Pierre Person (LREM) "La flat tax pourrait s'appliquer aux gains en cryptomonnaies réalisés en 2018"

Le député LREM présentera le rapport de la mission parlementaire sur les cryptoactifs début novembre. Il envisage la rétroactivité dans le projet de loi de finances rectificatives pour 2018.

Pierre Person (LREM) est rapporteur de la mission d'information sur les crypto-actifs. © P. Person

JDN. L'introduction de la flat tax à 30% sur les plus-values réalisées sur les cryptomonnaies se fera-t-elle pour les gains réalisés à compter du 1er janvier 2019 ?

Pierre Person. Oui, c'est quelque chose dont je me suis encore assuré auprès de l'exécutif ce jeudi 11 octobre. Toutes les cessions et toutes les plus-values qui sont exercées à compter du 1er janvier 2019 seront soumises au prélèvement forfaitaire unique. On peut encore se poser la question de la rétroactivité pour les plus-values qui ont été effectuées en 2018. Nous allons continuer à travailler là-dessus. Moi, je l'envisage. Je ne sais pas si c'est le cas du gouvernement. Nous essaierons de voir si, dans le projet de loi de finances rectificatives pour 2018, qui intervient au mois de décembre, nous pouvons prévoir un dispositif similaire pour envisager une forme de rétroactivité.

L'amendement déposé par Eric Woerth, appliquant la flat tax aux ventes de cryptomonnaies, ne précise ni le fait générateur de l'imposition ni la méthode de calcul du gain imposable. Un futur amendement du gouvernement se dirigerait, lui, vers la non-imposition des échanges entre crypto-actifs et l'imposition uniquement "à la sortie" en fiat sur compte bancaire. Est-ce que vous confirmez ?

C'est le dispositif qui va être proposé par le gouvernement et les parlementaires. Cela fait maintenant deux mois que nous travaillons sur le volet fiscal, avec le Trésor et le cabinet de Bruno Le Maire. Si nous n'avons pas choisi de procéder dans le même temps qu'Eric Woerth pour déposer les amendements, c'est parce que nous voulions finaliser le dispositif. Le principe, c'est le PFU et donc la taxation de la plus-value, c'est-à-dire de la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. Le fait générateur serait en effet le basculement des cash out vers le compte bancaire, non pas la conversion des crypto-actifs en fiat. Les échanges entre crypto-actifs, eux, ne seraient pas soumis à l'impôt.

"Le fait générateur de l'imposition serait le basculement des cash out vers le compte bancaire"

Exit la question du double régime ?

Nous nous posons encore la question de faire intervenir un double régime, avec celui des métaux précieux. Pour l'heure, je ne crois pas que Bercy tende vers cela. L'enjeu, c'est d'éviter qu'un régime soit plus favorable que l'autre dans certains cas. Par exemple, vous mettez 11,5% pour tout, dans la mesure où vous n'êtes pas en capacité de justifier le prix d'acquisition, ça peut créer une forme de dumping vis-à-vis de l'autre régime fiscal qui, lui, est à 30%. Je pense que Bercy penche vers un régime unique : le PFU à 30%. Si vous n'êtes pas en capacité de justifier un prix d'acquisition, il s'exprimera sur la totalité. Cela peut se justifier puisqu'en réalité, les "early investors" ont acheté leurs crypto-actifs pour un montant très faible. A l'inverse, si vous pouvez justifier un prix d'acquisition, la plus-value sera considérée comme le delta entre le prix de cession et le prix d'acquisition. La taxation s'exercera alors au moment où vous basculerez votre cash out sur votre compte bancaire.

"Un amendement portant sur un dispositif concernant la remise de tokens aux salariés des sociétés émettrices d'ICO sera déposé fin octobre"

D'autres points sont-ils encore à l'étude ?

Il y a la question de l'imputation des plus-values. A savoir : est-ce que vous l'imputez directement ou est-ce que vous la lissez sur le temps ? Nous sommes dans la logique de l'imputer directement. Si vous avez investi 5 000 euros qui valent 50 000 aujourd'hui, pour retirer 10 000 euros, on vous impute directement les 5 000 euros sur les premiers cash out. Ce que nous voulons éviter, c'est qu'un mécanisme – dans lequel des petites sommes sont régulièrement retirées sans que l'impôt ne soit jamais acquitté – se mette en place. Par exemple, si vous retirez et remettez de l'argent, cela reporte indéfiniment le paiement de l'impôt. L'objectif, c'est de purger la plus-value au moment où vous rapatriez vos crypto-actifs sur votre compte.

Quid de la remise de tokens aux salariés des sociétés émettrices ? Est-ce que c'est un point que vous abordez dans votre rapport ?

Nous envisageons en effet un dispositif sur ce point. Cela fera sûrement l'objet d'un amendement au projet de loi de finances pour 2019, déposé à la fin du mois d'octobre.