Comment lancer son ICO… et la réussir

Comment lancer son ICO… et la réussir Plus de 14 milliards de dollars ont été levés dans le monde en 2018 via les initial coin offerings, un mode de financement qui fait appel aux crypto-monnaies comme le bitcoin.

Qu'il est tentant, pour les entrepreneurs, de croquer dans la pomme de l'initial coin offering (ICO) au vu des montants collectés via ce nouveau mode de financement : déjà plus de 14 milliards de dollars dans le monde cette année. Mais gare à l'indigestion. Lever des fonds en crypto-monnaies n'est pas à la portée de tous. "Je ne conseille à aucun porteur de projet qui n'a jamais géré d'entreprise auparavant de se financer via une ICO. C'est se rajouter beaucoup de complexité inutilement", témoigne Hervé Hababou, passé par une ICO pour financer son système de réservation touristique BTU Protocol. Une complexité d'abord due à la technicité du processus, au carrefour entre l'introduction en bourse et le crowdfunding (financement par la foule). Mode d'emploi.

Etape 1 : rédiger un white paper

Le white paper, livre blanc en français, est un document à visée marketing, plus ou moins technique selon les ICO. Il constitue la pierre angulaire d'une levée de fonds en monnaies virtuelles. C'est sur la base de ses informations sur la genèse du projet, les fonctionnalités du service, etc., que les investisseurs prennent la décision de souscrire à l'opération. Les porteurs de projet peuvent faire appel à un prestataire comme le Français Chaineum, qui accompagne ses clients tout au long de leur ICO, de l'audit du projet à la stratégie de communication, en passant par le développement d'une technologie ad hoc si besoin. Une offre globale facturée 190 000 euros.

Etape 2 : traduire l'opération de manière légale, fiscale et comptable

Autre document à produire pour lancer une ICO, les terms and conditions, ou conditions générales, qui définissent les obligations entre l'émetteur de tokens (plus ou moins l'équivalent des actions dans le cadre d'une introduction en bourse) et l'investisseur. "Recourir à un cabinet d'avocats permet d'avoir une information aux souscripteurs la plus complète possible afin de les protéger au mieux, ce qui, incidemment, profitera à l'émetteur de l'ICO", plaide Arnaud Grunthaler, du cabinet d'avocats Fieldfisher. Les ICO ne font pas encore l'objet d'une régulation, rappelle-t-il, mais les investisseurs peuvent se retourner contre les émetteurs. Un exemple ? "Souvent, les modalités de restitution des tokens ne sont pas abordées dans les terms and conditions. A tort, car si un consommateur saisit la justice, le juge de la consommation appliquera le droit actuel qui prévoit un droit de rétractation."

Etape 3 : réaliser un smart contract et le mettre en ligne

Place maintenant à la traduction de toute cette documentation sous forme de code, et donc à l'écriture du smart contract, ou contrat intelligent. Ce programme informatique, qui s'appuie sur la technologie blockchain pour sécuriser et rendre infalsifiables les termes de son exécution, doit être audité pour vérifier qu'il reprend bien les informations du white paper et qu'il ne contient pas de bug. "Neuf fois sur dix, nous faisons appel à Crypto for all", détaille Laurent Leloup, fondateur de Chaineum.

Etape 4 : brancher le smart contract sur un tunnel d'achat

Vient ensuite le temps de la mise en vente des tokens. Celle-ci s'effectue en trois phases, voire moins si l'objectif de départ est atteint plus rapidement que prévu : la private sale, c'est-à-dire la vente privée réservée aux investisseurs professionnels et aux fonds, la presale, ou pré-vente, ouverte à un panel plus large d'investisseurs mais qui restent qualifiés, et la crowdsale, la vente publique destinée aux particuliers. Attention, vendre ses tokens sur un site Internet dédié ne suffit pas. Il faut également être référencé sur une plateforme d'échange connue comme BitFinex, Coinbase ou Kraken.

Les fonds récoltés seront ensuite convertis en monnaie fiat via ces plateformes. Et c'est là que le bât blesse, selon l'avocat Arnaud Grunthaler : "Souvent, le transfert des fonds est bloqué par la banque de l'émetteur d'ICO parce que l'information communiquée par la plateforme ne satisfait pas aux obligations de compliance, sur l'identité des souscripteurs comme sur l'origine des fonds". La société Thesaur.io a lancé une offre pour résoudre ces difficultés. "Nous nous occupons des vérifications et mettons à disposition des moyens de paiement simplifiés et sécurisés", détaille son fondateur Benjamin Souloumiac.

Etape 5 : promouvoir son ICO

"Le facteur clé de succès des investissements dans la crypto-monnaie, c'est : community, community, community. C'est-à-dire l'accès à la communauté, le savoir lié à cette communauté et la reconnaissance de celle-ci", assène Paul Bougnoux, fondateur d'Olymp Capital, société de gestion qui investit dans des sociétés de la blockchain et les crypto-actifs. "L'opération, c'est la création d'un écosystème, c'est-à-dire un ensemble de parties prenantes autour d'un sujet d'innovation – futurs clients, développeurs…", abonde Philippe Rodriguez, de la banque d'affaires Avolta Partners, qui a récemment développé une offre d'accompagnement.

Paul Bougnoux insiste aussi sur l'importance des "advisors", ces conseillers qui gravitent autour du projet et dont la présence lui confère une légitimité : "Si une ICO est lancée sur une blockchain spécifique mais qu'aucun de ses représentants n'est advisor, les acheteurs auront du mal à adhérer". De plus, "les advisors doivent être répartis à travers le monde, une ICO étant une opération internationale. Prudence toutefois, "95 à 99% des advisors sont des margoulins", alerte l'un de nos interlocuteurs. Toujours se méfier du vers dans la pomme…