Antoine Baschiera (Early Metrics) "Un simple entretien avec les fondateurs d'une start-up permet déjà de déceler les failles"

Antoine Baschiera, cofondateur de l'agence de notation de start-up Early Metrics, décrypte sa méthodologie et dévoile ses ambitions. En ligne de mire : devenir un label de référence dans l'écosystème.

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Antoine Baschiera, cofondateur d'Early Metrics. © Early Metrics

JDN. Vous avez lancé en mars 2014 Early Metrics, une agence de notation de start-up destinée à aider les business angels à dénicher des pépites dans lesquelles investir. Quels sont vos critères de notation ?

Antoine Baschiera. Notre but est de nous détacher des critères uniquement financiers. Nous jugeons de la qualité des dirigeants, de celle du projet, de l'écosystème (taille du marché, concurrence directe et indirecte, aspects réglementaires...) et enfin de la fiabilité et cohérence des prévisions financières que nous communiquent les dirigeants des start-up que nous notons –nous les rencontrons pour des entretiens, l'ensemble du processus de notation leur prend environ trois heures. On challenge la stratégie d'acquisition des metrics de développement ainsi que la capacité de l'entreprise à exécuter sa vision.

Comment peut-on juger de la qualité des dirigeants en les rencontrant quelques heures ?

Nous étudions leurs compétences techniques, leur complémentarité, leur capacité de remise en question... En trois heures, on peut déjà se faire une première idée assez précise de leur profil et identifier des problèmes ou des points faibles. De toute façon, nous sommes là pour aider les décisions de nos clients, mais cela n'annule pas un travail plus approfondi de leur part ensuite pour analyser le dossier.

Comment pouvez-vous être sûrs de la bonne foi des entrepreneurs lorsqu'ils vous communiquent leurs données de développement ?

Notre analyse indépendante n'a pas de valeur légale et se base sur les données communiquées par les entrepreneurs. Mais la notation n'est jamais subie et elle est formalisée par un contrat signé par les entrepreneurs qui contient notamment une obligation juridique de véracité.

"Plus de 80% des start-up bien notées se sont financées"

Quel bilan faites-vous de vos évaluations depuis l'an dernier ? Avez-vous fait des erreurs ?

Bien sûr : certaines start-up mal notées ont bien réussi à lever des fonds, et inversement. Par exemple, nous avions noté une faiblesse sur les dirigeants qui pourraient rebuter les investisseurs, mais l'un d'entre eux est devenu opérationnel en entrant au capital de la société. Ou bien une start-up que nous avions bien noté n'a pas levé de fonds et s'est faite racheter. On "back test" constamment pour corriger notre algorithme de notation. Mais plus de 80% des sociétés à qui nous avons donné une note de plus de 75/100 se sont financées moins de six moins plus tard, tandis que la quasi-totalité des sociétés notées en dessous de 65 sur 100 n'ont pas réussi à se financer.

Qui sont vos clients ?

Dans un écosystème start-up qui se densifie, notre objectif est de rationaliser le potentiel des jeunes pousses pour guider les investisseurs. Nous nous adressons principalement aux business angels qui investissent entre 90 et 800 000 euros par an, mais nous conseillons aussi des grands comptes (Neopost, Crédit Lyonnais, grands groupes industriels...), Bpifrance, Deloitte... Nous avons déjà noté 200 sociétés et nous atteignons maintenant un rythme de 50 jeunes pousses notées par mois, dont la moitié à l'international. Nous comptons aujourd'hui une trentaine de clients.

Le business angel reçoit une liste de six start-up chaque mois

Combien de fiches start-up leur envoyez-vous ?

Tous les mois, nous proposons six sociétés en recherche de fonds qui ont obtenu une bonne note selon notre système à chacun de nos clients, selon leur profil et leurs attentes. Les abonnements coûtent entre 400 et 4 000 euros, selon la spécificité de la sélection –certains clients peuvent nous demander uniquement des sociétés issues de tel pays et tel secteur. On travaille aussi pour des M&A avec des banques.

D'où vient votre dealflow ?

Notre dealflow vient de deux flux différents. De l'extérieur, d'abord : des start-up qui souhaitent être notées nous sollicitent, tout comme certains réseaux de prescripteurs comme des incubateurs qui souhaitent nous proposer leurs sociétés. De l'intérieur, ensuite : le travail de recherche, sur le terrain, de start-up intéressantes, prend 30% du temps de nos analystes. Nous notons des start-up basées en Europe, avec un focus sur la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Luxembourg, et aux Etats-Unis. Nous souhaiterions d'ailleurs ouvrir un bureau à Londres avant la fin de l'année pour accélérer à l'international.

"Tout entrepreneur peut refuser que sa note soit communiquée"

Que faites-vous quand la start-up écope d'une note trop basse ?

Certaines ne sont jamais présentées aux clients, si la note est trop basse. Ceci dit, le travail de pré-qualification avant la notation implique un premier filtre et peu de start-up sont notées en dessous de 50/100. En tout cas, les entrepreneurs peuvent refuser que l'on communique leur note.

Quels sont vos prochains chantiers ?

Nous souhaitons devenir un label pour l'économie des start-up, que les entrepreneurs eux-mêmes revendiqueront. Nous venons de passer de deux à sept analystes et nous serons dix à la fin de l'année. Notre objectif est de franchir la barre des 100 clients d'ici la fin de l'année et d'asseoir une vraie présence au Royaume-Uni. Enfin, nous testons et améliorons constamment notre méthodologie et nous y travaillons avec un comité scientifique composé de Cécile Saint-Martin, associée chez PwC et commissaire aux comptes, Arthur de Catheu, entrepreneur et cofondateur de Finexkap, Cédric Teissier, mentor à Numa et TheFamily et cofondateur de Finexkap, et Benjamin Le Pendeven, fondateur de Softcorner.

Après des expériences chez L'Oréal et PwC, Antoine Baschiera se plonge dans l'écosystème startups et fonde Early Metrics avec son associé Sébastien Paillet.