Quels leviers pour un management optimal du système d’information

L’évolution des technologies place les services de plus en plus au centre des organisations. Le management du système d’information doit s’adapter à cette transformation promue par de nouvelles mœurs de consommation, par de nouveaux usages.

Quelques idées et retours d'expérience pour un management optimal du système d'information :

La gouvernance du système d'information n'est pas la seule prérogative de la DSI.


Lorsque l'on parle de gouvernance du système d'information, il faut bien sûr intégrer qu'il s'agit d'organiser  les rôles et responsabilités de l'entreprise dans l'objectif de construire "le bon système d'information" en termes de taille et de périmètre. La première des choses à noter est que la responsabilité globale de cet objectif est portée par le comité exécutif (R) de l'entreprise, celui qui rend compte (A) étant le directeur général.

On comprend donc que la classification des projets qui vont alimenter le portefeuille des projets de la DSI nécessite d'être partagée avec  la direction de l'entreprise. Par ailleurs, cela donne sens au fait que l'allocation des ressources entre les différentes catégories de projets est par conséquent du ressort de la gouvernance d'entreprise et ne relève ni de la seule compétence de la DSI, ni de sa seule responsabilité.

Mettre en œuvre un plan de gouvernance SI, c'est donc définir un modèle de fonctionnement permettant de gouverner les choix d'investissement pour le système d'information. Ces choix sont la propriété de l'ensemble de l'entreprise et en particulier des directions métiers, Utilisateurs des services du SI, mais surtout financeur du SI en tant que client. En tant qu'utilisateurs du SI, les directions métiers sont responsables (R) du nombre d'unité d'œuvre qu'elles consomment, en tant que client, c'est cette notion de responsabilité patrimoniale qu'elles possèdent sur le système d'information qui concrétise la nécessité d'alignement métier avec la DSI.  

Néanmoins, cet alignement métier avec la DSI ne peut être pérenne si les directions métiers n'ont pas une compréhension des coûts de leur SI. Par ailleurs, nous le savons bien, tous les projets ne sont pas égaux en termes d'impact sur l'évolution du parc et donc sur le patrimoine informatique de l'entreprise. Il est donc crucial d'identifier et de comprendre les inducteurs de coûts informatiques associés à l'évolution du parc informatique pour donner aux directions métiers les éléments de lecture qui leur permettront de comprendre l'impact financier des projets sur l'évolution de leur patrimoine système d'information. On peut distinguer quatre catégories de "projets S.I.", soit autant de type d'investissements (CAPEX) :

(1)   Les projets porteurs "d'innovation" qui ajoutent des points de fonctions dans le système d'information et créent de la valeur,
(2)   Les projets qui apportent des "rénovations" (maintenance évolutive fonctionnelle, technique et maintenance corrective) qui par conséquent vont permettre d'entretenir l'applicatif existant,
(3)   Les projets dits de "transformation" (refontes applicatives, migration, pallier technologique, etc) qui ont vocation à remplacer l'ancien par du neuf,
(4)   Les projets de "nettoyages" dont l'objectif est de supprimer les applications.

On a tendance à croire que les coûts projets (CAPEX) sont plus facilement lisibles que les coûts de fonctionnement opérationnel (OPEX) pour les directions métiers. Pourtant, si elles sont effectivement plus aisément sensibilisées aux inducteurs de coûts du SI relatifs aux projets de type 1 et 2 précédemment cités, la plupart du temps, les directions métiers n'ont pas consciences des coûts induits par les projets de type 3 et 4 qui sont bien souvent perçus comme des coûts de la catégorie des OPEX.

Ces projets certes moins visibles d'un point de vue business, sont néanmoins rendus nécessaires pour une bonne gestion de leur patrimoine informatique. On peut en conclure que l'évaluation d'un projet informatique, commandé par le métier, doit se faire en prenant en compte les coûts complets, sur une échelle de temps assez longue pour intégrer les coûts sous-jacents de projets pour le "remplacement" ou le "nettoyage" dans le système d'information.

Le portefeuille de projets : un remède pour sortir l'organisation de silos.

La gestion de projets SI, l'organisation et le portefeuille de projets SI sont intrinsèquement imbriqués dans une logique qui se doit d'être mise en cohérence de façon continue.

