Godefroy de Bentzmann (Syntec numérique) "Nous voulons peser sur la campagne présidentielle"

Récemment élu à la présidence du Syntec Numérique, le CEO de Devoteam détaille les ambitions de son mandat, entre sensibilisation des candidats à la présidentielle et flexibilisation du cadre du travail.

JDN. Les missions du Syntec Numérique sont-elles celles d'un lobby ?

Co-PDG de l'ESN Devoteam, Godefroy de Bentzmann vient d'être élu à la tête du Syntec Numérique, pour un mandat de 3 ans. © Syntec/Devoteam

Godefroy de Bentzmann (Syntec Numérique). Le Syntec a deux missions principales. L'une est orientée vers ses adhérents, car le Syntec souhaite aider les professionnels du secteur à se développer, en partageant des informations et des bonnes pratiques.

L'autre mission est plus tournée vers l'extérieur, et concerne les relations avec les institutions, l'Etat, les Régions, et Bruxelles. Nous voulons en effet sensibiliser les politiques. Le Syntec est une chambre professionnelle, et je n'emploierai pas le terme de lobby pour la définir, car il est parfois un peu mal connoté, mais c'est vrai que nous voulons peser sur les décisions. Nous voulons par exemple faire pression pour ne pas supprimer le CICE [Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi NDLR]. Mais nous ne sommes pas le lobby des armes ! Le Syntec n'est pas non plus, à mon sens, un lobby comme il peut y en avoir à Bruxelles. Nous avons un rôle plus positif.

Nous souhaitons également nous faire entendre auprès des candidats lors de la campagne présidentielle. Pour l'instant, nous ne sommes pas très enthousiastes à la lecture de leurs programmes ou des leurs idées. Nous voulons mieux les sensibiliser aux enjeux du numérique. Ils en ont tous besoin, quel que soit leur parti, car bien peu ont pris conscience de leur importance. Les hommes politiques voient dans le numérique une opportunité, mais ce n'est pas une question vitale pour eux. Nous voulons leur communiquer nos idées, les rencontrer et leur faire des propositions très concrètes, y compris sur des secteurs verticaux. Ce sera un vrai travail de sensibilisation.

Quelles vont être les différences de votre mandat avec celui de votre prédécesseur, Guy Mamou-Mani, à la tête du Syntec Numérique ces six dernières années ?

J'aurais du mal à comparer ce qu'a fait Guy avec mon mandat, qui vient à peine de commencer. Guy a fait entrer le Syntec dans l'ère numérique, et a réussi à le rendre plus visible. Il y a fait entrer des éditeurs : le Syntec en compte désormais 600. Il l'a aussi largement ouvert aux PME, qui sont désormais mieux représentées.

Comme mon frère Stanislas, avec qui je dirige Devoteam, a été remplacé à la présidence de CroissancePlus, j'ai pu me présenter à la présidence du Syntec. Nous n'aurions pas pu nous investir tous les deux convenablement dans de telles structures en même temps, en plus de la direction de Devoteam.

"Le Syntec ne doit plus se cantonner à une approche franco-française"

Grâce au travail déjà réalisé par Guy, le Syntec Numérique va désormais pouvoir se développer à l'international, une orientation que je connais bien pour l'avoir gérée à la direction de Devoteam. Le Syntec ne doit plus se cantonner à une approche franco-française, et devra tisser des liens pour se développer. Nous devons aussi mieux profiter de ses rapports avec les régions, où des projets ont déjà pu être conduits avec succès, en Alsace par exemple, où, avec Pôle emploi, nous avons pu mettre au point des formations dans le cadre du POE [ou Préparation Opérationnelle à l'Emploi NDLR] qui ont pu déboucher sur des emplois.

Que peut faire le Syntec pour améliorer la parité dans le secteur informatique ?

C'est un sujet plus difficile que ce que nous croyions. Le problème se situe dans les formations, et peut être observé avant les études secondaires. Il y a globalement un manque d'information. Une étude a par exemple pu remarquer qu'un lycéen sur deux ne pensait pas qu'il y avait des emplois dans le secteur numérique ! Nous devons donc faire la promotion de nos métiers dans les écoles, pour faire comprendre aux lycéens, et aussi aux lycéennes, qu'il y a beaucoup d'emplois qui les attendent dans notre secteur, qui est très dynamique. Nous allons donc continuer les programmes d'évangélisation déjà existants, et les amplifier. Nous devons aussi continuer à montrer que les femmes peuvent faire de brillantes carrières dans le numérique, en les nommant, en les faisant monter sur scène, ou en leur remettant des prix par exemple.

Mais la parité ne va pas pouvoir s'améliorer considérablement dans ce secteur en peu de temps. Mon mandat de 3 ans ne suffira pas. Un horizon de quinze ans est plus réaliste, le temps que plusieurs promotions de lycéens mieux sensibilisés arrivent sur le marché du travail

Dans votre premier communiqué, vous dites vouloir "ajuster le cadre social et fiscal" et "ouvrir les négociations sur le temps de travail". Qu'entendez-vous par là exactement ?

"La loi El Khomri ne règle pas tous les problèmes"

Le cadre du travail est parfois trop rigide, dans les métiers du numérique, mais aussi dans les autres. Il a finalement peu évolué, alors que nos outils et notre façon de travailler ont, eux, beaucoup changé. Sur ce point, le droit à la déconnexion me semble excellent. Mais le cadre du travail n'est plus adapté. Les 11 heures de repos consécutifs me semblent un peu périmées, et c'est un point qui devrait pouvoir être discuté. Aborder le problème en parlant de charge de travail est peut-être plus juste. Le forfait jour aussi peut constituer un cadre inadéquat. Concernant la fiscalité, nous voulons faire pression pour ne pas supprimer le CICE. Il faut le sécuriser. Pourquoi pas le changer si c'est pour l'améliorer, mais il ne faut pas le supprimer : c'est un mécanisme essentiel qui permet à des PME et des start-up d'aller là où elles n'iraient pas sinon.

La version actuelle de la loi El Khomri ne règle pas tous les problèmes. Je pense qu'il faut parfois aller plus loin que cette loi. Mais on a mal expliqué les choses, car j'ai eu du mal à comprendre les militants de Nuit debout : comment peuvent-ils croire que leurs emplois sont menacés, alors qu'il s'agissait précisément de l'inverse !