La négociation avec les éditeurs de logiciels : une étape déterminante dans la transformation digitale

La première étape pour les entreprises qui souhaitent s’engager dans une transformation digitale est de remettre en cause les applications qu’elles utilisent et la manière dont elles les consomment. Cela implique de se confronter aux éditeurs et de s’asseoir avec eux à la table des négociations.

Le logiciel est aujourd’hui le vecteur majeur du changement. C’est lui qui permet de transformer la nature des services disponibles pour les entreprises et, en retour, la nature des services qu’elles offrent à leurs clients et la manière dont elles le font. Il est le support de la révolution de la relation client, et, plus généralement, le moteur de la transformation digitale. 

Le marché du logiciel est pour l’essentiel concentré entre les mains de quelques grands éditeurs présents dans toutes les entreprises. Le SaaS représente encore un faible pourcentage du marché global du logiciel mais le passage du modèle d’acquisition ou d’usage de licences vers ce modèle est résolument celui que les éditeurs de logiciels veulent promouvoir. Microsoft a ouvert la marche en favorisant les revenus liés au SaaS pour entreprises, suivi par Salesforce. AWS, Google, Oracle et SAP enregistrent également de fortes croissances de leurs revenus dans ce format spécifique de distribution. 

Dans la mesure où le logiciel est un actif central de l’entreprise, une gestion maitrisée de cet actif est plus importante que jamais. D’autant plus que la nature même du SaaS et des solutions cloud associées nécessite de mettre en place un gouvernance interne renforcée de type SAM (Software Asset Management) pour réduire les risques de surconsommation logicielle. L’intégralité des éditeurs de logiciels n’hésitent pas à avoir recours à des audits de conformité logicielle qui obligent souvent les entreprises à venir s’assoir à la table de négociation, avec de substantiels revenus complémentaires à la clé. Il s’agit pour eux d’un véritable levier commercial.  Contrairement à une idée reçue ces audits ne sont pas purement hasardeux mais bien souvent opportuns. Ils peuvent, par exemple, être déclenchés lorsque l’éditeur constate soit une réduction des dépenses auprès de lui au cours de l’exercice précédent, soit un transfert d’actifs (y compris vers une solution outsourcée), soit des fusions ou des ventes d’activités.

Cependant il est tout à fait possible de se positionner correctement en amont pour éradiquer les risques que représentent ces audits. La meilleure des démarches est de prévoir une préparation technique (identification des droits et des usages, des volumes, des avenants…) doublée d’un support juridique en Back Office. En général, nous constatons qu’une bonne gestion de ses licences a pour effet immédiat l’identification d’économies importantes pouvant aller jusqu’à 20% dans ce domaine.

Les grands éditeurs de logiciels sont des acteurs puissants et bien installés, assez puissants pour orienter le marché, auprès desquels il n’est pas forcément facile d’obtenir une offre qui corresponde au plus juste aux besoins de l’entreprise. Ils prétendent par défaut ne pas avoir la souplesse demandée mais c’est souvent une posture commerciale. Une négociation bien préparée peut les amener à se conformer à un cahier des charges précis et à des conditions contractuelles plus spécifiques au contexte de l’entreprise.

La démarche préconisée pour ne pas craindre de rattrapage financier à l’issue d’audits de conformité, se déroule en quatre phases principales :

Recherche et analyse

Cette première phase est une phase de récolte et de traitement de l’information. Elle consiste à analyser les modèles de facturation et les contrats types pour en extraire les points notables. C’est également à ce moment qu’il convient d’analyser la conformité actuelle et les scénarii de déploiement possibles. Un passage en revue de l’architecture et notamment de son potentiel en termes de conteneurisation est également à prévoir pour s’assurer de la pérennité de la solution mise en place. Enfin il est important d’évaluer les alternatives possibles et leur applicabilité réelle ainsi que le coût et la démarche que représenterait le choix d’un autre fournisseur.

Cette phase de recherche et d’analyse vise avant tout à définir très précisément la prestation et les droits ouverts par la ou les licences accordées et d’identifier les possibles risques de non-conformité. Elle permet également de détecter les sursouscriptions potentielles et de valider les licences dépendantes et les prérequis techniques.

Positionnement et Stratégie

Dans cette deuxième phase les activités principales consistent à définir le positionnement souhaité face au fournisseur tout en optimisant au mieux les licences ciblées. C’est dans cette phase qu’est ajustée et optimisée la nomenclature des logiciels requis (bill of materials). Pendant le positionnement stratégique, la bonne pratique consiste à établir un modèle de risque à travers des ateliers avec l’équipe technique et l’équipe juridique. La rédaction d’un plan d’exécution est largement conseillée.

Les objectifs principaux de cette phase sont de limiter les risques de non-conformité, de documenter les principaux leviers de négociation et de se positionner clairement dans une optique de réduction maximale des coûts. C’est aussi au cours de cette phase qu’il est possible d’identifier les « quick wins », les éléments qui peuvent être rapidement négociés à l’avantage de l’entreprise.

Négociation du contrat

La phase de négociation est l’occasion d’affiner l’analyse prédictive de rentabilité et d’établir le brief qui décrit les positions voulues et la relation attendue vis-à-vis du fournisseur, avec ses objectifs. C’est aussi dans cette phase que sont établit, au cours de discussions le planning précis voulu avec les principaux jalons. Enfin, la phase de négociation doit permettre de récolter tous les accords requis auprès des personnes autorisées.

Dans cette phase les objectifs principaux à poursuivre sont l’obtention de souscription et de licences en accord avec les objectifs stratégiques et les projets de transformation numérique. Il est important de mettre à profit cette phase pour mesurer précisément les économies réalisées par rapport à la situation initiale. Enfin cette troisième phase est celle de la prévention et de l’élimination définitive des risques.

Optimisation

Cette quatrième et dernière phase, l’optimisation des licences, est celle de la gestion de l’implémentation des licences acquises et de l’organisation de possibles changements à effectuer par rapport à la situation initiale. A ce moment, commence la gestion de patrimoine logiciel (SAM) et l’optimisation de son utilisation.

L’objectif de cette phase est d’écourter le plus possible le délai avant de tirer de la valeur des licences contractées et d’optimiser autant que possible la manière dont elles sont gérées. Pendant cette phase il est important d’anticiper et de se prémunir contre les risques futurs de perte de conformité.

Les audits de conformités logiciels ne doivent pas être vécus comme un risque naturel aléatoire mais plutôt comme un passage obligatoire, et même éventuellement une opportunité de forcer l’éditeur à s’assoir à la table des négociations, en renversant la charge de la preuve... Leur prise en compte en tant que risque lié à un actif clé de l’entreprise est impérative mais bien préparée et bien conduite, elle peut déboucher sur des économies substantielles tout en permettant d’établir le socle logiciel nécessaire à la transformation digitale de l’entreprise.