Frédéric Daruty (Prisma Media) "Le digital pèse déjà un tiers de notre CA publicitaire"

Le directeur exécutif de Prisma Media digital revient sur le rachat d'Advideum, celui de Mobvalue et le lancement d'Audience Square.

JDN. Vous venez d'annoncer le rachat de la régie vidéo, Advideum. Pourquoi une telle opération ?

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Frédéric Daruty est directeur exécutif de Prisma Media Digital. © Prisma Media

Frédéric Daruty, Prisma Média. Le rachat d'Advideum procède d'une démarche similaire à celle qui a présidé à notre investissement dans Mobvalue, à savoir investir dans des sociétés d'un secteur qui ne cesse de croître sur le digital. Et dans les deux cas, il s'agit de miser sur les principaux leviers de croissance du secteur, le mobile et la vidéo, tout en mettant la main sur des services susceptibles de nous aider à mieux valoriser les "marques medias", en nous inscrivant dans une logique de préservation de la marque, par opposition aux méthodes de commercialisation dites en blind. Le positionnement premium de ces deux sociétés rejoint tout à fait celui de notre régie.

Vous expliquez dans le communiqué vouloir accélérer le développement de la société en termes de technologie et d'implantations internationales. Entendez-vous par là RTB et Europe ?

Advideum a su se positionner comme leader sur le marché de la vidéo, avec plus de 300 sites en régie et plus de 120 millions de vidéos vues chaque mois. Il est certain que les synergies avec un groupe comme Prisma Media, filiale française du groupe Gruner+Jahr, sont à trouver du côté de l'international. L'Allemagne ? Le Royaume-Uni ? Ces marchés sont effectivement plus matures que la France... Mais nous n'avons pas pu discuter en détail des marchés que nous ambitionnons d'investir. Il est encore trop tôt.

Aider Advideum à mettre la main sur des licences technologiques

Même remarque concernant votre question sur le RTB. Je peux juste vous dire que notre apport sera moins dans le développement de technologies propriétaires que dans l'acquisition de licences permettant à Advideum d'utiliser de tels outils.

Quid du contrat signé avec le grand rival d'Advideum, StickyAds TV, qui est pour l'instant la régie qui commercialise l'ensemble de votre inventaire vidéo ?

Nous avons effectivement un contrat en cours avec StickyAds TV et je ne peux pas vous en communiquer les détails, étant tenu de respecter certaines clauses de confidentialités. Je peux juste dire que nous allons discuter avec les dirigeants de StickyAds TV, concernant l'évolution de notre partenariat.

Hellocoton mi-2012, Mobvalue début 2013 et maintenant Advideum... Vous êtes plutôt actif sur le terrain du digital !

Le numérique est passé d'1 à 10% de notre chiffre d'affaires en l'espace de quatre ans

Pour Prisma, le numérique représente déjà 10% de nos activités contre 1% il y a quatre ans. Dans notre chiffre d'affaires publicitaire, il pèse déjà un tiers des recettes. Nous avons la chance d'appartenir à un groupe qui nous donne les moyens d'investir de manière conséquente, en mettant l'accent sur de nouveaux concepts éditoriaux et sur notre développement sur le digital. Et cela paye. Qu'il s'agisse d'y booster la présence de nos marques comme ce fut le cas avec le rachat d'Hellocoton dont il s'agissait d'intégrer l'audience à celle de Femme Actuelle ou de prendre des participations dans des sociétés prometteuses que nous laissons vivre, telles qu'Advideum et Mobvalue.

Mais la commission d'autorégulation de Médiamétrie a retoqué, il y a plusieurs semaines, votre dossier de passage d'Hellocoton en déclinaison de la marque "Femme Actuelle"...

On a dû effectivement s'adapter à la refonte des règles de Médiamétrie et nous avons finalement décidé de fusionner les marques Femme Actuelle et Hellocoton pour continuer à agréger leurs audiences respectives. Les marques Enfant et Prima, que l'on ne veut pas tuer à tout prix, vont elle continuer à vivre indépendamment.

La vidéo est l'un des formats qui explosent sur le Web. Vous êtes a priori défavorisé face aux groupes TV et radio. Où en êtes-vous en termes d'inventaire ?

La vidéo figure effectivement parmi nos axes de développement les plus importants pour 2014. C'est particulièrement vrai pour Télé Loisirs sur lequel sont diffusées 20 des 26 millions de vidéos que nous diffusons chaque mois, une performance qui nous met, je pense, au niveau des principaux acteurs de l'univers télé. Nous avons trois pistes : notre équipe de production qui est passée d'1 à 5 personnes depuis mon arrivée et qui travaille en studio, les partenariats éditos qui nous permettent de diffuser des contenus extérieurs du type bande annonce et la polyvalence de nos journalistes qui sont eux aussi mis de plus en plus à contribution.

Autre levier de croissance : le RTB. L'année a été un peu mouvementée pour Audience Square, dont vous être actionnaire, avec l'aller-retour du Nouvel Observateur...

Le lancement d'Audience Square est pour nous une véritable réussite avec un objectif initial déjà atteint : la commercialisation de 15% de notre chiffre d'affaires display via l'ad-exchange. Je pense que le mode de commercialisation, avec une segmentation de la page et des audiences, en pack thématiques, répond aux attentes des annonceurs sur ce canal, qui s'inscrivent plus dans une logique d'achat d'audience et de comportement que dans une logique d'achat média.

Que répondez-vous à ceux qui pestent contre le fait que les URL d'Audience Square soient masquées, ne leur permettant pas de savoir quel site ils achètent précisément ?

Je ne peux que suggérer à celui voudrait absolument acheter de l'espace sur l'un de nos sites d'appeler directement la régie. L'achat en direct et l'achat en RTB répondent à deux logiques différentes, mais complémentaires. Ce qui est intéressant, en revanche, c'est que l'on observe une véritable incrémentalité des ventes en RTB par rapport à la vente directe. La typologie des annonceurs est radicalement différente. Ces derniers cherchent avant tout à toucher une audience, tout en préservant l'univers au sein duquel est affichée leur marque.

Et le mobile, où en êtes-vous ?

La croissance de Mobvalue sur l'année est de deux chiffres, voire même trois. L'activité a bien évidemment été boostée par les synergies développées avec Prisma et notamment la reprise en régie de l'ensemble de notre parc applicatif.  Le gain récent de budgets tels que Roularta et CondeNast participe également à cette croissance.

On sent que les choses bougent et que les annonceurs sont de plus en plus séduits par le rich media, mais cela reste une pratique relativement compliquée à mettre en oeuvre, avec des problématiques d'ad-serving, de mise à jour d'applications, de formats publicitaires... Autant de contraintes qui pouvaient apparaitre comme fastidieuses au regard des audiences obtenus. L'explosion de la fréquentation, observée vers Noël, me laisse penser que tout cela pourrait très vite bouger !

Frédéric Daruty a débuté sa carrière en tant que responsable commercial puis trade marketing chez Procter & Gamble (1991-2000). Il a intégré AOL France en 2001 comme directeur stratégie régie. Il a été promu directeur publicité (2003-05), directeur commercial (2005-08), puis directeur général (2008-10). Frédéric Daruty a rejoint le groupe Prisma Media en tant que directeur exécutif de Prisma Media Digital en septembre 2010.