Christophe de Bueil (Robert Half Technologie) "On demande désormais au DSI d'être un Business Partner"

Peu après la parution de son étude annuelle de rémunérations, le cabinet de recrutement décrypte les nombreux impacts de la transformation numérique sur les métiers de l'IT et du digital.

JDN. Dans la partie dédiée aux systèmes d'information et au secteur digital, la dernière étude de rémunération de Robert Half montre des salaires qui affichent en moyenne des hausses tassées, souvent comprises entre 2 et 3%... Est-ce moins que d'habitude ?

Christophe de Bueil est Manager Practice Digital chez Robert Half Technologie France © Robert Half

Christophe de Bueil. Dans cette étude, il faut distinguer les rémunérations pratiquées dans les systèmes d'information, et celles observées sur ce que l'on a appelé le secteur digital. Ces dernières affichent des progressions souvent plus importantes.

Dans la partie sur les systèmes d'information, les hausses de salaires sont en effet souvent comprises entre 2 et 3%, parfois même moins. C'est assez classique. C'est à la fois directement corrélé à l'inflation, mais aussi à des rémunérations désormais normées, et le résultant d'un bon équilibrage entre l'offre et la demande. 

On observe en revanche des évolutions plus spectaculaires sur le secteur du digital, avec par exemple 15% d'augmentation observée en moyenne pour les Chief Digital Officer les plus expérimentés. Cela devrait aussi finir par se normer sur ce secteur digital, mais en attendant, certains profils sont très demandés, et les entreprises sont prêtes à se donner les moyens pour recruter ce type de talents.

Liées au Big data, les expertises concernant les données, autour de la collecte, du traitement et de l'analyse d'informations, sont-elles toujours aussi valorisées, ou le soufflé commence à retomber – avec des salaires aussi un peu ajustés à la baisse en conséquence ?

Ces expertises sont toujours aussi prisées, même si c'est vrai que les rémunérations sont peut-être un peu mieux cadrées qu'auparavant. Cette demande est liée à l'explosion et la masse de données qu'il faut désormais traiter, collecter, analyser... mais aussi sécuriser d'ailleurs, car les profils dédiés à la sécurité ont aussi le vent en poupe.

Les entreprises réalisent désormais de nombreuses analyses de données "customer centric" afin de mieux comprendre les attentes de leurs clients. Il leur faut donc récolter et raffiner les données, et elles cherchent donc à recruter des experts qui en sont capables. Mais ces profils peuvent avoir des compétences qui vont plus loin, car il faut aussi qu'ils sachent en plus bien présenter les données, et surtout les rendre utiles pour les métiers. C'est aussi pour cela que tous ces profils liés à la donnée ne devront pas toujours être purement techniques, et ne devront pas forcément avoir suivi des formations en statistiques ou de type Miage. Certains profils pourront être issus d'école de commerce, avec, bien sûr, la nécessité d'être très à l'aise avec les chiffres. Ce sera alors des profils qui vont du business vers l'IT, et non l'inverse.

"La transformation digitale crée des postes, mais en fait aussi disparaître"

La transformation numérique crée-t-elle beaucoup de nouveaux postes ?

De nombreux postes n'existaient pas avant la transformation numérique, j'en suis le témoin privilégié. Et si les entreprises ne vont pas sacrifier un poste pour en créer un dans le digital, il y a bien cette "destruction créatrice" comme l'appelait Schumpeter : certains métiers disparaissent au profit de nouveaux. Et cela va continuer, car si le métier de Chief Digital Officer n'existait pas auparavant, il devra aussi disparaître une fois la transformation digitale effectuée. C'est sa mission même ! Il deviendra alors peut-être le Transformation Officier, qui sait... La transformation digitale crée des postes, mais en fait aussi disparaître. Les chefs de projets ont aussi par exemple tendance à être remplacés par des Product Owners...

Quels impacts ont les transformations numériques sur le périmètre, et les compétences attendues d'un DSI ?

On demande désormais au DSI d'être un 'Business Partner', à l'anglo-saxone. Le DSI doit aujourd'hui être force de propositions sur les technologies facilitant la croissance. La technique doit être un moyen utile au business, mais ce n'est pas une fin. Le DSI doit trouver des synergies avec les métiers, mais aussi avec le marketing : un rapprochement entre Chief Marketing Officer et DSI est à mon sens souhaitable pour gagner en agilité. Les DSI ne doivent donc pas être dans leur tour d'ivoire, et leur périmètre ne devrait pas être réduit avec la transformation numérique.

Quant à leurs compétences, c'est vrai que cela peut être compliqué aujourd'hui pour eux. Par exemple pour être à la page, car les évolutions sont très rapides, et les cycles sont de plus en plus courts. Les DSI  peuvent ainsi faire un choix technologique, qui, le temps d'être intégré pourra être dépassé par une nouvelle technologie plus performante.