Attribution pub : les cinq casse-têtes des annonceurs
Le chemin vers un modèle qui prend en compte la contribution réelle de chaque canal à une conversion est encore long.
La démocratisation du digital dans les budgets médias s'est construite sur deux piliers : pouvoir diffuser des publicités ciblées d'une part et mesurer leur impact d'autre part. Si le contrat est largement rempli en ce qui concerne la première promesse, avec l'avènement de la publicité programmatique, c'est moins évident pour la seconde. Alors que le parcours client online est plus que jamais multi-canal, les annonceurs peinent encore à justifier le bon emploi du moindre euro investi en ligne.
Les moins matures en sont encore à piloter leurs campagnes en adoptant la règle du last-clic où l'on attribue 100% de la vente au dernier levier cliqué. Le raisonnement est très limité (l'influence de tous les points de contacts établis avec le client en amont de la vente est ignorée) mais facile à mettre en place… "Un grand nombre d'annonceurs sont encore dans cette logique-là", constate le patron du spécialiste français de l'attribution Eulerian, Emmanuel Brunet. Pour les autres, qui veulent mesurer la contribution des différents canaux marketing à un événement, la tâche est autrement plus complexe, avec en particulier cinq casse-têtes à résoudre.
La mesure du post-view
S'il est facile pour un annonceur d'identifier l'impact d'une publicité qui a généré un clic, il est beaucoup plus ardu de le faire pour celles qui n'en génèrent pas. Problème, ce sont généralement plus de 99% des impressions diffusées qui sont dans ce cas. "Tout l'enjeu revient à comprendre comment la répétition d'impressions publicitaires va contribuer à améliorer le taux de notoriété ou de mémorisation d'une marque. Autant d'éléments plus ou moins conscients qui jouent un rôle dans la réalisation d'une vente", explique Emmanuel Brunet.
"La plupart des annonceurs se contentent de mettre en place une règle standard qu'ils n'adaptent pas aux spécificités des canaux activés ou aux produits vendus"
La plupart des modèles d'attribution s'appuient aujourd'hui sur une mesure du "post view" pour juger de l'efficacité de ces campagnes. Une période de temps durant laquelle on estime qu'une impression diffusée auprès d'un utilisateur a eu un impact sur son passage à l'achat même s'il n'a pas cliqué dessus. L'efficacité post-view est le plus souvent mesurée par le biais de la pose d'un cookie au moment de l'affichage de la création et par l'utilisation d'un tag sur le site de l'annonceur. Toute la difficulté réside donc dans la définition de cette fenêtre de contribution. "Les annonceurs tâtonnent encore beaucoup sur ce sujet et la plupart se contentent d'ailleurs de mettre en place une règle standard qu'ils n'adaptent pas aux spécificités des canaux activés ou aux produits vendus", constate Emmanuel Brunet. L'impact d'une bannière 300*250 n'est pas le même dans la durée que celui d'un habillage publicitaire. Tout comme le cycle d'achat d'une voiture est beaucoup plus long que celui d'une robe.
Le rôle de l'upper funnel
Plus le cycle de vente est long, plus les annonceurs ont du mal à mesurer l'impact des canaux marketing qui ont contribué aux tous premiers points de contacts avec l'internaute qui vient de concrétiser un achat. C'est particulièrement vrai pour un secteur comme l'automobile où la phase de considération est un processus long et mûrement réfléchi. "Certains annonceurs ont tendance à sous-estimer l'importance des acteurs qui entrent en jeu au tout début du parcours consommateur", pointe Emmanuel Brunet. Les sites médias qui diffusent une campagne branding, les partenaires affiliés qui mettent en avant les produits ou les campagnes d'influence sur les réseaux sociaux peuvent pourtant jouer un vrai rôle dans la phase de considération d'achat. "On voit beaucoup de modèles d'attribution qui laissent penser que seuls le SEM et le retargeting sont efficaces", constate Emmanuel Brunet. Et l'annonceur qui s'y fie aveuglément peut faire l'erreur de décider de couper toutes les actions concernant le haut du tunnel de conversion. "C'est problématique car ses campagnes risquent de vite tourner en rond ! Elles ne seront diffusées qu'auprès des internautes qui connaissent déjà ses produits et il ne fera plus rentrer de nouveaux prospects."
