François Bourdoncle (Exalead) : "Il est très difficile de construire des applications utilisant intelligemment le nuage informationnel "

François Bourdoncle (Exalead) : "Il est très difficile de construire des applications utilisant intelligemment le nuage informationnel " Les moteurs internes transcendent la recherche documentaire pour servir de base informationnelle globale. Avec 40% de ses revenus alloués à la R&D, Exalead veut se donner les moyens de ses ambitions.

Comment va Exalead en ce début d'année ?

Très bien merci ! Les comptes sont en train d'être arrêtés, mais nous devrions faire environ 50% à 60% de croissance sur le chiffre d'affaires (par rapport aux 8,3 millions d'euros réalisés en 2007, NDLR). Nous avons signé 60 nouveaux clients en 2008 et 2009 s'annonce plutôt bien avec de très beaux projets en perspective.

Autre signe très positif pour nous, nous avons effectué 20% de notre chiffre cette année avec des partenaires intégrateurs, et certains d'entre eux on effectué plusieurs millions d'euros de chiffre d'affaires avec nous.

Le marché des moteurs de recherche est-il mieux armé que d'autres pour résister à la crise ? Pour quelles raisons ?

La raison pour laquelle nous nous portons biens est que nous proposons à nos clients d'utiliser les moteurs de recherche moins pour faire de la gestion documentaire pure, même si nous en faisons toujours, que pour servir de base de données d'un nouveau type bénéficiant d'une ergonomie Web telle qu'AJAX que les utilisateurs apprécient énormément.

Les moteurs de recherche sont vus comme des bases de données optimisées pour la recherche et aussi de formidables outils de réduction des coûts et des délais dans le développement des applications métier dans les entreprises. De ce point de vue, nous sommes donc au coeur d'une problématique très actuelle et plus que jamais portés par la crise actuelle.

Les moteurs de recherche internes sont-ils actuellement très demandés par les entreprises ? Plutôt les grandes que les PME ?

Les moteurs de recherche en intranet sont très utiles, et plus l'intranet est grand, plus ils sont indispensables. C'est donc naturellement les grands groupes qui sont les principaux clients. Mais il ne faut pas oublier qu'une immense partie de l'information utile se trouve dans votre messagerie.

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"Les moteurs de recherche en intranet sont très utiles, et plus l'intranet est grand, plus ils sont indispensables. C'est donc naturellement les grands groupes qui sont les principaux clients" © Cécile Debise

Et pour cela, rien ne vaut un outil de desktop search professionnel comme le notre avec des capacités d'affinage comme sur tous nos produits pour retrouver l'information pertinente. Un client comme PriceWaterHouseCoopers par exemple utilise à la fois nos logiciels serveur et notre logiciel desktop en tandem.

Vous sortez une offre de cloud ; je ne comprends pas bien le rapport avec les moteurs de recherche, pouvez-vous m'en dire plus ?!

Cela me permet de préciser l'utilisation du terme cloud dans notre nouvelle offre CloudView. Le terme cloud ne fait pas référence à ce que l'on appelle aujourd'hui le cloud computing, soit l'hébergement dans des fermes de serveurs sur Internet des données et des applications, mais au data cloud, ce nuage informationnel qui nous entoure. Sur notre PC - ou Mac ! -, dans l'intranet, les applications d'entreprise, les extranets, mais aussi sur Internet et... dans les fermes de serveur de cloud computing.

Il est aujourd'hui très difficile de construire des applications utilisant intelligemment ce nuage informationnel car les informations sont dispersées, hétérogènes, non structurées, et leur accès est contraint par des protocoles et de la sécurité complexe.

CloudView permet de fédérer toutes ces données dans le nuage informationnel pour en donner une vue unifiée, notamment en termes de structure. Par exemple, extraire les faits et les relations entre ces faits pour les stocker dans des entrepôts sémantiques utilisant les technologies RDF et OWL du Web sémantique. Et au dessus de ces entrepôts sémantiques, qui se comportent en partie comme des moteurs de recherche, on peut construire des applications révolutionnaires.

Quand pensez-vous pouvoir mettre à disposition votre offre CloudView ?

Notre offre CloudView a été lancée officiellement en fin d'année dernière. Elle se compose des trois produits : CloudView OEM Edition pour les éditeurs indépendants, CloudView Search Edition pour les applications de moteur de recherche traditionnelles et de CloudView 360 pour les applications utilisant un entrepôt sémantique.

Les deux premières offres sont déjà disponibles en phase de beta-test chez certains de nos clients, et la disponibilité générale est imminente. Le produit Search Edition correspond en fait à la nouvelle version d'Exalead one:enterprise, mais qui est intégralement bâtie aujourd'hui sur l'offre CloudView OEM Edition de manière à ce que nos partenaires éditeurs indépendants puissent bénéficier de l'ensemble des fonctionnalités coeur du produit, tout comme nous.

