SEA : Amazon peut-il déloger Google Shopping en France ?
Le géant de l'e-commerce taille des croupières au champion des liens sponsorisés aux Etats-Unis. Dans l'Hexagone, où sa part de marché est moins importante, la bataille ne fait que commencer.
A peine Google a-t-il réussi à sécuriser une grande part des budgets SEA des retailers qu'un concurrent des plus dangereux vient lui disputer son business : Amazon. La bataille entre les deux géants est déjà rude aux Etats-Unis où Amazon a contribué à presque 50% des ventes e-commerce en 2017 et où, à en croire le responsable de l'activation de l'agence Artefact, Guillaume Balloy, on observe désormais "plus de recherches de produits sur Amazon que sur Google". Un sondage réalisé par Emarketer en novembre 2017 auprès des directions marketing des principaux retailers du pays le confirme : ils étaient 60% à révéler promouvoir leurs pages produits via l'offre sponsorisée d'Amazon, Amazon Sponsored products. Et seulement 13% via Shopping.
Et en France ? La part de marché d'Amazon, même s'il est le premier site e-commerce incontesté de l'Hexagone côté audience, est loin d'être aussi importante. Et sa place dans les budgets SEA des retailers s'en ressent naturellement. "On commence tout juste à s'y mettre", illustre le DG France de Performics, Frédéric Marty-Debat. Celui qui pilote le budget SEA de marques comme Samsung, Nestlé ou Procter & Gamble explique qu'Amazon n'offre pour l'instant pas autant de volumes de requêtes qu'espéré. Frédéric Marty-Debat l'assure, "il aimerait pourvoir investir plus", mais la typologie des produits de ses clients, à faible valeur unitaire, ne s'y prête pas. "Je pense que les marques d'électroniques grand public qui ont des paniers à 200 voire 300 euros en font déjà plus car c'est le cœur de business d'Amazon", estime-t-il.
"Les budgets search que nos clients retailers allouent à Amazon ont doublé en un an."
Au sein de l'agence Artefact en revanche, "les budgets search alloués à Amazon ont doublé en un an", relate Guillaume Balloy. "Si on additionne SEA et display, Amazon prend même autant d'investissements que Google chez un des clients de l'agence. "Les marques ont compris qu'Amazon n'était pas uniquement une site destiné à les aider à vendre. C'est aussi une plateforme de passage où créer l'envie d'achat", poursuit-il. D'où l'importance de sponsoriser ses produits auprès des intentionnistes qui fréquentent la plateforme mais n'ont pas encore arrêté leur choix. Reste que Guillaume Balloy se heurte lui aussi parfois à cette problématique du volume. "Les performances en matière de taux de clic et CPC décrochent plus rapidement que chez Shopping."
Lancée en octobre 2016 en France, l'offre de search advertising d'Amazon est encore loin d'être aussi aboutie que celle de Google. Elle s'en approche en de nombreux points. D'abord, le format Headline Search Ads permet l'affichage d'un bandeau en haut de page. Ensuite, la mécanique d'enchères au CPC sur mots clés est identique, avec un système de ranking qualitatif
Mais pour Guillaume Balloy, ce levier d'activation encore mal connu du marché "est beaucoup moins avancé que ne l'est Adwords". Pas surprenant au vu de l'antériorité de ce dernier. "C'est beaucoup plus compliqué d'optimiser le ciblage des audiences, faute de fonctionnalités abouties", juge-t-il. Quant au reporting, il est pour l'instant très sommaire. Même si Amazon a lancé une nouvelle version il y a quelques semaines et que Guillaume Balloy y note une "amélioration sensible".
Frédéric Marty-Debat formule le même diagnostic lorsqu'il évoque "un produit à l'interface utilisateur très faible". Plus problématique, Amazon fait office de vase clos : "On ne sait pas quelle part du trafic envoyée en boutique a effectivement converti." Rien de tel sur Google Shopping où les analytics sont très poussés. "Si le paramétrage des campagnes est plus simple sur Amazon, les outils de tracking sont bien moins aboutis. Impossible de connaître l'apport d'une campagne desktop sur les ventes mobiles", illustre Guillaume Balloy.
Côté CPC, match nul pour nos deux experts. "Les deux plateformes sont moins efficaces dans un environnement mobile", constate Guillaume Balloy. Frédéric Marty-Debat voit toutefois dans le basculement des usages vers ce device un avantage potentiel pour Amazon. "Google est la principale porte d'entrée du Web fixe. Sur le smartphone où nous utilisons rarement plus de 10 applications, Amazon occupe une place de choix."
"Certaines marques ont le sentiment d'être essorées par Amazon "
La montée en puissance d'Amazon dans le budget SEA des marques viendra sans doute du rôle important que la plateforme joue pour ceux qui ne peuvent bénéficier de leur propre vitrine e-commerce. "C'est particulièrement vrai pour les acteurs de la grande conso qui ne vendent que très peu en ligne parce que l'expérience d'achat n'est pas idéale", analyse Frédéric Marty-Debat. Dans le lot, tous les fabricants de shampooings, produits nettoyants, boîtes de conserves et autres produits de grande consommation.
On peut voir dans la relation qui se dessine entre Amazon et les marques une réplique de celle que ces dernières entretiennent avec la grande distribution. "Il n'est pas rare qu'un fabricant négocie la vente d'une certaine quantité de ses produits à Amazon, tout en s'engageant en échange à promouvoir ces produits au sein de la plateforme via de l'achat média", note Guillaume Balloy. En clair, payer pour booster les ventes d'Amazon. Cette pratique connue sous le nom de "trade marketing" a été popularisée par la grande distribution physique. Frédéric Marty-Debat pense que les marques devront donc faire "un vrai choix industriel". "Certaines ont le sentiment d'être essorées par Amazon . Elles deviendront peut-être réticentes à y investir, surtout si elles vendent aussi en ligne", avance-t-il.
En attendant, Amazon devra faire avec la concurrence de Google. Face à la montée en puissance du marchand, Google se structure selon nos informations pour professionnaliser ses relations avec les annonceurs de la grande conso. Ses équipes planchent sur un produit qui permettra aux fabricants de shampoings, biscuits et autres de prendre la main sur la gestion de leurs campagnes SEA. Pour le moment, cette dernière est opérée en direct par leurs revendeurs e-commerçants. Et l'activité SEA de ces marques se cantonne à de l'envoi de trafic vers un site corporate. Bientôt, elles pourront décider quelle plateforme (Fnac, Cdiscount, Carrefour…) elles veulent pousser dans Shopping. A moins qu'elles ne décident plutôt d'accepter le deal offert par Amazon…