Alcatel-Lucent : l'hydre aux deux nouvelles têtes

Exit le tandem Tchuruk-Russo. Philippe Camus et Ben Verwaayen viennent d'être nommés à la tête de l'équipementier réseaux et télécoms avec pour objectif de redresser la barre d'un navire en pleine déroute. La feuille de route s'annonce truffée de pièges.

Après six trimestres consécutifs de comptes de résultats n'ayant pas cessé de broyer du noir et les départs annoncés fin juillet de ses dirigeants Serge Tchuruk et Patricia Russo, le géant équipementier réseaux et télécoms aux pieds d'argile veut croire à un nouveau départ.

Le voile a donc été levé sur les noms des 2 jokers qui succèdent au tandem démissionnaire Tchuruk/Russo à la tête d'Alcatel-Lucent, son conseil d'administration venant tout juste d'adouber Philippe Camus au poste de président non exécutif du groupe, et le néerlandais Ben Verwaayen à celui de directeur général.

Bien qu'annoncés simultanément, ces remplacements ne seront cependant pas effectifs au même moment. Alors que Ben Verwaayen prend immédiatement les commandes du paquebot Alcatel-Lucent, Philippe Camus ne fera partie de l'équipage qu'à compter du 1er octobre prochain.

Aucun hasard ne semble en tout cas avoir été de mise dans le choix de ce casting de dirigeants de haut rang : excellence des cursus professionnels et reconnaissance de la qualité de leurs parcours respectifs par leurs pairs ayant constitué de puissants leviers de choix entre les différents profils de dirigeants évalués.

Si Philippe Camus peut compter sur son profil tout terrain, Ben Verwaayen affiche de son côté un haut de niveau de crédibilité après 6 ans passés à la tête de British Telecom

Etant parvenu à souffler le poste d'une courte tête à l'australien Mike Quigley - l'ancien numéro 2 du groupe -, Ben Verwaayen, 57 ans en février prochain, a donc su séduire la direction du groupe par un CV irréprochable.

Directeur de la compagnie néerlandaise de télécommunications en 1988, il aura ensuite enchaîné les postes prestigieux dont ceux - surprise - de vice-président de Lucent Technologies, mais également de directeur général de l'opérateur British Telecom en 2002. Un poste qu'il occupait jusqu'en juin 2008, après que Ian Livingston ait pris la relève.

Grâce à son profil tout terrain, le français Philippe Camus aura également mis toutes les chances de son côté pour remporter la mise face à Thierry Breton, ancien P-DG de France Télécom. Normalien et agrégé de physique, il a en effet été amené à goûter aux multiples plaisirs de la vie de cadre dirigeant.

Président du comité financier de Matra en 1982, il occupe 5 ans plus tard la fonction de président du conseil de surveillance de la banque Arjil, une entité du groupe Lagardère. Un groupe qu'il connaît bien pour avoir été administrateur d'Europe 1 Communication quelque temps auparavant.

Pris dans la tempête des mauvais résultats, dépréciation d'actifs et profit warning d'Alcatel-Lucent, le plus dur reste à faire pour le nouveau duo

Gravitant avec brio au sein de la galaxie Matra/Hachette, Philippe Camus poursuit son bonhomme de chemin en devenant successivement directeur général et président du comité financier de la nouvelle entité Matra-Hachette en 1993 et administrateur du groupe Hachette Filipacchi Médias de 1997 à 2006.

Ce qui ne l'empêchera pas de poursuivre sa route vers les étoiles en prenant les rênes d'Aerospatiale Matra en tant que président du directoire en 1999, en préambule de son accession au poste convoité de co-président exécutif du groupe EADS de 2000 à 2005.

Mais le plus dur reste à faire pour ces 2 nouveaux compères. Pris dans la tempête des mauvais résultats financiers, des dépréciation d'actifs en chaîne et des (trop) nombreux profit warning, Alcatel-Lucent n'est pas à la fête. Ainsi, Ben Verwaayen se voit d'entrée privé d'une quelconque indemnité de départ, afin de ne pas réitérer le scandale du parachute doré de Patricia Russo qui avait mis en émoi le marché il y a quelques mois de cela.

Pour autant, les rémunérations moyennes mensuelles versées resteront confortables, à savoir près de 100 000 euros pour Ben Verwaayen et près de 17 000 euros pour Philippe Camus, auxquels viendront s'ajouter un bonus cible d'1,8 million d'euros pour le premier et 100 000 actions gratuites subordonnées à des critères de performance pour le second.

Reste toutefois qu'à 4,3 euros l'action - en baisse de 55% par rapport à la même époque l'année dernière -, ce pécule tient aujourd'hui plus de la poire pour la soif que du trésor de Raquam le Rouge. Dans un volume inhabituel en bourse avec plus de 45 millions d'actions échangées, le titre Alcatel-Lucent est loin de décoller du plancher des vaches, affichant même une baisse de 3,6% par rapport à son cours de clôture de la veille à 4,15 euros.