Philippe Yonnet (SEO Camp) "L'algorithme d'un moteur de recherche n'est pas objectif"

Le fondateur de l'association française du référencement présente en avant première le programme de l'édition 2011 de SEO Camp'us.

Philippe Yonnet est fondateur et ancien président de SEO Camp, l'association française du référencement qui organise le SEO Camp'us. Un événement annuel à destination de tous les professionnels qui s'intéressent de prés ou de loin au référencement de sites Web. Son édition 2011 se tient les 1er et 2 mars prochain à Saint-Denis (détails disponibles sur le site du SEO Camp'us 2011). Philippe Yonnet est en charge du programme de la manifestation. 

JDN Solutions. Vous avez commencé à travailler en agence, avant d'être recruté par un éditeur de sites Web. Beaucoup d'experts du référencement sont dans votre cas. Est-ce là un parcours naturel ?

Philippe Yonnet. Pas forcément. Il n'existe pas d'école qui forme au référencement. Ce constat conduit les recruteurs à se tourner vers des spécialistes présentant une expérience en agence, et donc censés avoir été formés au référencement par ce biais. C'est un réflexe évident. A la lecture d'un CV, il est en effet difficile de vérifier une compétence de ce type autrement. Mais, ce parcours n'est pas une garantie de bonne fin. Le référencement en interne implique en effet d'autres compétences que celles que l'on acquiert chez un prestataire, notamment le savoir-faire technique nécessaire pour passer du conseil à des projets déployables sur un site.


Quelles sont les compétences techniques qu'un responsable de référencement travaillant en interne doit maitriser ? 

Sur les grands sites Web positionnés sur des créneaux très concurrentiels, tel le voyage ou le crédit, ces compétences sont double. Il est important à la fois de comprendre comment Google ou Bing appréhende votre site, mais aussi maitriser la conception et la mise en place de solutions qui soient en ligne avec les budgets. Les développements spécifiques peuvent être importants. 

Plus concrètement, je distingue quatre grands types de compétences techniques. D'abord, la culture technique générale qui permet d'aboutir à un diagnostique, avec à la clé des notions en hébergement, nommage, paramétrage de serveur Web, optimisation d'accès... Le nom de domaine comme la performance ont en effet un impact sur la manière dont Google prend en compte un site. De même des connaissances en HTML, CSS et Javascript sont nécessaires pour concevoir des pages aisément consultables par les robots de moteurs.  

"L'émergence de Bing en Europe est mal partie"

Le deuxième domaine de compétences techniques porte sur la compréhension des contraintes de création d'un site. Ce qui demande des connaissances en matière de cache et reverse proxy, mais aussi en base de données. Ce dernier élément est fondamental pour les sites d'e-commerce. En fonction de la structure de leur base de données, ils peuvent plus ou moins facilement créer de nouvelles pages, regroupant les produits par catégorie, permettant de se positionner dans les moteurs.

Troisième savoir-faire, des notions en langues et en sémantique permettront d'enrichir les pages d'informations utiles au référencement. Enfin, il est important que le référenceur in-house sache qualifier son travail, et utilise les outils d'analyse de logs et de Web analytics.  


Mais le référencement ne nécessite pas seulement de maitriser des compétences techniques...

C'est vrai. Et d'ailleurs, tous les référenceurs ne sont pas d'accord avec ma vision. Lors de la définition de la certification lancée par l'association SEO Camp, un débat a eu lieu sur cette question. Nous avons néanmoins décidé d'intégrer un module de validation des compétences techniques du référenceur. Il n'en reste pas moins que les compétences en marketing sont elles aussi importantes. Et d'ailleurs au sein des équipes de référencement, des experts techniques cohabitent avec des profils plus marketing, centrés sur le netlinking, les réseaux sociaux, ou la rédaction de contenus optimisés.  


Les sites Web français doivent-ils se préparer au lancement de la version finale de Bing en France, et son intégration à Yahoo.fr ?  

