Guillaume Aubin et Charles Letourneur (Alven Capital) "Nous faisons du early stage notre priorité"

Après l'annonce de la clôture du fonds Alven IV de 120 millions d'euros, Alven Capital lève le voile sur son nouveau positionnement et sa stratégie d'investissement.

JDN. Le second semestre 2012 a été marqué par une inquiétude grandissante des capital-risqueurs français. Ce vent de crise est-il révolu ? 

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Guillaume Aubin, cofondateur et "managing partner" d'Alven Capital © S. de P. Alven Capital

G. Aubin. Des signaux négatifs ont été envoyés aux acteurs du marché dans l'ensemble de l'Union Européenne en raison de ratios prudentiels plus strictes. Mais finalement, on assiste à un effet de balancier favorable au capital-risque au dépens des fonds LBO puisque les institutionnels se sont rendus compte que les LBO sont plus complexes et que leur performance moyenne est en chute depuis cinq ans. Les acteurs institutionnels se sont rendu compte que l'Internet dispose de forts leviers de croissance.

Qui vous a permis de lever un nouveau fonds de 120 millions d'euros ?

G. Aubin. La moitié des souscripteurs précédents d'Alven Capital sont revenus, qu'il s'agisse de la Caisse des Dépôts, de CNP ou d'Amundi. D'autres souscripteurs auraient souhaité revenir mais n'ont désormais plus les moyens, comme Natixis ou la SGAM. Nous avons donc fait entrer de nouveaux institutionnels comme Malakoff Médéric ainsi que des family offices français, américains et asiatiques. Mais sur les 120 millions d'euros levés, trois quart proviennent d'investisseurs institutionnels et plus de 50% sont des fonds français. 

Quelles ont été vos précédentes performances ?

"Notre TRI moyen est de l'ordre de 30%"

G. Aubin. Sur les douze dernières années, notre taux de retour sur investissement (TRI) se situe en moyenne à 30%. Nous avons réalisé l'an dernier 6 sorties, comme par exemple EntropySoft, ProwebCE ou JolieBox. Cette dernière a été revendue à l'américain Birchbox, dont Alven Capital détient désormais 5%. Birchbox a d'ailleurs un bon potentiel de sortie sur le Nasdaq.

Ne pensez-vous pas que l'e-commerce sur abonnement a trouvé ses limites ?

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Charles Letourneur, cofondateur et "managing partner" d'Alven Capital © S. de P. Alven Capital

C. Letourneur. Il est vrai que les marques ne peuvent pas fournir indéfiniment leurs produits gratuitement à des éditeurs de box. Les acteurs de l'e-commerce par abonnement trouvent donc des limites dans leur capacité d'innovation et de diversification mais leur potentiel se situe dans leur capacité à créer une relation avec les clients. C'est à dire dans leur capacité à transformer leurs abonnés en consommateurs e-commerce traditionnels.

Vous avez peu fait de late stage ces dernières années malgré vos capacités d'investissements. Pourquoi ?

C. Letourneur. Le marché du late stage est plus étroit car les sociétés de cette taille sont davantage visibles, ce qui nécessite une compétitivité importante face à de plus gros acteurs qui peuvent être des investisseurs américains. Notre constat est que ces acteurs dépensent beaucoup d'énergie sur leurs deals pour des performances peu attrayantes. Notre positionnement se tourne donc résolument vers le early stage, à savoir vers des sociétés non rentables dont le chiffre d'affaires est de l'ordre du million d'euros. Notre objectif est de les accompagner vers la rentabilité dans les 12 à 24 mois suivant notre entrée à leur capital. Une fois la rentabilité atteinte, l'effet de valorisation est bien plus important. 

Vous sortez du capital une fois cette rentabilité atteinte ?

C. Letourneur. Notre logique est différente. Nous ne souhaitons pas financer des pertes pendant deux à trois années successives mais en revanche, une fois la rentabilité atteinte, nous renforçons notre présence au capital les start-up grâce à des opération de capital-développement. Nous ne communiquons toutefois pas dessus, raison pour laquelle nous donnons l'impression de mettre habituellement des petites tickets. En fait, il est plus risqué pour un fonds de miser sur des sorties à 100 millions d'euros, qui sont très rares, alors que la plupart des sorties se font autour de 30 millions d'euros, d'où cet intérêt pour l'early stage.

Vous avez très récemment investi 600 000 euros dans Mention. Cela veut-il dire que vous allez également accentuer le rythme de vos opérations en amorçage ?

"Nous disposons d'une poche dédiée à l'amorçage de près de 6 millions d'euros"

C. Letourneur. Dans notre fonds Alven IV, nous avons une poche d'investissement exclusivement dédiée à de l'amorçage qui représente environ 5% de l'ensemble, soit moins de 6 millions d'euros. Notre stratégie est de nous positionner au capital de certaines sociétés innovantes bien en amont pour être certains d'être présents lors de leurs premiers tours de table. 


Le fonds Alven IV investira dans combien de start-up et dans quels secteurs ?
G. Aubin. Nous souhaitons disposer de 20 à 25 participations dont les tickets moyens seront de 2 millions d'euros pour nos premiers investissements. Cela veut dire que nous pouvons monter l'investissement moyen dans chaque start-up à 5 millions d'euros à l'occasion d'opérations de réinvestissement. Nous allons donc réaliser 5 à 6 investissements par an et essayer d'en faire autant en ce qui concerne nos sorties, de manière à conserver un portefeuille d'une trentaine de lignes.

Deux tiers de nos investissements seront dédiés à de l'Internet pur et il est certain que les deals dans les prestataires des services Web et e-commerce vont s'accentuer, car le marché BtoC est de plus en plus compétitif. Le reste sera dédié à des sociétés technologiques comme Entropysoft, mais nous n'avons pas vocation à financer de la R&D.

Diplômé de l'Ecole Polytechnique, de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Guillaume Aubin a passé 9 ans dans la banque d'affaires au sein de le division Banque d'Investissement de Paribas, à Paris, New-York et Londres. Il développe ensuite une activité d'investisseur dans des entreprises de croissance qui conduit en 2000 à la création, avec Charles Letourneur, d'Alven Capital.

Charles Letourneur est diplômé de l'École Polytechnique, de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique (ENSAE) et de l'IEP Paris. Il rejoint le département de fusions & acquisitions de Lazard Frères & Cie en 1991 à New York puis à Paris. En 1999, il est nommé gérant de Lazard Frères & Cie. Il est aujourd'hui managing partner du fonds d'investissement Alven Capital.