Bohême, du bois dont on fait des skis de luxe

Bohême, du bois dont on fait des skis de luxe Créée par des férus de glisse, la marque vise l'excellence et l'esthétique, avec un artisanat sur mesure, 100% français.

Conçus pour dessiner des arabesques ou tailler des droites dans des pentes en écharpes, au ralenti ou à mach 2, les skis Bohême s'habillent de bois pour combler les mordus des sommets enneigés.

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Les skis Bohême sont façonnés à la main à Lumbin, en Isère près de Grenoble. © Bohême

Amoureusement façonnés à la main à Lumbin, en Isère près de Grenoble, les skis Bohême nécessitent 34 à 36 heures de travail pour accoucher d'une paire numérotée et sur mesure. Cela donne un ski rare, aux qualités techniques reconnues, au look unique, résolument vintage, une œuvre d'art.

Cet atelier de haute couture du ski et du snowboard, 100% français, créé en 1998, a été racheté par Dominique Reynaud en 2004. Ce fringuant quinquagénaire, héritier de l'empire familial, a été le PDG des sirops Teisseire pendant une dizaine d'années. Après avoir revendu ses actions 10 millions d'euros, il s'empare du groupe Giraudet, spécialisé dans les soupes, les sauces et les quenelles, tout en bâtissant un centre d'entraînements de chevaux dans la région grenobloise.

Chaque paire nécessite 34 à 36 heures de travail pour accoucher d'une paire numérotée et sur mesure.

"C'est sur un coup de cœur, après avoir lu un article de presse, que j'ai ensuite racheté Bohême, après avoir acquis une paire chez eux. Délirant. Dans toutes les stations des Alpes, les gens m'attrapaient par l'épaule pour me demander où je m'étais procuré ces skis en bois".

Investissant près de 500 000 euros, montant du rachat compris, il réorganise alors la manufacture qui ne fabriquait à l'époque que 25 skis par an. "Aujourd'hui, nous avons une capacité de production de 1 000 paires par an et nous avons une très belle distribution, dans les plus beaux magasins des plus prestigieuses stations de skis. Nous sommes le pendant de l'atelier "sellerie" d'Hermès. Nous formons des apprentis, principalement des ébénistes, compagnons du Tour de France, qui deviennent performants après 18 mois de travail".

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Dominique Raynaud, propriétaire des skis Bohême. © Bohême

Et d'appuyer sa démonstration par deux souvenirs : "Dans le sud de la France, un passionné de bateaux Riva (un mythe du luxe italien, ndlr) nous a fait concevoir une paire en acajou, et a poussé le vice jusqu'à nous demander de la doter de mini logos Riva incrustés dans les skis". On est donc dans le sur mesure total. "Concernant les surfs, pour certains clients qui se font héliporter dans le Caucase, nous fabriquons des monstres de 2,40 mètres de long, avec des queues d'hirondelles. Ils descendent ensuite dans de la poudre invraisemblable", badine-t-il.

Mais ces skis, qu'ils soient costumés de bois de noyer, de peuplier teinté noir avec des reflets auburn, de chêne, de bois de rose, de palissandre de Santos, de frêne olivier ou d'ébène de Macassar, tous certifiés par l'écolabel FSC contre la déforestation, sont aussi des monuments de performance. Les revêtements sont de la marqueterie de luxe, de la décoration.

"Ce qui va donner toute sa puissance et sa précision aux skis, c'est le noyau, les matériaux, les kevlars, les carbones, les semelles, l'ensemble de la structure. En réalité, le plaquage n'apporte pas de modifications techniques", analyse Dominique Reynaud.

"Ce qui va donner toute sa puissance et sa précision aux skis, c'est le noyau, les matériaux, les kevlars, les carbones..."

