Profession : coach en crowdfunding

Profession : coach en crowdfunding Un nouveau business éclot autour des plateformes de financement participatif : des coachs en crowdfunding promettent aux porteurs de projet le succès de leur campagne.

L'explosion des plateformes de financement participatif aux Etats-Unis  – en 2014, 3,3 millions d'internautes ont soutenu 22 252 projets sur la principale plateforme américaine, Kickstarter, à hauteur de 500 millions de dollars - a ouvert la voie à l'éclosion d'une nouvelle profession bien particulière. Des coachs ou "conseillers stratégiques" se proposent désormais d'aider les porteurs de projet afin que leur campagne se solde par un succès. Sur la plupart des plateformes, en effet, tout projet dont l'objectif n'est pas financé dans sa globalité ne touche rien – les promesses de dons sont reversées aux contributeurs (ou "backers").

Depuis la création de Kickstarter, en août 2009, 241 686 projets ont été lancés… Et seuls 91 277 ont été financés intégralement. 61,4% d'entre eux ont échoué. De quoi pousser les porteurs de projets qui en ont les moyens de recourir à une aide extérieure pour planifier la campagne parfaite.

Modèles prédictifs et conseils personnalisés

Kat Jenkins, néo-zélandaise, s'est lancée dans le business en mars 2014. Fervente utilisatrice de Kickstarter – en tant que contributrice à de multiples projets - elle assiste à de nombreux échecs et en décèle des causes similaires. Elle profite alors du lancement de la plateforme américaine dans son pays et de l'évolution de la législation en faveur du financement participatif pour se lancer. Depuis, elle a aidé 35 porteurs de projets, revendique un taux de réussite de 89,74% et 1,1 million de dollars levés sur diverses plateformes (Kickstarter, PledgeMe, Spark My Potential…).

Kat Jenkins travaille avant tout en amont de la campagne. Elle aide ses clients à identifier la plateforme la plus adaptée à leur projet, à évaluer l'objectif idéal, puis aiguille le ton de leur campagne. "J'utilise des modèles prédictifs de crowdfunding élaborés à partir de centaines d'heures de recherche et d'interviews, et des techniques afin de mettre les projets en avant par rapport aux autres", explique-t-elle évasivement, pour ne pas "trop dévoiler sa méthode secrète". Elle propose des rendez-vous (30 euros la demi-heure) ou des packages, à partir de 5 euros par mois environ pour avoir accès à ses conseils. D'autres coachs se rémunèrent sur le montant levé.

20% du montant levé

Aux Etats-Unis, là où le financement participatif est le plus développé, les agences de coaching prospèrent. C'est le cas de Vann Alexandra, fondée par l'américaine Alex Daly. La société revendique un taux de réussite de 100% et près d'une trentaine de projets financés avec succès, dont l'une pour plus de 6 millions de dollars. Ses services incluent "la production de la vidéo, le copyright, l'envoi de mails et de newsletters, le marketing digital, la fidélisation des soutiens, la publicité, la gestion du social media et le design". Mais recourir à Vann Alexandra, agence en vue sur le créneau, n'est pas à la portée de tous les porteurs de projets : selon Gizmodo, les clients doivent parfois s'acquitter de 20% du montant des fonds levés.

Où est passé l'esprit du crowdfunding ?

Ce nouveau business fait grincer des dents les adeptes de la première heure du financement participatif, qui voyaient dans le crowdfunding une manière de supprimer tout intermédiaire et de permettre aux particuliers qui n'ont aucune relation auprès de VC ou d'industriels de se financer auprès de la foule. Désormais, les agences et coachs en crowdfunding réintroduisent un biais en permettant à certains projets de se distinguer sur les plateformes tandis que les moins préparés restent cachés dans les tréfonds des sites. "Toutes les campagnes qui ont connu le plus de succès sur Kickstarter et Indiegogo étaient de toute façon soutenues par de très grosses sociétés de marketing, se défend Kat Jenkins, fataliste. Une poignée de personnes travaillent sur les plus gros projets. Le crowdfunding repose sur le marketing et la communication."

En France, le financement participatif n'est pas encore assez développé et les sommes levées souvent trop faibles pour qu'émergent de tels conseillers indépendants. En 2014, 152 millions d'euros ont été levés sur les plateformes de prêt, don et equity françaises, selon l'association Financement Participatif France. Et les porteurs de projet ne se retrouvent pas totalement démunis : les équipes des plateformes les accompagnent bien souvent et les conseillent afin de mener une campagne réussie. Jusqu'à ce que les levées ne deviennent si nombreuses qu'il faille trouver d'autres moyens pour se démarquer...