Raphaël Grandemange (Dataiads) "Dataiads réconcilie données 1st party et activation média"

L'ancien dirigeant de Jellyfish explique pourquoi il s'est associé à deux anciens collègues pour créer une structure d'un nouveau genre.

JDN. Pourquoi avoir lancé Dataiads ?

Raphaël Grandemange est cofondateur de Dataiads. © S. de P. Dataiads

Raphaël Grandemange. Le lancement de Dataiads est né d'un constat, celui que la donnée 1st party n'est pas assez valorisée au niveau de l'activation média. Un constat qui se renforce avec la fin annoncée des cookies tiers, qui nous oblige à imaginer de nouvelles manières de faire de la publicité, en mettant notamment la donnée propriétaire au centre du jeu. La promesse de Dataiads, c'est d'augmenter la performance des campagnes search, social ads ou retail media en capitalisant sur la donnée propriétaire. Par donnée propriétaire, j'entends plusieurs choses. D'abord de la donnée analytics, soit toutes les informations relatives à l'activité des propriétés digitales de la marque mais aussi les données liées à ses produits, à ses stocks ou à son CRM. Nous analysons les viviers de données disponibles, nous les réconcilions avec les outils d'activation média, en cassant les silos, et nous nous assurons que la performance est au rendez-vous.

Avez-vous des exemples de campagnes où média et data 1st party sont silotés ?

Google Shopping, aujourd'hui le premier levier pour le secteur du retail en termes d'investissements publicitaires, est un bon exemple. Shopping pèse 80% des investissements search du secteur. Le problème c'est que la grande partie des landing pages associées à la publicité qui y est diffusée sont des pages produits construites sans prendre en compte le contexte de recherche. D'où des niveaux de rebond extrêmement élevés, de l'ordre de 60 à 70%. Prenons le cas d'un internaute qui est plutôt en amont du tunnel de conversion car il est encore en train de se faire son avis. S'il clique sur un lien et tombe sur une page produit, il va forcément faire marche arrière pour voir les autres options. Cela n'arriverait pas si l'annonceur lui proposait, au sein de sa page produit, une liste avec d'autres produits liés à sa requête. Comment y arriver ? En liant la publicité avec ce qui se passe sur le site. C'est comme ça qu'on est capable de proposer dynamiquement des pages de réponses personnalisées, en fonction du ou des mots clés tapés par l'internaute, de sa position dans le tunnel d'achat, de son score d'appétence aux produits de l'entreprise. Ou encore de piloter une campagne média au profité généré.

C'est-à-dire ?

La plupart des campagnes de search sont pilotées dans une logique de return on ad spend (ROAS). Soit les chiffre d'affaires généré par les ventes du produit mise en avant. A aucun moment la marge du retailer n'est prise en compte. Or cette marge, elle est très différente selon qu'il s'agisse d'un produit en propre ou celui d'un partenaire, si ce retailer propose une marketplace. C'est, ici encore, un bon exemple d'utilisation de la donnée 1st party.

Au-delà des cas d'usages, quels sont les écueils ?

Le challenge, il est d'abord technologique. Il s'agit de créer du lien entre des technologies qui ne se parlent pas ou peu. Prenons Google, cela ne fait que deux ans que Google Marketing Platform permet de réunir Google Analytics et Google Ads. Une étude publiée par le BCG en mars 2021 l'a bien démontré, la sous-exploitation de la donnée 1st party est d'abord un problème de technologie. Les annonceurs n'ont pas les outils pour faire le tri et l'activer correctement. Il y en a trop et il faut tâcher de la comprendre.

A cet écueil technologique s'ajoute un autre écueil, organisationnel celui-ci. C'est le deuxième challenge que nous essayons d'adresser, en formant nos partenaires et en recrutant de nouveaux types de profils. Pour casser cette barrière artificielle qui s'est créée entre les agences qui gèrent tout ce qui touche au site et celles qui génèrent la partie pub. On a, d'un côté, tout ce qui se passe avant le clic sur la pub et de l'autre, ce qui se passe après. Mais aucun moyen de réconcilier ces deux expériences.

A quels types de profils faites-vous allusion ?

"Pour réconcilier ce monde de la data science et des médias, nous voulons recruter et former des medias scientists"

Pour réconcilier ce monde de la data science et des médias, nous voulons recruter et former des medias scientists. Des consultants qui ont un background data ou media et que nous formons à l'autre côté de la barrière. Nous construisons d'ailleurs un dispositif de formation pour les nouveaux diplômés en ce sens. Nous voulons recruter 50 collaborateurs d'ici la fin 2022, dont 40 medias scientists.

Votre postulat, c'est d'apporter de l'intelligence aux campagnes médias en s'appuyant sur la 1st party data. N'est-ce pas vain quand des plateformes comme Google et Facebook enjoignent aujourd'hui les marketeurs à leur communiquer un objectif marketing et faire confiance à leurs algorithmes pour gérer le reste ?

L'important, c'est de passer du temps pour comprendre les modèles que proposent ces plateformes. Déjà parce que ces plateformes sont, au vue de leur reach, incontournables. L'automatisation ne doit pas faire peur, surtout si elle permet d'apporter de la performance incrémentale comme c'est souvent le cas. Pour autant, il ne faut pas rester attentiste. Il faut essayer d'orienter cette automatisation vers des objectifs cohérents avec les besoins de la marque. Typiquement, c'est ce qu'on fait en pilotant les campagnes au profit généré plutôt qu'au chiffre d'affaires.