Le télé-enseignement, une opportunité pour les pays émergents

Après le lancement du paiement sur mobiles, le télé-enseignement est peut-être un nouvelle source d'usage Web novateur dans les pays émergents. Et tout particulièrement en Afrique.

Les spécificités socio-économiques et de développements de ces pays incitent à utiliser les différents canaux existants (Internet, téléphonie mobile et radio) pour adapter la solutions à la fois à la zone concernée (ville, campagne) et à la nature de la formation (sensibilisation, vulgarisation ou enseignement supérieur).

A l'heure où beaucoup se demandent encore comment favoriser l'intégration de l'Afrique Subsaharienne à la mondialisation, le télé-enseignement serait une opportunité malgré les disparités socio-économiques entre les pays.

Les enjeux sont de taille puisque l'Afrique Subsaharienne connaît des difficultés à scolariser sa population. Le taux d'alphabétisation était en 2007 de 23% au Mali contre 88% en Afrique du Sud d'après l'UNESCO. Le télé-enseignement permettrait de combler ces besoins en redéfinissant les contraintes géographiques, humaines ou budgétaires. Néanmoins, la réussite de ce modèle de formation sera fortement corrélée à la démocratisation de ces technologies et l'éclosion de business models adaptés.

La définition du contenu de l'enseignement découle des attentes en éducation des pays. Compte tenues des disparités fortes entre les régions africaines, le télé-enseignement peut avoir soit un contenu de niveau supérieur via des formations universitaires ou formation continue soit des formations plus élémentaires avec un enseignement des bases (lecture et écriture). Les besoins en formation seront donc à déterminer en fonction des caractéristiques locales reflétées à travers certaines données sociodémographiques : le taux d'alphabétisation,  l'espérance de vie et le taux d'urbanisation. Par exemple, les contenus oraux seront privilégiés dans les zones où le taux d'alphabétisation est trop bas.

Concernant le support technologique, il devra être le plus simple d'accès, le moins coûteux et le plus adapté au contexte socioéconomique. Les supports des formations les plus appropriés à la population seront déterminés en fonction de leur accessibilité via les moyens technologiques envisageables à court terme. A titre d'illustration, une formation via Internet est difficile à concevoir dans les régions où les technologies du haut débit ne sont pas encore déployées. Le prix de l'accès à la technologie choisie est également un point critique dans l'adoption du système mis en place.

Ces disparités mettent en exergue deux grands types de modèles répondant aux besoins hétérogènes des régions africaines.

Le premier modèle est adapté aux zones enclavées souffrant d'un manque d'infrastructure. Il cible les populations vivant dans les zones faiblement urbanisées et lettrées avec peu de ressources matérielles et technologiques (faible taux de pénétration des TIC, revenus financiers limités...). L'enseignement est basique via un support oral. Ces formations prodiguées, sur une base régulière ou ponctuelle, auraient attrait à la vie quotidienne et promouvraient la sensibilisation sanitaire et sociale ou l'apprentissage pratique.

En ce qui concerne la technologie à privilégier, les limites de l'adoption de l'Internet renforce les avantages de la radio. Ce système peu coûteux, nécessite peu de maintenance et est accessible facilement. Il est même possible de s'affranchir des contraintes d'alimentation en électricité grâce aux radios à piles ou à manivelle. Cette formation peut être complétée par des interventions de bénévoles sur le terrain également.

Au sein de cet écosystème, le rôle primordial de l'Etat est de légitimer la formation vis-à-vis des organismes directement impliqués (hôpitaux, dispensaires, écoles...). Quant au privé, ils se chargent de l'accompagnement sur le terrain tout en renforçant son image éthique avec des actions socialement responsables.

Le second modèle, diplômant, est destiné aux zones urbaines, plus éduquées où les TIC sont présentes. Il est destiné à une population urbaine ayant accès aux réseaux TIC. Cette formation cible des personnes ayant déjà eu accès aux enseignements de base et désirant obtenir un diplôme supérieur. Grâce à ce système, cette population peut concilier études supérieures et vie professionnelle, en économisant sur des frais de scolarité souvent élevés et en limitant les frais de transport tout en conservant leur salaire.

Le recours à Internet reste le moyen le plus pédagogique associant le son à l'image. Néanmoins, les problèmes de débit et de coupures d'électricité demeurent des handicaps considérables. La téléphonie mobile peut être alors utilisée. Elle crée un contact viable et interactif entre les étudiants, les tuteurs et les professeurs. L'accès à l'image est certes limité. Aussi, l'envoie de polycopiés via le réseau postal peut être un complément utile à la formation.

L'implication d'un organisme universitaire est primordiale dans ce modèle. Celui-ci aura pour tâche première la préparation du contenu des cours et des examens. Pour financer ce projet, plusieurs associations comme l'Unesco ou le Programme des Nations Unies pour le Développement peuvent être sollicitées. L'appui de l'État sera également utile pour certifier le diplôme et autoriser le projet. Le privé intégrerait le modèle en fournissant gratuitement le matériel informatique et les accès Internet via des fondations ou des financements publics.

Si le m-paiement a été lancé en Afrique avant d'arriver en Europe, le continent ne pourrait-il pas encore une fois être le terreau d'expérimentation pour de nouveaux usages du télé-enseignement en favorisant l'usage d'Internet voire du téléphone mobile ?

Henri Tcheng, associé, Jean-Michel Huet, senior manager, Mouna Romdhane et Jennifer Roubaud consultantes chez BearingPoint