AMD doit-il devenir un simple designer de puces ?

Le deuxième fabricant de processeurs affiche de lourdes pertes. Pour relancer l'entreprise, dirigeants et analystes envisagent toutes les possibilités : cession, scission et externalisation.

Le deuxième constructeur de processeurs au monde, et seul concurrent d'Intel, affronte actuellement une des pires crises de son histoire. Régulièrement en déficit, AMD accuse notamment le récent rachat d'ATI (fabricant de processeurs graphiques) pour 5,6 milliards de dollars. Et surtout, sa stratégie agressive sur les prix pour gagner des parts de marché a eu un lourd impact sur ses marges.

Crédité par le cabinet IDC d'une part de marché au dernier trimestre 2007 autour des 20% (17,8% pour les CPU mobiles, 27,7% pour les CPU de bureau, 14,6% pour les CPU de serveurs), AMD reste largement en retrait face à Intel.

La marque, qui jouait auparavant sur l'avantage technologique de ses processeurs monocoeur à architecture x64 pour maintenir des tarifs au niveau d'Intel, doit maintenant baisser ses prix pour stabiliser ses ventes. Un retournement de situation qui s'explique par l'arrivée des puces multi-coeurs d'Intel et son architecture Core, plus performante que la précédente.

Conséquence directe, les résultats de l'entreprise ont plongé. En 2007, AMD réalise un chiffre d'affaires de 6 milliards de dollars (+6% sur un an) mais publie une perte nette de 3,37 milliards de dollars. Les affaires ne semblent pas sur le point de s'arranger puisque le constructeur a connu une perte nette de 358 millions de dollars pour son premier trimestre de l'exercice 2008.

Toutefois, selon Hector Ruiz, P-DG du groupe, AMD pourrait retrouver son équilibre financier à partir du second semestre 2008. Des mesures de restructuration ont en effet été prises pour faire face à cette crise. En avril, il avait annoncé un plan de suppression concernant 10% de sa masse salariale, soit quelque 1 600 salariés environ. Mais cette annonce ne suffisant pas à rassurer les analystes, de nouvelles mesures sont désormais envisagées.

La première possibilité consisterait à couper les activités non rentables, notamment dans l'électronique grand public, ou sur des lignes de produits marginales (PC à bas coûts par exemple), voire dans le pire des cas en sabrant dans les activités d'ATI. Cependant, les analystes estiment que ces mesures ne suffiront peut être pas. Les actionnaires, eux, sont favorables à une deuxième option : la cession des activités de production de semi-conducteurs.

Vers une cession des activités de production au profit de TSMC ?

AMD fait déjà appel aux services du fabricant de semi-conducteurs TSMC, à l'occasion de la production de ses puces graphiques. Une solution consisterait donc à garder en interne la R&D et la conception de prototypes de puces, à l'instar d'IBM par exemple, et d'en confier la production à des partenaires tiers comme TSMC. Seul inconvénient pour AMD, il devient dépendant d'un tiers pour la disponibilité de ses propres puces, mais évite ainsi les coûts de fabrication élevés d'usines de plus en plus sophistiquées.

Et cette formule a pour avantage de repositionner AMD au plus proche d'Intel en matière de finesse de gravure des transistors, aujourd'hui à 45 nanomètres chez TSMC et Intel, mais encore à 65 nanomètres chez AMD. Ses processeurs s'en trouveraient plus compétitifs en terme de rapport performances / prix. Selon le quotidien américain Digitimes, un tel accord avec TSMC pourrait être suivi d'une cession de plusieurs usines d'AMD, afin de dégager de la trésorerie.

Enfin, AMD a annoncé sa participation dans l'ouverture d'un centre de recherche conjoint en Chine, à Pékin, spécialisé dans le développement, les tests et l'évaluation des nouvelles techniques de fabrication de puces. A l'inverse, son projet de construction d'une usine de fabrication de puces à New York pour 3,2 milliards de dollars a été mis en attente. Selon les plans du fondeur, elle devrait être mis en service à partir de 2010.

D'un point de vue technologique, AMD veut également rompre avec la morosité ambiante. Le constructeur, qui propose actuellement des puces à quatre coeurs (Barcelona), espère passer aux 12 coeurs à l'horizon 2010, ce qui lui permettrait de se repositionner par rapport à Intel qui annonce déjà plusieurs dizaines de coeurs à cette même période.

Il a également lancé deux nouvelles marques pour mieux vendre ses produits. Tout d'abord, Business Class, qui regroupe une liste de produits dont la disponibilité est garantie pendant 24 mois auprès des entreprises. Les clients ont ainsi la possibilité d'acheter sur 2 ans leur parc informatique, en s'assurant de disposer des mêmes composants à chaque fois.

Sur les PC portables AMD prépare la plate-forme Puma, première étape vers son projet Fusion, où la carte mère intègre un contrôleur graphique à la manière du Centrino d'Intel. Une manière de mutualiser les coûts entre la production de processeurs graphiques et la production de processeurs pour PC.

Enfin, certains analystes n'excluent pas la possibilité pour AMD de se faire racheter par un groupe tiers. Sa valeur reste malgré tout conséquente et ne le met pas à portée de toutes les bourses. De même, le fait que l'entreprise soit actuellement non rentable ne risque pas d'attirer beaucoup d'investisseurs.