Paul Hermelin (Capgemini) "Nous avons une carte à jouer dans le Cloud public"

Explosion des volumes de données, Cloud privé, offshore... Le directeur général de la SSII fait le point sur les grandes tendances auxquelles font face les DSI. Il répond également à une question posée par Patrick Hereng, DSI de Total, sur le Cloud public.


"Paul Hermelin (Capgemini) : "Nous avons une carte à jouer dans le Cloud public""

JDN Solutions. Quelles sont les principales préoccupations des grands DSI français en 2011 ?

Paul Hermelin. Les grands DSI font face à une problématique, d'ailleurs un peu liée au Cloud, c'est le raz de marée des données. Alors je vais dire quelque chose qui va paraître inquiétant, comme issu de 1984 de George Orwell. Mais aujourd'hui, utiliser un téléphone portable, c'est être fliqué en permanence, car ces systèmes sèment des données toute la journée.

Je m'entretenais il y a peu de temps avec le DSI d'une grande entreprise de l'agroalimentaire. Il me disait vouloir arrêter de faire du marketing pour la ménagère de moins de 50 ans, et vouloir mettre en place des opérations de marketing ciblées, exploitant toutes les données disponibles – par exemple – sur le Cloud.

L'autre grande tendance est liée à la mobilité. C'est pour moi les deux grands leviers d'accélération de la demande.


"L'attitude protectionniste ne fonctionne pas"

Craignez-vous la concurrence des SSII indiennes qui se développent en France, comme Infosys  ?

Sur ce sujet, j'ai une position un peu radicale. Je suis convaincu que l'attitude protectionniste ne fonctionne pas. Il faut que la France s'ouvre et bénéficie du dynamisme de l'Asie. Il se trouve que l'Inde a fait un effort d'éducation fabuleux.

La seule manière de répondre au défi indien, c'est de redoubler l'effort d'éducation. L'Inde forme chaque année un nombre d'informaticiens considérable, et il y a des activités dans lesquelles ils sont très bons. Il faut apprendre à les utiliser. Mais, Capgemini n'a pas délocalisé l'emploi. Nous avons constitué une plate-forme indienne, tout en augmentant nos effectifs en France. Nous continuerons d'ailleurs à le faire dans l'avenir.


Il faut jouer les complémentarités. Il y a des talents en Inde. S'ils servent à accroître la compétitivité des entreprises françaises, c'est très bien. Mais, dans le même temps, il faut se battre pour l'emploi en France, et développer des compétences complémentaires. Donc, Infosys prendra une part de marché en France. Mais il ne faut pas exagérer non plus. Il y a des éléments dans lesquels ils sont bons, mais pas en tout.

Question de Patrick Hereng, DSI de Total, à Paul Hermelin :

Quel rôle voyez-vous jouer Capgemini dans le développement du Cloud, en particulier du Cloud public ? Et question subsidiaire, est-ce que vous craignez l'arrivée des nouvelles sociétés qui se développent dans ce domaine, comme Amazon ou Salesforce.com ?

C'est une question importante, et en même temps pas très facile. Le Cloud est un mot à la mode. C'est une notion un peu fourre-tout. Pour ma part, j'ai une vision du Cloud assez large. J'y crois. Je pense que son développement va aller vite.

Les grandes entreprises peuvent organiser l'informatique interne dans un Cloud privé, sous leur maîtrise, avec un certain nombre de bénéfices. Dans ces cas-là, Capgemini pourra accompagner les migrations.


"Le Cloud Computing va vite se développer"

Mais la question de Patrick Hereng porte sur les Clouds publics. La question est alors de savoir si les entreprises, quelle que soit leur taille, seront à l'aise pour mettre leurs données intimes en dehors de leur système d'information, dans des Clouds publics. C'est la problématique de l'intégrité des données. Je pense que les entreprises vont surmonter peu à peu ces appréhensions.

Face à cette montée en puissance, Capgemini a trois rôles possibles. Nous jouerons d'abord le rôle d'intégrateur de Clouds d'infrastructure pour des acteurs développant de grandes plates-formes dans ce domaine. Si Amazon ou même Orange créent des Clouds d'infrastructure, nous qui étions structurellement en déséquilibre défavorable face à des géants comme IBM et HP qui avaient de grandes puissances d'infrastructure, nous nous repositionnons ainsi dans le jeu. Nous retrouvons un peu de liberté face à ces très grands acteurs informatiques.

Deuxième mission, nous aurons un rôle d'opérateur de certains Clouds. Nous sommes par exemple en train de travailler sur des solutions dans le domaine du procurement. C'est donc un positionnement d'opérateur d'applications en mode SaaS.

La dernière mission sera de conseiller nos clients dans la transition vers le Cloud public.

Plus globalement, deux axes poussent à l'adoption du Cloud. Il y a la mutualisation qui engendre une baisse des prix. Mais ce ne sera pas le facteur dominant. Le grand avantage du Cloud sera beaucoup plus l'agilité et la souplesse qu'il apporte. C'est par exemple ce que fait très bien Salesforce.com. C'est une solution très souple, très large, très innovante. Nous sommes partenaires, et travaillons main dans la main sur le sujet.