10 ans après Lehman Brothers, où en est la finance américaine ?

10 ans après Lehman Brothers, où en est la finance américaine ? Banques sur-exposées au risque et ménages surendettés ont conduit l'économie mondiale dans sa plus grave crise. Les leçons ont-elles été retenues outre-Atlantique ?

Il a suffi d'une pichenette pour que s'écroule le système financier tout entier. D'accord, le dépôt de bilan, le 15 septembre 2008, du géant mondial de la banque d'investissement Lehman Brothers représente un peu plus qu'une chiquenaude. Mais l'effet domino est bien là : sa faillite a accentué une méfiance déjà palpable entre les établissements financiers et entraîné derrière elle l'arrêt complet du marché interbancaire. Entreprises et ménages se sont trouvés privés d'accès au financement et la crise financière a muté au 1er trimestre 2009 en une crise économique. Dix ans après le début de ces évènements repassés en accéléré, où en est le couple banque/ménages outre-Atlantique, dont les excès (exposition au risque pour les premières, endettement pour les seconds) ont conduit au pire ?

Lehman Brothers a mis un premier pied dans la tombe à cause de ses importantes pertes et dépréciations dues à son exposition à des actifs toxiques, notamment les subprimes. La peur que des pertes futures anéantissent les efforts consentis par l'établissement pour reconstituer sa base de fonds propres, alors insuffisants pour tenir ses engagements, l'y a définitivement poussé. Parmi les indicateurs permettant de mesurer la solvabilité des banques figure le ratio capital/actif, les fonds propres constituant une partie du capital. Tombé à 9,3% en 2008, celui des banques aux Etats-Unis a connu une nette amélioration jusqu'en 2010, à 12,74%, avant de se dégrader de nouveau jusqu'en 2014. Il enregistre depuis une évolution en dents de scie, se maintenant à son niveau de 2009.

Le Libor permet d'apprécier la stabilité du système financier. Il s'agit du taux moyen auquel une sélection de banques londoniennes veut s'accorder des prêts en dollars américains. Prêts dont la durée varie : un mois pour Libor 1 mois, trois mois pour le Libor 3 mois, etc. Ce taux à court terme sert de référence pour établir la rémunération de nombreux instruments financiers (produits dérivés, emprunts bancaires, obligations à coupon variable...). Plus le Libor est élevé, plus les banques se méfient de leurs homologues. Le graphique ci-dessus montre que le Libor 3 mois remonte progressivement depuis fin 2015. A 2,32% fin août 2018, il a retrouvé son niveau de novembre 2008.

Les ménages américains, qui s'étaient sur-endettés à l'époque des subprimes, sont-ils toujours accros à la dette ? L'euphorie du début des années 2000 (la dette des ménages a presque doublé entre 2000 et 2007) a laissé place à une période d'accalmie entre 2008 et 2011. Depuis, la progression de l'encours de la dette des ménages nord-américains a repris : +12,3% depuis 2012. Mais ce n'est pas tant l'augmentation de la dette qui inquiète les spécialistes que la structure de celle-ci. Si les prêts immobiliers pèsent toujours bon poids, leur part a considérablement diminué, passée de 75% en 2008 à 66,5% en 2018.

D'autres secteurs que celui de la pierre ont pris le relais. C'est le cas de la dette étudiante, qui a plus que doublé en dix ans (+144%), à 1 531 milliards de dollars au 2e trimestre 2018, et du crédit automobile, passé de 798 milliards en 2008 à 1 125 milliards (+41%). Et les organismes prêteurs ne sont pas tenus de vérifier la solvabilité de leurs clients avant d'accorder les crédits automobiles. Des pratiques qui entraînent des impayés et biaisent les calculs de taux de défaillance des paquets de prêts titrisés. Il y a là comme un goût de déjà-vu.