 

Même si l'utilisation de référentiels tels que CMMI, Scrum, PMI, Prince 2 peut être recommandée, ils ne sont pour autant ni obligatoires ni suffisants pour réussir des projets.

Une clé de réussite de la gestion de projet est surtout de savoir composer un organisation adéquate aux besoins de chaque projet. En effet, l'atteinte des différents objectifs portés par chaque projet ne peut reposer sur un modèle d'organisation entièrement figée et/ou sur une organisation informatique sectorielle (par Business Line ou par centre d'intérêt technologique). Pourtant, il est encore fréquent d'observer aujourd'hui de telles organisations qui de facto, sont les premières sources de nuisance à la conduite de leurs propres projets et à un accompagnement au changement optimale.

La mentalité de "chapelle" et le mode de fonctionnement en "silo" résultent de ces organisations. Il s'agit du principal fléau pour une généralisation en profondeur de pratiques communes de gestion de projet dans l'organisation, et ce combien même des référentiels de management de projets issus des meilleures pratiques du marché seraient adoptés.

 

L'organisation la plus apte à gérer des projets est celle capable d'être adaptée selon le type de projets à mener et ce tout au long de chaque phase du projet. C'est ce qui peut aider à définir des règles et des moyens de gestion pertinents pour un projet donné, puis pour plusieurs, par effet de capitalisation. Un peu à la manière dont s'organisent les SSII lorsqu'elles ont à intervenir dans le cadre de prestations au forfait, la DSI doit être en mesure de dépasser les lignes de son organigramme pour faire éclore des équipes adaptées à la particularité de chaque projet et promouvoir la polyvalence opérationnelle. Cette agilité des organisations est un vecteur d'enrichissement permanent qui vient favoriser la circulation de la connaissance en matière de gestion des projets et doit permettre d'élargir le référentiel commun, au fur et à mesure des projets réussis, mais aussi des projets échoués.

 

L'efficacité de la gestion du portefeuille de projets du SI dépend donc d'une organisation "modulable par projet". Le DSI tient le rôle de gestionnaire de ce portefeuille et rend des comptes (A) sur sa gestion et sur les évolutions du SI aux propriétaires, les directions métiers. Nous retrouvons là encore cette notion de responsabilité patrimoniale des directions métiers sur le système d'information.
 

Dans une maturité avancée, la constitution du portefeuille de projets est sous la responsabilité (R), de l'ensemble des membres du comité exécutif qui en est le sponsor. Ce comité exécutif est alors composé des investisseurs que sont les directions métiers et la direction financière.


Un contrôle de la performance se doit d'être copiloté par les métiers.

Les coûts récurrents de production (OPEX) sont souvent la part la plus importante du budget de l'informatique et c'est aussi la part la plus obscure pour les utilisateurs (par opposition aux projets dont nous avons parlé plus haut). On observe usuellement que 50 à 60% des coûts des opérations sont liés à des activités humaines. C'est donc le premier levier de réduction des coûts et il n'est pas aisé de l'optimiser : malgré la possibilité de redondance, la complexité est un facteur de nuisance à la disponibilité des systèmes. Un système important présentera en toute fatalité des pannes plus complexes pour lesquelles l'effort de support sera d'autant plus nécessaire et couteux. Il convient donc de distinguer la gestion des "petits incidents" qui relève de la statistique et de l'optimisation économique, de celle des "incidents majeurs" qui relève de l'analyse de risque.

 

Ensuite, vue du client, le pilotage de la performance se traduit par "respect de la qualité de service demandée". Il s'agit d'une responsabilité directe du DSI (A). Il en rend compte aux directions métiers qui sont par ailleurs co-responsables (R), puisqu'elles participent à la mise en œuvre de plans d'amélioration continue de la qualité de service (sujet développé dans mon ouvrage intitulé "Améliorer la qualité des services", paru aux Editions Eyrolles).

 

Enfin, le DSI est également responsable du coût des unités d'œuvre. Il appartient donc au DSI de tout mettre en œuvre pour réduire ses coûts unitaires. C'est en quelque sorte la contribution de la DSI à la productivité de l'entreprise.


Le marketing du SI est bon pour ce que vous avez : des services et des clients.