L'offre survitaminée CloudView 360 Edition est planifiée pour le milieu d'année, mais plusieurs de nos clients bénéficient déjà de certains composants.

Pourriez-vous me dire si votre nouvelle architecture permettra la création d'offres davantage orientées métier ? Allez-vous continuer dans ce sens ?

Comme je l'ai dit précédemment, notre vision est que les moteurs de recherche sont utilisés comme des base de données optimisées pour l'accès et se prêtent donc de manière idéale à la réalisation d'applications métier essentiellement liées à l'accès à l'information. Comme c'est le cas pour les applications de centre d'appels par exemple.

Le positionnement d'Exalead en tant qu'éditeur est d'être un éditeur de plates-formes un peu à la manière d'un Microsoft, et non pas fournisseur d'applications verticales. En revanche, et notre relation avec les intégrateurs le montre, la verticalisation métier de notre plate-forme est véritablement ce qu'apportent nos partenaires, qui voient de plus en plus nos solutions comme un formidable outil d'innovation, notamment en termes de maîtrise des coûts.

Qu'en est-il de la recherche des données structurées XML contenues dans des bases de données XML type Mark Logic?

Pour nous, les bases de données XML sont un silo d'information comme les autres, avec des données un peu plus structurées que de la GED, mais moins structurée que des bases relationnelles par exemple. Mais une base de données XML est avant tout un entrepôt de données primaire, dans lequel les données sont structurées essentiellement pour le stockage, l'archivage et la mise à jour.

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"Les moteurs de recherche sont utilisés comme des base de données optimisées pour l'accès et se prêtent donc de manière idéale à la réalisation d'applications métier" © Cécile Debise

A l'inverse, un moteur de recherche est une base de données optimisée pour l'accès, comme je l'ai dit plus haut, et pas pour la mise à jour. Il est donc mieux structuré pour construire des applications faciles à utiliser, moins gourmand en ressources et donc moins cher.

De plus, avoir un moteur de recherche entre la base de données et l'application donne énormément de souplesse dans le développement de l'application, car on peut bidouiller facilement la structure des données dans l'entrepôt secondaire - le moteur - tandis qu'il est très délicat de modifier la structure de l'entrepôt primaire en raison de son utilisation éventuelle par d'autres applications.

Au final, on peut très bien mettre un moteur de recherche au dessus d'une base de données XML. C'est même recommandé.

Quelles innovations R&D allez-vous développer pour résister face aux géants US de la recherche ?

Il est vrai que Google et Microsoft ont une force de frappe énorme. Et le marché de la recherche en environnement intranet, entrée de gamme, est en passe de leur appartenir. Microsoft, après l'acquisition de FAST, a sans doute les moyens d'améliorer à terme son offre dans le haut de gamme. Pour ce qui est de Google, en revanche, leur appliance est encore très rudimentaire.

Notre approche est donc à la fois de la recherche très ciblée entreprise, pour laquelle nous consacrons d'ailleurs 40% de nos dépense R&D, ce qui est considérable, et notre approche produit/marché tout à fait unique et très transversale dans la mesure où nous ne privilégions aucun silo de données, ce qui n'est nécessairement pas le cas de nos très grands concurrents.

Quels types d'algorithmes avez-vous développé ? Dans quelle mesure se démarquent-ils de ceux de Microsoft et de Google ?

J'imagine que vous faites allusion aux algorithmes de ranking. Sur le moteur grand public, nous avons nos propres algorithmes qui sont bien évidemment confidentiels pour éviter que ceux-ci ne soient spammés. Mais Exalead est une entreprise qui vent essentiellement aux entreprises, avec 98% de ses revenus qui en sont issus. Or il se trouve que les algorithmes utiles à l'intérieur d'une entreprise sont souvent très différents de ceux utilisés sur le Web. Dans tous les cas, nous travaillons sur ces algorithmes depuis de très nombreuses années.

Avez-vous mis au point des technologies plus efficaces que celles de vos concurrents ? Si oui, dites nous lesquelles car je cherche encore...

Je ne parlerai ici que du moteurs entreprise. Ce qui différencie un moteur entreprise d'un autre c'est aussi - et beaucoup - l'architecture, comment il est écrit, sa capacité à être configuré facilement, à passer à l'échelle à moindre coût...De ce point de vue là, nous disposons depuis des années d'une technologie cluster permettant de faire du grid computing en utilisant du hardware à faible coût, qui permet un passage à l'échelle qui en terme de coût n'a pas à rougir devant Google. C'est cette technologie de cluster que nous utilisons pour Exalead.com qui indexe près de 500 Téraoctets de données et sur laquelle nous mettons à jour en temps réel et de façon quotidienne 100 millions de pages Web.

