Patricia Russo et Serge Tchuruk démissionnent d'Alcatel-Lucent

Suite à un nouveau trimestre dans le rouge, les deux artisans de la fusion sont contraints de quitter le groupe sous la pression des marchés financiers. La stratégie pourrait être redéfinie.

C'est la fin d'une époque, et sans doute de la stratégie qui l'accompagnait. Patricia Russo, PDG d'Alcatel-Lucent, et Serge Tchuruk, président non exécutif du conseil d'administration et ancien patron d'Alcatel, ont annoncé leur démission simultanément. Sur la sellette depuis plusieurs trimestres maintenant, les deux dirigeants avaient toutefois longtemps repoussé l'échéance du départ.

En cause, les mauvais résultats financiers du groupe mais aussi et surtout, une obstination finalement fatale dans la stratégie jusqu'alors employée. Cette annonce intervient conjointement avec la publication des résultats de l'opérateur de télécommunications au deuxième trimestre 2008. Alcatel-Lucent réalise un chiffre d'affaires de 4,1 milliards d'euros, en baisse de 5,2% sur un an, et une perte nette de 222 millions d'euros (hors dépréciation de goodwill de l'activité CDMA).

Une situation délicate, alors que la société affiche désormais 6 trimestres consécutifs de pertes nettes, et a réalisé une année 2007 particulièrement mauvaise : 3,52 milliards d'euros de pertes au total, un endettement qui n'a pas été résorbé malgré 12 500 suppressions de postes à ce jour, et 4 000 supplémentaires à venir d'ici 2009.

Mais au-delà de ce bilan, c'est la stratégie mise en oeuvre par les deux dirigeants qui leur est reprochée. Alcatel a beaucoup misé sur ses activités CDMA (technologie de téléphonie mobile), alors même que ce marché arrive à saturation, et est déjà dominé par Ericsson, Nokia, et compte de nouveaux entrants dynamiques sur les marchés émergents comme Huawei ou encore ZTE.

3,52 milliards de pertes en 2007, et déjà 1,1 milliard en 2008

Cependant, il reste peu de marche de manoeuvre aux futurs dirigeants d'Alcatel-Lucent. Sur le terrain des équipements télécoms, la marque est vivement attaquée par Cisco, Nortel et Avaya qui ont conquis la clientèle entreprise. Ne restent que les équipements télécoms à destination des opérateurs, mais ce marché se montre relativement étroit et donc peu générateur de croissance.

En revanche, d'un rôle pur et simple d'équipementier, Alcatel-Lucent pourrait se tourner vers les services et / ou les logiciels pour mieux vendre ses produits. Seul problème, le temps joue contre le groupe, qui n'a plus aujourd'hui les moyens financiers de ses ambitions. Et la concurrence n'attend pas. Cependant, les actionnaires veulent y croire, et la simple annonce de ces deux démissions a suffit à faire grimper le cours du titre de 2,2%.

La nomination des remplaçants ne sera pourtant pas immédiate. Serge Tchuruk quittera définitivement la société au 1er octobre 2008, sans indemnités car ce dernier avait déjà obtenu 5,6 millions d'euros lorsqu'il avait cédé sa place en 2006 à Patricia Russo. Cette dernière, quant à elle, devrait démissionner avant la fin de l'année 2008. Elle pourrait obtenir une indemnité de départ de 6 millions d'euros, malgré son triste bilan.

Henry Schacht, ancien directeur de Lucent, quittera lui aussi son poste d'administrateur du groupe après la période de transition. Les noms des futurs remplaçants ne sont pour le moment pas connus.

Deux ans après l'annonce de la fusion pour quelque 13,4 milliards de dollars, le mariage entre le français Alcatel et l'américain Lucent n'a pas eu les effets escomptés. Et le nouveau groupe ne parvient pas à éponger les 11 milliards de dollars de pertes que Lucent lui a apportés.