En Europe, la situation a changé depuis l'annonce de l'intégration de Bing à Yahoo. Le portail de Yahoo est en perte de vitesse, et la croissance de l'audience de Bing est moins forte qu'aux Etats-Unis et ne compense pas ce mouvement. On peut l'expliquer par une tendance des internautes européens à plus apprécier Google. C'est un phénomène sociétal qui a été démontré par les cabinets d'étude. L'émergence de Bing en Europe est donc mal partie.

A l'inverse, le marché aux Etats-Unis s'est souvent réparti sur plusieurs moteurs. C'est le cas avec ASK, Yahoo, Google et MSN il y a quelques années, et aujourd'hui avec Bing et Google.
 

Que pensez-vous de l'émergence des fermes de contenus, et de la récente polémique autour du référencement de ce type de sites ?

Depuis l'apparition du Web, des sites d'agrégation ou de fédération de contenus ont toujours cherché à dominer les résultats dans les moteurs de recherche. C'est le cas avec les comparateurs de prix, dont l'un des meilleurs exemples est Kelkoo, puis plus récemment des agrégateurs d'avis ou de petites annonces. Les forums et les questions-réponses en font partie également.  

"Lors de SEO Camp'us, les participants pourront poser toutes les questions qu'ils souhaitent à la communauté"

Les fermes de contenu, sur le modèle Demand Media ou Wikio, ne datent pas d'hier. Matt Cutts [ndlr qui est responsable de la cellule référencement de Google] a simplement réagi à une polémique qui a pris de l'ampleur en décembre, selon laquelle Google était spammé par ces sites. Google envisage donc des contre-mesures. Mais ces sites n'apportent-ils pas des éléments positifs et complémentaires pour la recherche Web ? La structuration des données proposée par un site d'emplois par exemple ne rend-t-elle pas la recherche plus rapide ? 

Ce sont des débats éternels. L'algorithme d'un moteur de recherche n'est pas objectif. On ne peut créer un moteur sans engendrer des injustices, et des critiques. C'est le cas des sites Web que Google bloque estimant qu'ils spamment ses résultats, alors que d'autres sites spammeurs demeurent impunis. De même sur la route, un radar ne peut contrôler toutes les voitures.  


Quelles sont les principales différences entre Bing et Google en matière de référencement ? 

Même s'ils affichent beaucoup de similitudes, les algorithmes de Google et Bing sont suffisamment différents pour rendre complexe l'optimisation d'un site pour les deux moteurs. Dans les grandes lignes, leurs critères ne sont certes pas diamétralement opposés. Mais dans le détails, on se rend compte qu'il faut faire des choix. Par exemple, les URL avec paramètres sont mieux gérées par Google, voire beaucoup mieux que les URL réécrites. A l'inverse, Bing digère uniquement les URL réécrites avec beaucoup de mots clés. Sans ce type d'adresse, le référencement dans Bing est problématique.   

Quel sera dans ses grandes lignes le programme de l'édition 2011 du SEO Camp'us qui se tiendra à Saint-Denis les 1er et 2 mars prochain ?  

Deux grandes thématiques seront notamment abordées : le SMO et l'utilisation du graphe social dans les campagnes de référencement d'une part, le référencement des sites Web mobiles et des applications sur les smartphones d'autre part. Nous avons identifié ces deux thèmes comme des tendances de fond sur 2010 et 2011. Elles introduisent de nouveaux usages numériques, de nouveaux modèles économiques, et redéfinissent les frontières du référencement.   

Nous avons également prévu des ateliers participatifs lors desquels les participants pourront poser toutes les questions qu'ils souhaitent à la communauté des experts présents. 

Philippe Yonnet est Global SEO Strategist chez Web DMUK, éditeur des sites VivaStreet et Appartager. Après avoir travaillé dans l'immobilier, il s'est reconverti dans le Web en 2000. Il s'est alors spécialisé dans le référencement. Il travaillait précédemment pour l'agence de référencement Aposition (groupe Isobar).