"Une campagne qui néglige le haut du tunnel de conversion risque vite de tourner en rond"
Stéphane Gendrel, le patron d'un autre spécialiste de l'attribution, Adloop, rappelle cette évidence trop souvent oubliée des marketeurs. "Les actions marketing qui contribuent à générer de la notoriété ne peuvent être jugées sur leur impact direct sur les ventes." Adloop prend donc le parti d'étudier tous les signaux faibles, c'est-à-dire toutes les actions positives réalisées par un utilisateur après avoir été exposé à une publicité sans avoir cliqué dessus. Il peut s'agir du nombre de pages vues sur le site de l'annonceur par exemple. "On va comparer la moyenne vue par les utilisateurs exposés à celle des internautes qui ne l'ont pas été."
Le lien entre mesure site centric et mesure ad centric
"La plupart des modèles d'attribution sont aujourd'hui ad-centrics, pointe Stéphane Gendrel. C'est-à-dire qu'ils ne prennent pas en compte le comportement du consommateur qui est tracé par les outils site-centric." Ces modèlent dépriorisent les canaux naturels pour renforcer le rôle des canaux payants, au détriment du travail fait par les annonceurs sur leur marque, leur réputation et leur expérience client. D'où l'importance de profiter des solutions type AT Internet ou Google Analytics, dont sont équipés la plupart des sites de marque, pour faire le lien entre ces deux écosystèmes.
Le poids des actions "en cours de session"
Il est de plus en plus fréquent qu'une fois son panier bouclé, l'internaute prenne le temps de sortir du site pour aller récupérer des coupons de réduction et ainsi réaliser une petite économie. Quelle contribution attribuer aux acteurs du couponing ou du cashback qui interviennent en cours de session ? On peut se dire quelle est nulle car l'internaute aurait acheté les produits concernés quoi qu'il arrive… "Mais on peut se dire que ces acteurs ont forcément une valeur ajoutée dès lors que le panier moyen des internautes qui ont utilisé un coupon de réduction est supérieur à ceux qui n'en ont pas", commente Emmanuel Brunet. Quelle est la cause, quel est l'effet ? Comment rétribuer ces acteurs ? Faut-il leur attribuer l'intégralité de la vente ? Non, sans doute pas. Faut-il estimer qu'ils ont apporté un incrément ? Très certainement.
L'éternelle question du cross-device
Alors que les clients basculent aujourd'hui très naturellement d'un device à un autre, en étant exposés à une publicité sur desktop et en concrétisant la transaction sur leur mobile (ou l'inverse), le sujet de la mesure du cross-device est un ultime casse-tête pour les annonceurs. Sur desktop, ils traquent les actions des internautes grâce aux cookies. Sur mobile, ils se fient plutôt aux identifiants publicitaires d'Apple et Google. Mais ils peinent à faire communiquer les deux lorsque l'utilisateur n'est pas logué. "Je pense que les annonceurs doivent faire leur deuil sur ce sujet, analyse Stéphane Gendrel. Même des acteurs comme Facebook et Google n'arrivent pas à obtenir plus de 40% de sessions complètement trackées sur ordinateur et mobile." Selon notre spécialiste de l'attribution, la mesure complète du cross-device est une chimère. "Chaque pourcentage supplémentaire de session complète va coûter de plus en plus cher aux annonceurs qui devront nouer des partenariats avec divers apporteurs de data pour être le plus exhaustif possible. Je pense qu'il faut savoir se contenter des ratios existants pour établir des modèles statistiques qui permettent de juger de manière fiable l'efficacité d'une campagne multi-canal."