Stewart Butterfield (Slack) "Nous avons créé un Slack graph"

Le CEO de Slack détaille sa stratégie de R&D, et dévoile quelques nouveautés qui viendront prochainement enrichir l'outil de team messaging.

JDN. Quelles sont vos priorités en matière de R&D ?

Stewart Butterfield est le cofondateur est CEO de Slack. © Slack

Stewart Butterfield (Slack). Nous venons de lancer une fonction qui permet de partager un channel Slack (ou chaîne de messagerie Slack, ndlr) avec une autre organisation. Nous envisageons désormais de donner la possibilité d'ouvrir un channel partagé à plus de deux organisations. 

En 2018, nous allons mettre l'accent sur la rapidité, la performance, la fiabilité et la qualité de notre application. Notre équipe centrée sur l'expérience client analyse en permanence les remontées des utilisateurs, au niveau du support, sur Twitter... Sur cette base, nous réalisons beaucoup de petites améliorations pour faire en sorte que Slack s'adapte à un nombre toujours plus grand d'organisations, et qu'il soit dans le même temps encore plus simple à prendre en main.

Enrichir votre application, tout en conservant ce qui fait son succès c'est-à-dire une interface graphique simple et efficace, est-ce tenable ?

C'est sans doute là notre défi majeur. L'un des leviers qui va nous permettre, je pense, de maintenir cette relative simplicité d'utilisation passe par l'extension de la surface permettant aux développeurs de personnaliser Slack. Le cœur du produit pourra ainsi rester relativement simple, tout en permettant à chacun d'en étendre les fonctionnalités là où cela fait sens. Cette logique pourra passer aussi par des intégrations internes (à un système d'information existant au sein d'une entreprise, ndlr). Sur ce point, IBM qui est notre client le plus important, a déjà réalisé des centaines d'intégrations avec Slack.

Rappelons que l'App directory de Slack compte un millier d'applications qui permettent également d'étendre et personnaliser notre plateforme en fonction des besoins de telle ou telle équipe. Notre vocation n'est pas de nous positionner sur tous les segments applicatifs, gestion de tâches, agenda, CRM, édition de documents... Nous ne pourrions pas faire du bon travail.

Qu'en est-il des possibilités de votre plateforme en matière d'analytics ? Ce volet fait-il aussi partie de vos priorités en matière de R&D ?

Tout à fait. Nous cherchons à améliorer le moteur de recherche de Slack en matière de search learning et d'intelligence. Sur ce terrain, certains besoins peuvent être assez basiques. Les utilisateurs veulent par exemple pouvoir saisir un mot clé pour retrouver un document précis partagé quelques jours avant. Au-delà de ce premier niveau, nous travaillons sur des scénarios de recherche plus avancés, consistant à retrouver une information moins spécifique à partir d'un sujet donné, via une meilleure compréhension de ce sujet. L'objectif est aussi de connecter des utilisateurs entre eux en fonction de leurs expertises dans tel ou tel domaine.

"Nous planchons sur la possibilité de suggérer à l'utilisateur des messages et channels prioritaires"

Nous planchons en parallèle sur la possibilité de suggérer à l'utilisateur des flux prioritaires. Pour les personnes ayant à gérer un grand nombre d'interactions dans de multiples channels, l'idée est de souligner les messages susceptibles d'être les plus importants pour eux parmi des centaines de messages non-lus, en fonction de l'historique d'activité, des sujets/channels de prédilection de l'utilisateur et/ou des expéditeurs avec lesquels ils collaborent le plus souvent... Dans la même logique, si plusieurs channels contiennent des messages non-lus, Slack va pouvoir indiquer à l'utilisateur laquelle ouvrir en premier (le JDN a constaté dans la foulée de cette interview qu'une fonction de "tri scientifique des chaînes" avait fait son apparition dans Slack - voir la capture ci-dessous, ndlr).  Pour évaluer et classer les messages les plus importants pour l'utilisateur, nous passons au crible une centaine de signaux : contenu du message, heure d'envoi, expéditeur…

Vous avez mis au point un algorithme qui s'inspire du Page Rank de Google…

Nous nous sommes effectivement inspirés des méthodes de Google. D'ailleurs nous nous basons sur TensorFlow, un framework open source de machine learning conçu par Google, en complément de développements internes. 

Une fonction de "tri scientifique des chaînes" a fait son apparition dans Slack. Elle peut être activée en allant dans les paramètres des teams. © JDN / Capture

Quid des fonctionnalités de Slack sur le front du workplace analytics, c'est-à-dire de l'analyse de la productivité des collaborateurs ?

C'est quelque chose sur lequel nous commençons à travailler. Là encore, l'objectif est d'améliorer la productivité de notre produit sans pour autant le compliquer. L'idée est de fournir un feedback à l'utilisateur sur la manière dont il collabore à travers l'application. S'il tend à interagir différemment en fonction des profils des personnes auxquelles il s'adresse : un homme ou une femme, un supérieur ou un subalterne… S'il opte pour un style de langage différent dans un channel privé comparé à un channel public. Ce sont des feedbacks, sans aucun jugement de valeur, qui ont simplement pour but d'apporter des réponses à ces questions.

"Notre objectif n'est pas de fournir des outils de supervision pour dire qu'un employé est bon ou mauvais"

Récemment, nous avons commencé à appliquer cette logique au niveau des groupes d'utilisateurs. Là, l'objectif est notamment d'analyser comment les différentes équipes d'une entreprise se comportent par implantation, interagissent-elles beaucoup avec les finances, les RH, l'ingénierie...

Vous semblez travailler sur un graph. Développez-vous un Slack Graph ?

Oui, nous avons développé un graph. Nous ne lui avons pas encore donné de nom. Peut-être que nous l'appellerons d'ailleurs le Slack Graph. Il doit nous permettre d'exploiter la masse énorme de connaissances qui peuvent être extraites des relations entre nos utilisateurs, pour en faire bénéficier ces derniers. Les informations touchant à la productivité collaborative qui transitent par Slack sont massives. Elles peuvent être liées aussi bien à l'activité intrinsèque aux channels qu'aux flux liés à des intégrations avec des systèmes tiers.

Mais dans ce domaine (du workplace analytics ndlr), notre objectif n'est pas de fournir des outils de supervision pour dire qu'un employé est bon ou mauvais. Ce n'est pas notre rôle de nous immiscer dans ce type de jugement. En revanche nous pouvons montrer qu'une interaction entre deux groupes semble ne pas bien fonctionner, que la communication est mauvaise, qu'il semble y avoir des conflits. Cela pourrait représenter une  grande valeur pour les managers de mieux cerner l'origine de ce type de disfonctionnements.

Stewart Butterfield est le cofondateur et CEO de Slack. Canadien d'origine, il est connu pour être le cofondateur de la plateforme de partage de photos Flickr. Stewart Butterfield a été nommé parmi les 100 personnes les plus influentes au monde par le magazine Time. Il a obtenu un B.A et un master en philosophie à l'Université de Victoria et Cambridge.