Michel Koutchouk (Infotel) "La virtualisation est une notion marketing qui profite aux vendeurs de serveurs"

Le spécialiste des mainframes regrette que le secteur des grands systèmes souffre d'un déficit d'image. L'activité de l'entreprise demeure en croissance, malgré la crise.

Aujourd'hui quels sont les clients qui utilisent le mainframe, et pour quel type d'applications ?

Nous travaillons toujours avec les clients qui nous ont fait confiance il y a 30 ans, à savoir la BNP, Air France ou encore le groupe PSA. D'autres les ont rejoints depuis, toujours dans le domaine des grands comptes et de la banque assurance.

Les raisons pour lesquelles ces entreprises continuent à utiliser des systèmes mainframe trouvent leur origine dans l'historique et le poids des investissements qui ont été réalisés depuis des années sur leurs applications mainframe.

A titre d'exemple, nous avons créé le système de gestion des comptes de la BNP, qui est depuis accessible aux clients par une application Web. Ce système a été conçu et développé sur mainframe, et va rester je pense sur cette architecture. C'est le cas également de la carte Flying Blue d'Air France. L'accès aux données se fait par le site Internet, mais les bases de données sont gérées sous mainframe. Ces clients avaient besoin de centraliser les données de ces applications, et le mainframe est vraiment idéal pour cela.

"Nous avons des serveurs Internet qui fonctionnent directement sur du mainframe"

Maintenant, il y a la question de l'accès à ces données qui se pose. Les émulateurs sur les PC ont permis d'accéder au mainframe et en même temps de faire de la bureautique. Désormais, nous avons des serveurs Internet qui fonctionnent directement sur du mainframe. Il n'y a plus de vraiment de différence entre un serveur HTTP qu'il soit sur micro ordinateur ou sur mainframe. Même si au début IBM a été réticent, il a été obligé de se mettre à l'IP.

On parle beaucoup de la virtualisation dans le secteur des systèmes distribués. Qu'en est-il pour le mainframe ?

Pour moi, c'est avant tout une notion marketing qui profite aux vendeurs de serveurs. De fait, la virtualisation existe depuis 30 ans dans le secteur des mainframes et nous utilisons nous même des machines virtuelles depuis extrêmement longtemps. Nos premiers programmes ont d'ailleurs été développés pour tourner sous machine virtuelle. Nous ne communiquons pas sur cet aspect, mais nous maîtrisons la virtualisation depuis la naissance des mainframe.

Mais il faut bien admettre que le mainframe souffre d'un déficit d'image, qui nuit à sa visibilité. Nous retrouvons cette problématique sur nos recrutements. Les informaticiens sont aujourd'hui formés et ne s'intéressent qu'à du Java et autres technologies Web. Mais il faut bien voir que s'il n'y a que 10 000 entreprises qui ont un zOS [ndlr. mainframe IBM], ce sont les plus importantes. Donc nous sommes dans l'obligation de former aujourd'hui nos employés sur le mainframe parce que les écoles ne forment pas à cela. Cet élément fait partie de notre engagement.

Comment cette période de crise  vous impacte-t-elle ?

Il s'agit d'une période étrange et assez insaisissable, et les clients jouent sur des tableaux très différents. D'un côté, les clients ont sabré leurs budgets. Un de nos clients dans le monde de l'assurance est passé d'un effectif de 800 à 400 sous-traitants informatiques. On réduit partout les coûts en invoquant la crise, mais c'est aussi parfois un prétexte, avec du chantage de la part des grand comptes qui nous demandent parfois des baisses de tarifs de 6% en dépit d'un travail qu'ils jugent excellent, allant même jusqu'à faire du chantage à l'offshore.

En fait, c'est le modèle de la grande distribution qui a pris le pas, avec une logique de cost killer représentée par la direction des achats, et c'est assez épouvantable. Le pire, c'est que nos interlocuteurs sont des fonctionnels qui sont bridés par les achats, qui sont même parfois au niveau de la direction générale comme c'est le cas chez Airbus.

Et puis à moyen et long terme, l'informatique est une ressource vitale pour l'entreprise, et je ne me fais pas de souci pour notre business. Chez Peugeot par exemple, nous travaillons sur leur nouveau système de vente des véhicules, qui se nomme SI 2010. Ce système est stratégique pour pouvoir intégrer de nouveaux canaux de vente. Nous avons du adapter ce système pour la vente par Internet, pour la vente à l'étranger, et pour la vente par la grande distribution. Ce type de contrat n'est pas impacté par la crise, puisqu'il colle aux besoins vitaux de développement des entreprises.