A la remarque : "Bohême est résolument vintage et peut s'apparenter à un ski à la papa", il rétorque : "Nous sommes l'Aston Martin du ski. Le bois possède un côté chalet, cocooning, mais en fait il sublime le produit, même s'il gomme paradoxalement un peu la performance technique à l'intérieur. Tout notre discours est de dire : ils sont beaux, magnifiques, ils ont un look vintage, mais il n'existe pas d'entreprise au monde, ni de skis freeride de compétiteurs, qui possède les structures en carbone et en kevlar de nos modèles. C'est d'ailleurs le carbone qui fait exploser les prix... Si on organise un blind test, on reconnaît un ski Bohême par rapport à sa réactivité sur la neige".

Un ski qui, selon les spécialistes, conserve un déjaugeage parfait en poudreuse, une portance irréprochable, et dans le traffolé, sa spatule absorbe tous les chocs et conserve son cap.

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Le modèle Atisha, vendu 1 600 euros. © Bohême

Des performances exceptionnelles que l'on ne retrouve pas encore dans les comptes de l'entreprise. En 2011, le chiffre d'affaires de Bohême a atteint 250 000 euros, sans bénéfice. Le point d'équilibre s'établit à 300 paires de ski, sachant que le fabricant en vend en moyenne 180 par an, dont 50 à l'export, avec seulement deux salariés. Mais en 2015, Bohême espère réaliser ses premiers bénéfices.

"Mes points forts, c'est de savoir gérer des marques et faire du marketing, explique le PDG. J'ai mis en forme l'esprit que les artisans de Bohême voulaient donner à la fabrication de leurs skis. Ce savoir-faire exceptionnel je l'ai mis en avant, je l'ai exprimé. Ces skis sont tellement beaux qu'on oublie parfois le côté technologique, on les considère comme des objets d'art, alors que ce sont vraiment des bêtes de course. Je suis donc en train de faire évoluer l'image de la marque vers ce point essentiel. Notre positionnement n'est pas axé sur la compétition, nous revendiquons des skis d'aventure, de découvertes et de grands espaces, plus Paris-Dakar que slalom géant", sourit-il.

Reste que les ventes sont insuffisantes. "Si c'est le patron du magasin qui s'en occupe, tout va bien. Mais s'il délègue le travail à un jeune, juste présent pour la saison, cela devient compliqué. Pour vendre des Bohême à 1 500 euros en moyenne, il faut 45 minutes d'argumentaire et un test ski. Alors que pour vendre une paire de Salomon ou Dynastar de très bonne facture à 900 euros, il faut 20 minutes. Le jeune ne va donc pas s'ennuyer et ira au plus facile, pour faire son chiffre. La démarche alternative passe donc par Internet, basée sur l'expérience de nos clients."

Autre argument mis en avant : "La totalité de nos skis et snowboards sont réalisés en France, raison pour laquelle nous avons obtenu, en 2012, le label EPV, Entreprise du Patrimoine Vivant, qui illustre un réel savoir-faire dans l'artisanat. Nous n'avons pas attendu le ministre Arnaud Montebourg pour faire du Made in France, mais s'il veut nous rencontrer, la porte est grande ouverte", s'amuse le patron.

"Aujourd'hui, nous nous diversifions et proposons de jolis bâtons en carbone et en bois, assortis aux skis. Mais aussi des bonnets, en partenariat avec la marque Myne, créée par une ancienne championne de ski freestyle, qui tricote des bonnets à la main, à La Clusaz en haute Savoie, et qui vont sortir fin février. Cela permet aux gens de s'approprier et de véhiculer la marque Bohême à un moindre coût". 

Mais au final, chausser des Stradivarius, sur piste ou en poudreuse, demeure le fantasme ultime de tout skieur chevronné.

Prix :

Skis : de 1 500 euros à 2 500, puis sans limite selon les désirs du client.

Snowboards : à partir de 800 euros

Bonnets 100 % mérinos : à partir de 80 euros

Le groupe Giraudet

Giraudet boutiques (bars à soupes) : 2,5 millions d'euros de CA en 2011, 100 000 euros de résultat net

Giraudet SA (qui travaille avec la grande distribution) : 8,5 millions d'euros de CA en 2011, 1,2 million d'euros de résultat net.