers s'afficheront moins dans leur fil.

De quoi donner quelques frissons à certains médias français dont l'audience provient jusqu'à 80% de Facebook. Et de fait, les courbes de fréquentation depuis le réseau social de plusieurs d'entre eux sont loin d'être réjouissantes, selon les données de SimilarWeb. 

Source : SimilarWeb. © JDN

Ainsi, chez Démotivateur, le nombre de visites générées Facebook est passé de 12,8 millions en décembre 2015 à 5,8 millions en août 2016. Il a donc tout simplement été divisé par deux en l'espace de huit mois et le pourcentage de visites apporté par Facebook est passé de 75% à 61% sur la même période. L'impact est tout aussi violent pour Minutebuzz. Facebook lui apportait près de 4,7 millions de visites en décembre 2015. Sa contribution tombe à 2 millions en août 2016. Le pourcentage de visites passe de 75 à 63% sur la même période. Les autres apporteurs d'audience ne prenant pas le relais, les audiences globales des deux sites s'effondrent.

Minutebuzz déporte ses contenus

Pas de quoi entamer le moral de Laure Lefèvre et Maxime Barbier, les deux cofondateurs de Minutebuzz. La dégringolade est assumée et mise sur le compte d'un changement de stratégie amorcé il y a un an. Minutebuzz veut désormais déporter les contenus au sein même des plateformes sociales comme Facebook, Instagram et Snapchat, "là où se trouve notre cœur de cible, les 18-35 ans", explique le duo.

"En un an, la part de nos contenus vidéos postés directement au sein de ces plateformes est passée de 5 à 50%", chiffre Maxime Barbier. A l'ère de la plateformisation des médias, les deux patrons ont pris le parti de mettre sur pied des médias 100% sociaux comme les pages Facebook Om Nom Nom ou Hero. Des pages qui n'apportent donc aucune audience au site Minutebuzz.

Un fonctionnement rendu possible par le business model du média : du brand content avec des contenus vidéos sponsorisés par des marques partenaires. De quoi éviter à Minutebuzz le dilemme rencontré par certains de ses homologues, réticents à poster du contenu vidéo sur Facebook car la plateforme ne permet pour l'instant pas de le financer avec des pré-roll. Maxime Barbier estime d'ailleurs que "la situation va devenir de plus en plus compliquée pour les médias dont le business model consiste à monétiser les audiences apportées par Facebook sur leur propre site".

Depuis quelques années déjà , Facebook avance sur une  ligne de crête, tiraillé entre la volonté de ne pas perdre son ADN de réseau social et celle de donner de la visibilité à des pages de marques et de médias qui financent son développement via des investissements publicitaires. Mais la plateforme a infléchi sa stratégie au cours des derniers mois et est, selon les termes de Maxime Barbier, dans "une chasse croissante aux clics sortants". Le lancement de formats comme Instant Articles ou l'Autoplay vidéo en sont une bonne illustration. L'enjeu : augmenter l'engagement des utilisateurs au sein de sa plateforme tout en proposant un partage  des revenus publicitaires satisfaisant aux médias partenaires.

Minutebuzz délaisse désormais les indicateurs de visites et d'engagement "on-site" et se préoccupe plus de son reach au sein des plateformes sociales. Un indicateur qui, à en croire Maxime Barbier, a été multiplié par trois en l'espace d'un an. "Nous touchons désormais entre 6 et 8 millions de profils Facebook chaque jour", chiffre-t-il. 

Pour les fondateurs de MinuteBuzz, "les changements d'algorithme de Facebook restent finalement cohérents, en ligne avec l'évolution des usages et peuvent être anticipés si on est vigilants", note Laure Lefèvre.

"Facebook est dans une chasse croissante aux clics sortants"

Autre certitude avancée cette fois par Laurent Moreau, le cofondateur de Topito, : "il faut éviter de surjouer les codes des réseaux sociaux". Le dirigeant explique qu'il pourrait "en faire plus et tirer davantage de trafic de Facebook". "Mais ce serait risqué sur le long terme. Ça nous permet d'être plus serein lors des mises à jour, même si on ne peut jamais l'être totalement quand autant de trafic gratuit provient de là."

Entre  janvier et avril 2016, le nombre de visites de Topito en provenance de Facebook est passé de 7,6 millions à 5,9 millions. Laurent Moreau réfute pourtant tout effet de "changement d'algorithme". "Nous restons tributaires de l'actualité et le premier trimestre n'a tout simplement pas été bon de ce point de vue, avec un trafic global en baisse", assure-t-il. Analyse confirmée par le rebond d'audience observé à partir de mai 2016 et une croissance ininterrompue du nombre de visites depuis.

La sérénité du cofondateur de Topito et de ses confrères sera quoi qu'il en soit continuellement mise à l'épreuve. Facebook a annoncé fin juin et mi-août des mises à jour qui doivent dégrader les performances des articles "click-bait" (appâts à clic) et privilégier ceux qui apportent une réelle information. Leur impact jour dépendra du mode de distribution des articles. Les médias dont l'audience provient essentiellement de leur propre page seront beaucoup plus touchés que ceux dont les lecteurs partagent, aiment et commentent les articles, justifie Facebook.