Airtable, l'app qui veut détrôner Excel et Google Sheets

Airtable, l'app qui veut détrôner Excel et Google Sheets A la fois tableur multimédia, base de données et gestionnaire de projet, la solution a déjà séduit Tesla, Airbnb ou Netflix. Présentation et test de cette offre hybride.

Airtable fait partie des secrets les mieux gardés de la Silicon Valley. Loin des licornes médiatisées, cette start-up fondée en 2012 à San Francisco a séduit plusieurs géants du digital comme Tesla, Airbnb, Netflix ou la société de coworking WeWork. Disponible uniquement en mode SaaS, la solution éponyme tient à la fois du tableur en ligne comme Excel Online et Google Sheets, de la base de données de type Microsoft Access mais aussi du gestionnaire de projet à la Trello ou du formulaire façon Google Forms.

Produit hybride, Airtable ne gère pas seulement des chiffres. Il permet de loger dans ses cellules toutes sortes d'éléments comme des dates, des numéros de téléphone ou des URLs mais aussi des cases à cocher, des grilles d'évaluation, des photos ou encore des code-barres. Ce qui en fait un produit potentiellement adapté à un très grand nombre de cas d'usage. Airtable peut être notamment utilisé pour concevoir une base de contacts, un planning éditorial, un calendrier partagé, un catalogue de produits ou encore une revue de code dans le cadre d'un développement d'application.

A titre d'exemple, Tesla utilise Airtable pour stocker des informations sur chaque voiture qui sort de son usine de Fremont, en Californie. Les équipes vidéos et photos des magazines Time et Fortune s'en servent pour gérer leur calendrier de production de contenus.

173% de croissance en un an

Cette flexibilité a séduit un grand nombre d'utilisateurs. La start-up revendique plus de 30 000 entreprises clientes à travers le monde dont 400 au sein du Fortune 1000. On retrouve d'ailleurs Airtable dans le dernier top 10 des applications à plus forte croissance établi par Zapier, avec une progression de 173% en un an.

Les fonds d'investissement sont également au rendez-vous. En mars dernier, Airtable a levé 52 millions de dollars dans le cadre d'un tour de table mené par Caffeinated Capital et CRV. A total, la société de San Francisco a engrangé 62,6 millions de dollars depuis sa création. Pour l'anecdote, on trouve l'acteur de cinéma américain Ashton Kutcher parmi ses investisseurs individuels.

Un outil intuitif dont la puissance est masquée par sa simplicité d'utilisation

Un des trois cofondateurs de la jeune pousse, Howie Liu, est à l'origine du gestionnaire de contacts racheté par Salesforce en 2010 (Etacts). Il n'avait alors que 21 ans. "Airtable est née de la frustration des limites imposées par Google Sheets et Microsoft Excel, des applications prenant en charge avant tout des données à base de chiffres", argue Howie Liu.

En lançant en mars dernier son nouveau produit, Blocks, la start-up entend désormais s'attaquer au marché des applications dites "low code". Encore en version bêta, cette offre se présente sous la forme d'un kit de briques à assembler pour créer des workflows et, ce, sans avoir à écrire une ligne de code. Ses 27 composants (également appelés Blocks) permettent d'intégrer à Airtable une carte géographique ou un objet 3D, de simuler dynamiquement un graphique ou d'envoyer des alertes par SMS si certaines conditions sont remplies. Ces Blocks peuvent en outre faire appel à des services cloud d'intelligence artificielle. Ils sont d'ailleurs déjà déployés sur le terrain. Lors de la dernière Fashion Week new-yorkaise, l'agence digitale britannique de This Here a par exemple eu recours à un Block basé sur Google Cloud Vision pour analyser automatiquement des centaines de photos prises et postées sur Instagram par des influenceurs. De son côté, le croisiériste Carnival Cruise Line exploite le même composant pour suivre en temps réel l'emplacement de ses 26 navires.

La solution peut accueillir des grilles d'évaluation. © JDN / Crédit

Au-delà de ce tournant pris vers le "low code", Airtable est avant tout reconnu pour être un outil intuitif dont la puissance est masquée par sa simplicité d'utilisation. La solution permet de gérer et d'organiser à peu près tout, du moment que c'est "numérisable". La centaine de modèles applicatifs (ou templates) prêts à l'emploi donne une idée du champ des possibles. Du particulier à la PME en passant par la grande entreprise, chaque typologie d'utilisateur est censée trouver son compte.

Notre test

Airtable est disponible depuis une application mobile ou un navigateur web. Lors du test que nous avons mené, Microsoft Edge rencontrait des problèmes d'affichage. Ce qui n'était pas le cas avec Mozilla Firefox ou Google Chrome. Pour créer une base, Airtable propose trois options : démarrer de zéro, passer par une feuille de style pré-paramétrée ou bien importer un fichier existant. Se faisant au format .csv, l'import est frustrant. Pas d'enrichissement graphique ou fonctionnel, seul le texte est conservé, et encore, les lettres avec accent se transforment en signes cabalistiques. Par ailleurs, la taille du fichier importé est limitée – dans la version gratuite – à 2 Mo. L'intégration manuelle de données est néanmoins aisée. L'insertion d'une photo se fait par un simple glisser-déposer dans la cellule voulue.

Les Blocks sont conçus pour insérer au sein des tables de multiples composants, comme ici une carte. © JDN / Capture

Au premier abord, Airtable ressemble à une feuille d'un tableur classique avec ses lignes, ses cellules et ses colonnes. Ce qui le différencie d'Excel ou de Google Sheets, c'est la possibilité – on l'a déjà dit - de gérer toute sorte de contenus, notamment multimédia. Autre différence : les modes de visualisation proposés. Ils vont de la grille au calendrier en passant par le formulaire et la galerie de photos façon Pinterest. Conçue pour classer une liste de tâches sous forme de colonnes "à faire", "en cours" et "fait", une vue Kanban, inspirée de la méthode agile du même nom, est aussi proposée. Il est également possible d'assigner ces tâches aux différents membres d'une équipe projet. Un système de notifications permet d'être alerté de toute modification ou commentaire laissé sur une base partagée.

La solution exige un certain temps de prise en main pour révéler tout son potentiel

En revanche, Airtable pêche côté intégrations tierces. Aux côtés d'une API à disposition des développeurs, seuls Zapier ou IFTTT permettent de lancer des passerelles vers d'autres applications. De son côté, Google Drive offre via son interface graphique une intégration native à l'outil.

Au final, la solution exige un certain temps de prise en main pour révéler tout son potentiel. Heureusement, le support en ligne mis à disposition est bien pourvu en tutoriels et Airtable livre des cas d'utilisation (stories) inspirants. La version gratuite laisse de quoi faire le tour du propriétaire en autorisant un nombre illimité de bases et jusqu'à 1 200 enregistrements et 2 Go d'espace disque par base. Deux versions payantes respectivement à 10 et 20 dollars par mois permettent de dépasser ces limites, ainsi qu'une version entreprise tarifée sur-mesure (qui englobe un service de support et des fonctions d'administration). 

Airtable permet de piloter des projets par le biais de tableaux Kanban. © JDN / Crédit