Faire un bon marketing des services offerts par le système d'information est une discipline essentielle pour être en adéquation avec les attentes qu'ont les directions métiers de l'entreprise.

En effet, que pourrait-il y avoir de plus évident dans une approche de management du système d'information, centrée sur la satisfaction du client, que de devoir définir la stratégie marketing des services rendus par le SI afin de déterminer et promouvoir les offres de services de la DSI au regard de "son marché" : les directions métiers et plus généralement l'ensemble des utilisateurs de l'entreprise ?

Il y a là un acte de management indissociable de la responsabilité du DSI. Au train de l'évolution des usages et des technologies, la DSI a d'autant plus besoin d'une stratégie de marketing de ses services pour développer la notoriété et les offres d'un SI en support au business de l'entreprise. Mettre en vie une démarche de marketing du système d'information implique de développer une maturité sur 4 composantes clés :

- La connaissance clients et la compréhension des enjeux Business portés par les décideurs de l'entreprise. Autrement dit, il va s'agir d'avoir la capacité à poser les bons capteurs pour une écoute sans faille des attentes afin d'anticiper les besoins de l'entreprise en matière de système d'information.
- La définition de l'offre de service, le pilotage et la promotion du portefeuille de services vis-à-vis des directions métiers de l'entreprise et de l'ensemble des utilisateurs en contact avec la "marque" du SI. La définition des offres de services passe au préalable par une définition claire et précise de la "segmentation" des clients et utilisateurs de l'entreprise. Il ne s'agit pas de "personnalisation", mais de définir des classes de correspondance entre les besoins parmi la population consommatrice de services informatiques dans l'entreprise.
- Le pilotage de la relation client / fournisseur entre la DSI et ses clients, impliquant la définition, l'orchestration et la mise sous contrôle d'un plan de communication interne et externe DSI.
- Le pilotage des engagements et des promesses de services de la DSI tant au niveau de la qualité qu'au niveau du prix. La notion de "contrat de services" est finalement la frontière à franchir pour passer d'une organisation "consciemment intelligente" de part sa velléité à traiter les attentes des clients, à une organisation "inconsciemment intelligente" dans sa capacité à naturellement anticiper les mesures nécessaires pour maintenir et garantir le niveau de performance voulu par les directions métiers.

Le contrat de services est ce qui permet à la DSI de comprendre formellement ce que ses clients attendent pour les besoins de leurs activités et aux directions métiers de comprendre ce que la DSI sait offrir.  Il s'agit donc d'un outil indispensable dans le pilotage des opérations de la DSI. Chaque mot est important : la notion de "service informatique" est essentielle pour que le système d'information soit orienté et centré sur les besoins client ; c'est-à-dire qu'il serve au mieux les besoins et les intérêts des directions métiers de l'entreprise.

Ces 4 composantes constituent des piliers sur lesquels s'appuyer pour faire le marketing du système d'information vis-à-vis des directions métiers et d'une façon générale vis-à-vis de l'entreprise.

Chasser en continue ce qui ne participe pas à la création de valeur.


Plus qu'un principe, il s'agit d'un art dont la maîtrise dépend pour beaucoup de la culture d'entreprise. L'amélioration continue passe par la recherche constante de la simplification et par la mise en œuvre itérative de plan de progrès permettant d'accroître la maturité des pratiques de gestion du SI. L'idée sous-jacente est particulièrement simple : il faut supprimer le travail inutile, c'est-à-dire celui qui ne produit pas de valeur pour le client (approche du lean management).

 

On pourra noter trois facteurs de succès pour dégager de la valeur du système d'information :

 

- Choisir "les bons projets" pour que le SI rende les services les plus pertinents par rapport aux objectifs de l'entreprise,

- Valider  la pertinence du parc applicatif de façon régulière et se réapproprier son intérêt métier,

- Simplifier le parc applicatif en retirant ceux qui ne sont plus rentables, le levier du nettoyage applicatif étant déterminant pour la réduction des coûts.


En conclusion, la DSI ne peut donc créer de la valeur seule. Elle doit la co-créer avec les Directions Métiers. La responsabilité de la valeur délivrée par les services informatiques est donc sous la responsabilité directe des Directions Métiers (A), avec la co-responsabilité (R) de la DSI.