Raphaël Roy (Procter & Gamble) "La France est pour nous un pays pilote en matière d'e-communication"
Chez Procter & Gamble France, Internet représente près d'un cinquième du mix média. Usage des différents leviers marketing, impact de la crise, projets en cours... Son responsable média fait le point.
Quelles est la part du Web dans le budget de communication de Procter & Gamble ?
Raphaël Roy. Le budget brut 2008 de Procter & Gamble en communication sur Internet était de 42 millions d'euros, soit un peu moins de 19 % du budget de communication global. Investir sur Internet répond à des besoins spécifiques. En effet, les consommateurs sont de plus en plus présents sur le Web, ce qui provoque un nouveau rapport à la consommation, mais aussi à l'échange qu'il peut y avoir entre une marque et ses clients et prospects. Cela représente un champ d'expression différent pour les marques.
Comment évolue votre budget Internet pour 2009 ?
Je ne peux pas vous donner de chiffre mais seulement vous dire que nous étions le premier annonceur sur Internet en matière de grande consommation en France en 2008. Nos investissements vont croissant et nous comptons maintenir la part du Web dans le mix média en 2009.
"Internet devient véritablement un média audiovisuel"
Search, display, e-mailing... Comment employez-vous ces différents leviers ?
Nous utilisons Internet comme un média de masse. Nous dédions la plus grande partie de nos budgets au display, pour les lancements de produits par exemple, d'autant plus que la communication est plus innovante et créative grâce à la pénétration du haut débit, avec du son, de la vidéo, de l'interactivité. Internet devient véritablement un média audiovisuel
Procter & Gamble utilise également beaucoup de search, qui représente un enjeu très important. Nous connaissons maintenant bien le cheminement du consommateur sur le Web pour arriver à nos produits. Et en matière de planification, nous faisons jouer les synergies entre la télévision, qui reste notre principal média, et le volume de recherche sur une marque au travers de SEM.
Vous faites aussi de l'affiliation...
Effectivement, nous n'hésitons pas à réaliser des campagnes d'affiliation pour les marques qui ont vocation à recruter des internautes ou encore pour les programmes relationnels afin de fidéliser les internautes. C'est le cas par exemple pour Pampers.fr, une plate-forme de contenus sans volet commercial, ou encore pour Enviedeplus.com, la plate-forme relation de Procter & Gamble qui attire maintenant 1,5 million de visiteurs uniques par mois. Nous proposons aux deux millions de membres de la plate-forme des échantillons afin d'essayer les produits.
La crise économique a-t-elle un impact sur votre stratégie publicitaire en ligne ?
La crise nous force à redéfinir et réinventer la manière dont nous communiquons, ce qui précipite l'évolution déjà en cours dans la consommation des médias et des produits. La crise affecte la façon dont les consommateurs dépensent : à la fois moins et différemment. Ils recherchent un rapport qualité/prix plus intéressant. C'est pourquoi Procter & Gamble innove sur les produits et l'expérience proposée aux consommateurs. La perception du produit joue sur le prix qu'ils sont prêts à payer. Nous maintenons donc à la fois les lancements et les campagnes de communication pour les soutenir, notamment sur Internet. L'objectif à long terme est de construire une image de marque et de gagner la préférence des consommateurs. Et si le taux d'achat baisse pendant la crise, les consommateurs demeurent curieux et le taux d'essai de nouveaux produits élevé.
"L'un des chantiers prioritaires pour Procter & Gamble est de réussir à qualifier l'impact d'Internet sur ses ventes"
Y a-t-il une campagne de communication en ligne qui vous ait marqué en particulier ?
Il y en a plusieurs. Pour n'en citer qu'une, je prendrais l'opération réalisée pour Braun qui a relancé sa gamme de rasage masculin sous forme d'une série dont chaque élément correspond à un segment de marché particulier en matière de cible, de prix et de besoins. Pour cette opération lancée fin 2008, la part du Web représentait plus de 80 % du mix média.
Le concept repose sur la création d'une bande appelée les "Serial Girls", dont la mission est de kidnapper les hommes pour les rendre irrésistiblement doux. Cette bande est composée de quatre femmes qui représentent chacune un produit de la gamme. Le site événementiel dédié à l'opération diffuse des vidéos d'un genre amateur relatant les actions commandos de ces Serial Girls. En phase de teasing, ces vidéos n'ont pas fait référence à la marque et ont été diffusées sur des plateformes de partage vidéo et au sein de bannières publicitaires. Le dispositif comptait également du search et des kits de tests produits pour les blogs afin de faire essaimer les contenus.
Quels ont été les résultats de la campagne ?
La première vague de l'opération a enregistré 500 000 visiteurs uniques sur le site, et 150 000 à 200 000 vidéos vues lors de la phase de teasing, autrement dit hors achat d'espace. Le nombre de requêtes autour de la gamme Braun a augmenté et le taux de clic sur les bannières a atteint 0,3 %, soit trois fois plus que le marché en général. Tant et si bien que nous avons lancé une seconde vague de l'opération en juin 2009, associée à de l'e-mailing sur une base de données qualifiée. Cette plateforme est amenée à vivre par la suite via des opérations orchestrées tout au long de l'année.
Quels sont vos projets en cours ?
L'un de nos chantiers prioritaires est la mesure de la performance des campagnes display. Il s'agit par exemple de faire le lien entre l'exposition publicitaire et le comportement des internautes sur le site ou encore la mémorisation des messages, d'analyser la contribution des divers leviers sur l'évolution du volume d'affaires.... A ce sujet, nous commençons déjà à appréhender quelques effets. Nous essayons régulièrement de nouvelles méthodologies et sommes ouverts à toute nouvelle approche. Nous travaillons pour cela avec des agences médias, des prestataires et notre département d'études interne. C'est en tout cas un gros chantier pour Procter & Gamble en 2009, qui cherche à mieux qualifier l'impact du média Internet.
La créativité est un autre chantier important : il faut penser les médias les uns par rapport aux autres pour susciter l'engagement des consommateurs. Le champ d'expression est assez riche en France où l'on peut tester certaines choses.
"Nous devrions lancer une nouvelle opération de marketing mobile en 2009"
La filiale française entretient-elle des synergies avec l'international ? Quelle est votre politique à ce sujet ?
La filiale française est une sorte de laboratoire pour le reste du groupe, un pays pilote en matière de planning, de création, de mesure de la performance. Nous testons des idées et des dispositifs Internet avant de partager avec le reste du groupe nos découvertes. Du reste, bien que les lancements de nouveaux produits soient mondiaux, les filiales sont indépendantes les unes par rapport aux autres en matière de communication afin de répondre aux spécificités locales. Si aux Etats-Unis les investissements sont importants sur le Web, le haut débit est peu développé. Le paysage y est différent puisque le display y est très basique et présente peu de rich média.
Quelles sont vos pratiques en matière de marketing mobile ?
Nous avons commencé surtout en février 2008, avec la campagne Touch of Pink pour Lacoste Parfums, un dispositif comprenant des bannières, un mini-site Wap, des SMS et des MMS. Il s'agissait d'une opération d'échantillonnage (lire le dossier P&G s'initie au marketing mobile pour son parfum Lacoste Touch of Pink, du 13/06/2008). Les résultats ont été assez bons par rapport à l'audience. Nous poursuivons la réflexion sur le marketing mobile et je pense que nous ferons une autre opération en 2009, sans doute dans le domaine des produits de beauté. C'est un axe de communication important mais encore en test.