Hégémonie des Gafa : pourquoi l'Europe et les Etats-Unis ont raison de durcir le ton
Le Parlement européen vient de voter le "Digital Market Act" qui devrait avoir un impact important sur les Gafa. Les Etats-Unis s'apprêtent à adopter le même type de loi. Décryptage.
Le Parlement Européen vient de voter une nouvelle loi, à une majorité écrasante : le Digital Market Act. Ce texte change radicalement la donne sur le fonctionnement des GAFA : plutôt que de leur infliger des amendes finalement inefficaces, Bruxelles veut agir en amont, en leur imposant une vingtaine de règles à respecter sous peine d'amendes dissuasives. Un objectif partagé par les autorités américaines, qui s’apprêtent elles aussi à édicter de nouvelles normes de fonctionnement, dont le non-respect pourra entraîner des cessions d’activité. Une manière forte d’instaurer des règles du jeu équitables, dans ce secteur toujours plus dominé par quelques mastodontes.
Poursuivre les GAFA à coup d’enquêtes et d’amendes pour non-respect de la concurrence ? C’est ce que font les autorités du monde entier depuis plus de dix ans. Sans beaucoup de résultat: rien que depuis 2017, les autorités de la concurrence européenne ont réclamé à Google plus de 8 milliards d’euros de pénalité. Jusqu’à présent, l’entreprise faisait le plus souvent appel des décisions de justice et finissait par payer au moins une partie des sommes réclamées, sans que cela n’entrave sa croissance : son chiffre d’affaires a encore progressé de 37% en 2021
Mais aujourd’hui, la Commission Européenne et le Sénat Américain ont, chacun de leur côté, décidé de passer à la vitesse supérieure. Plutôt que de multiplier les enquêtes, et les amendes finalement peu dissuasives, les deux entités ont décidé d’imposer aux GAFA de changer de méthode et d’édicter de nouvelles contraintes réglementaires.
Deux lois pour modifier en profondeur le fonctionnement des GAFA
Côté européen, une loi importante vient d’être votée par le Parlement de l’UE : le Digital Market Act interdit notamment aux moteurs de recherche, applications ou plateformes d’e-commerce , l’autoréférencement, qui revient à favoriser leurs propres produits et services. Cette loi, qui entrera en application en 2023, rend également illégal le fait de partager des données entre différentes plateformes et services d’une même entreprise. A défaut, les amendes prévues atteindront 6 % à 20 % de leur chiffre d’affaires mondial. Et surtout, en cas de récidive, des cessions d’activités pourront être imposées.
Le Sénat Américain souhaite aller encore plus loin : selon son projet de loi, toute entreprise pesant plus de 20 milliards de dollars sera obligée de restreindre son intervention à une seule activité sur le marché de la publicité numérique. Aujourd’hui, sur ce marché, Google opère simultanément comme vendeur et acheteur, et gère une plateforme d’enchères. Si ce projet de loi est voté, l’entreprise devra choisir l’activité qu’elle souhaite conserver, et disposera d’un délai d’un an pour revendre les autres.
Google a, naturellement, annoncé son opposition à ces deux lois, arguant qu’elles risquaient d’entraver l’innovation et restreindre la liberté des consommateurs. Mais au-delà des batailles d’avocats à prévoir, et de leur issue pour l’heure imprévisible, ce nouveau tournant réglementaire reste important. Il montre que les pouvoirs publics, des deux côtés de l’Atlantique, ont décidé de mieux encadrer le digital , et surtout d’instaurer une règle du jeu équitable pour tous. Des régulations de même nature existent déjà dans les secteurs de l’énergie, de la banque ou des télécom : pourquoi le numérique ferait-il exception ? La liberté d’innover et de choisir ne peuvent exister sur un marché dominé par quelques géants devenus omnipotents. Chaque consommateur, chaque entreprise et chaque citoyen bénéficiera d’un système plus ouvert et plus juste.