Quelle est votre part de marché sur la recherche en entreprise ?

Je ne crois pas que cette information soit connue, car le chiffre d'affaires moteur de recherche des grands acteurs comme Google, Microsoft, Oracle, IBM, Autonomy ne sont pas publics. Nous sommes en tous cas leader européen des pure players, nos concurrents directs étant Auotnomy et Endeca, et le seul éditeur européen positionné dans la catégorie des innovateurs du Magic Quadrant de Gartner.

Avez-vous des projets d'acquisitions pour cette année et si oui, lesquels ?

Je pourrais vous le dire... mais il faudrait que je vous tue, comme disent nos amis anglo-saxons !

Avez-vous développé des initiatives en matière d'informatique verte ?

En tant qu'entreprise, nous essayons d'être aussi citoyen que possible, avec du tri sélectif par exemple, mais cela reste modeste à notre échelle... En tant qu'éditeur, la capacité à réduire le nombre de machines nécessaires à nos clients comme Skyrock ou pour exalead.com, où notre service de production tournant sur 60 machines seulement, est évidemment essentiel pour réduire le pourcentage de l'électricité mondiale, on parle de 10%, utilisé pour les réseaux et l'informatique.

Quel est aujourd'hui l'audience de votre moteur de recherche Web ?

Elle reste stable avec environ 1 million de visiteurs unique chaque mois mais il est vrai que nous n'avons pas beaucoup investi en 2008 sur notre service Web...

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"L'activité grand public génère de l'argent via des liens sponsorisés fournis par Google. Mais le but à terme est d'utiliser le service à des fins professionnelles" © Cécile Debise

Continuez-vous à perdre de l'argent sur votre activité grand public ? Cette activité n'est-elle pas uniquement destinée à être la vitrine de la R&D Exalead ?

L'activité grand public génère de l'argent via des liens sponsorisés fournis par Google. Mais le but à terme est d'utiliser le service à des fins professionnelles. Nous avons signé le premier client cette année et de nouveaux clients se profilent déjà à l'horizon. Cela équilibre les comptes. De plus, le Web est une source d'information unique pour extraire de données, analyser les tendances, et fournir des informations fraîches et pertinentes à nos clients professionnels. L'investissement sur exalead.com doit donc être analysé de manière complète, et il est pour nous stratégique.

Les flux d'informations sont en constantes augmentations, ainsi que la quantité d'information et les moyens de retrouver cette l'information. Comment imaginez-vous l'avenir du marché de la recherche d'information ? Plutôt sous forme de rachats des petites sociétés par les gros ou de la prise de monopole par un gros acteur du type Microsoft, Oracle, Google ? Comment Exalead se positionne par rapport à ce futur ?

C'est une question très intéressante et il n'est pas facile d'y répondre en quelques lignes. Je pense que les grand éditeur vont progressivement intégrer les moteurs de recherche dans leurs diverses offres. Il l'ont déjà plus ou moins fait. Ils vont peut-être racheter certains éditeurs qui leur apporte des fonctionnalités importantes, mais cela va sans doute rester limité.

Les éditeurs doivent donc se préparer à vivre une vie indépendante en termes de profitabilité ou d'entrée en bourse éventuelle à terme, et donc se positionner sur le marché de manière agressive et originale, comme c'est le cas pour Exalead. Ceux dont la valeur crée pour le client final est trop faible vont très rapidement disparaître, et les autres vont grossir et devenir de belles sociétés, avec des métiers beaucoup plus précis qu'aujourd'hui, et moins axés moteur de recherche généraliste comme aujourd'hui.

Où êtes vous présents à l'international et où allez-vous ouvrir une filiale ou bureau ?

Nous possédons six filiales en plus de la France, à savoir aux Etats-Unis,  au Royaume-Uni, en Allemagne, au Benelux, en Espagne et en Italie. Les Etats-Unis sont une priorité pour 2009, car c'est un passage obligé pour un éditeur ayant des ambitions mondiales.

Malgré la crise, prévoyez-vous de recruter des collaborateurs cette année et si oui, quels profils ?

Nous avons beaucoup recruté en 2008, mais cela devrait continuer tout de même en 2009. Le recrutement va se faire dans l'immédiat surtout dans les filiales, aux Etats-Unis en particulier. Mais nous continuons à recruter en France également en R&D.

François Bourdoncle est co-fondateur et P-DG d'Exalead. Il est diplômé de l'Ecole Polytechnique et est docteur en informatique.