La réalité augmentée réinvente déjà le collaboratif

La réalité augmentée réinvente déjà le collaboratif L'AR devient doucement mais sûrement une nouvelle brique de la digital workplace. Les cas d'usage sortent des laboratoires et s'imposent pour l'heure principalement dans l'industrie.

"C'est un fait. La crise du Covid-19 accélère la prise de conscience de la valeur que revêt la réalité augmentée dans le collaboratif", assure Othman Chiheb, responsable de produits en réalité mixte chez Microsoft. Et Alexandre Embry, directeur des technologies et de l'innovation en charge des technologies immersives pour l'ESN Capgemini, de confirmer : "Avec la montée en puissance du travail à distance, l'AR émerge désormais dans le collaboratif standard. Des projets sont lancés même s'ils ne sont pas encore généralisés à l'ensemble des organisations."

En tête des cas d'usage, un nouveau type de réunion à distance se dessine. Grâce à un casque de réalité mixte, combinant réalité virtuelle et augmentée, un chef de projet pourra projeter devant lui, dans son bureau ou dans une salle de réunion, les hologrammes de personnes situées à distance. "Leurs avatars seront créés à partir de caméra 3D les filmant à 360 degrés", explique Alexandre Embry. Ces personnes déportées sont équipées du même casque dans lequel la salle de réunion sera simulée en réalité virtuelle. Ce n'est pas de la science-fiction. "Le dispositif est déjà testé au sein de groupes du Cac 40", dévoile Alexandre Embry.

La réalité augmentée permet de collaborer en faisant apparaître dans son bureau l'avatar d'une personne distante. © Spatial

"Dans cet environnement, on pourra collaborer autour d'une maquette en 3D apparaissant en surimpression d'un plan de travail physique", précise Othman Chiheb chez Microsoft. Pour ce scénario, le groupe américain met en avant la version 2 de son casque de réalité mixte Hololens. Lancée fin 2019, elle introduit un tracking gestuel plus fin, et surtout un champ de vision multiplié par deux qui atteint 52 degrés. Pour projeter la maquette en HD, Microsoft fait appel à plusieurs services cloud. Aux côtés d'Azure Remote Rendering qui restitue les modèles avec une finesse de plusieurs centaines de millions de polygones, Azure Object Anchors est dessiné pour aligner ces derniers sur l'espace physique choisi. En aval, Azure Spatial Anchor restitue la scène sous différents angles en fonction de l'orientation de chaque utilisateur, et quel que soit le device : casque, ordinateur, smartphone, tablette...

Parmi les principales références de Microsoft, Airbus fait appel aux casques Hololens 2 pour vérifier que les composants conçus dans ses laboratoires sont adaptés à la phase d'industrialisation. "Cette solution accélère le processus de façon considérable, réduisant jusqu'à 80% le temps nécessaire", souligne Jean-Brice Dumont, patron de l'ingénierie du constructeur aéronautique.

Les ingénieurs d'Airbus ont recours aux casques de réalité mixte de Microsoft pour valider l'industrialisation du design. © JDN / Capture vidéo

Poussant plus loin l'exercice, Capgemini a accompagné un grand industriel français dans la mise en œuvre d'une plateforme de réalité mixte dessinée pour gérer à distance un processus de validation industrielle. Baptisée Remote Acceptance Factory, elle permet de piloter, en lien avec les fournisseurs, l'ensemble des tests en donnant accès à distance à la fois à l'environnement physique, et aux données et maquettes virtuelles. "Notre client est immergé dans son élément. Via des casques Hololens, il peut zoomer et déplacer un composant, puis solliciter un technicien sur place pour réaliser une opération", détaille Alexandre Embry. Pour recréer la réalité, la solution combine de multiples sources : vidéo, drones, IoT, robots industriels...

Les principales valeurs ajoutées d'une telle plateforme ? La capacité à faire face à la contrainte du confinement lié au Covid évidemment, mais aussi les économies réalisées en temps et frais de déplacement. Sachant que la réalité virtuelle évite également de créer un prototype en permettant de le simuler numériquement. "Ce qui n'est pour le coup pas nouveau", pondère Alexandre Embry.

Les techniciens de Framatome collaborent grâce à la réalité mixte. © JDN / Capture

Autre industriel français tirant usage de l'AR dans le collaboratif, Framatome cible un tout autre cas d'usage. Les techniciens du groupe nucléaire ont recours à la réalité mixte pour analyser à plusieurs les zones radioactives des réacteurs en vue de préparer les opérations de maintenance (voir photo ci-dessus). 

Quelles seront les évolutions de l'AR collaborative ? "Les casques vont devenir de plus en plus immersifs et gagner en légèreté. D'ici un à cinq ans, la réalité augmentée passera par de simples lunettes de vue", anticipe Alexandre Embry. Des acteurs voient encore plus loin. Le californienne Mojo Vision planche par exemple sur des lentilles de contact intégrant l'AR. Même démarche chez Samsung qui a déposé un brevet dans ce domaine. De véritables digital workplace à base d'AR/VR devraient aussi émerger sous l'impulsion de  start-up comme Spatial.io ou VirBela.

"Dans le même temps, des produits interopérables par la pensée vont voir le jour", estime le consultant de Capgemini. Un sujet sur lequel travaille déjà Facebook. Pour enrichir l'expérience, les sources de données devraient également se multiplier. "Les applications de PLM ( product lifecycle management, ndlr) s'intégreront directement à leurs jumeaux immersifs", anticipe pour finir Alexandre Embry.