Guillaume Belmas (Realytics) "Realytics a enregistré une croissance à deux chiffres au premier trimestre"
L'adtech française, qui a de grandes ambitions dans la mesure de la publicité TV et CTV, commence à récolter les fruits de son déploiement en Allemagne, dans le giron du groupe RTL, explique son CEO, Guillaume Belmas.
JDN. Realytics était au départ une solution de mesure de l'impact des campagnes TV sur les visites sur site (drive to web). Dix ans plus tard et après être passé sous le giron du groupe RTL en 2022 vous ambitionnez devenir une technologie de référence de la mesure de la TV et de la CTV avec votre solution Bee. Où en êtes-vous ?
Guillaume Belmas. Bee est aujourd'hui en capacité de mesurer les performances des campagnes en TV segmentée, linéaire et replay, grâce à notre accord avec Bouygues Télécom (2 millions de box en opt in), mais également en CTV avec les inventaires de Rakuten. Les marques et les agences ont besoin d'aller vers la CTV pour compléter leurs plans TV et ce mouvement s'accélère. Les chaînes elles aussi évoluent pour accélérer sur le streaming, à l'instar de TF1 et de M6. Mais alors que l'usage de la CTV et de l'OTT en général se développe à grands pas, les audiences sont très fragmentées compliquant le travail des annonceurs qui ont besoin d'une vision unifiée pour mesurer les performances de leurs campagnes. Les marques ont besoin de comprendre ce que la CTV implique comme incrément vis-à-vis du linéaire.
Que mesurez-vous précisément ?
Nous mesurons les performances des campagnes publicitaires, c'est-à-dire ce qu'une impression en TV linéaire, segmentée, replay ou CTV génère comme action, telle qu'une visite sur site ou un téléchargement d'application. Bee mesure également les expositions, qui sont un aspect déterminant et brûlant parce qu'il touche à la déduplication d'audiences : l'annonceur a besoin de savoir ce que chaque canal apporte comme incrément d'audience vis-à-vis des autres. Cela ne concerne pas que la CTV, l'exemple le plus ancien est celui de l'incrément du replay vis-à-vis de la TV linéaire. Les petits consommateurs TV regardent toujours beaucoup de replay. Pareil pour la TV segmentée qui grâce au ciblage permet à l'annonceur de chercher des audiences complémentaires à celles du linéaire.
Vu le nombre de partenariats dont vous disposez aujourd'hui, vous n'êtes pas vraiment en mesure de fournir cette mesure d'incrément sur la CTV, si ?
D'ici l'été nous pourrons annoncer que nous avons signé avec trois plateformes AVOD/CTV de référence en France, en plus de Rakuten.
Et concernant les plus gros acteurs, type Amazon ou Netflix, discutez-vous avec eux ?
Oui nous échangeons avec eux . Amazon est très ouvert et se montre très enclin à avancer sur le volet de la mesure avec nous, que ce soit pour Prime Video ou pour Twitch. Nous discutons également avec YouTube depuis longtemps... Nous ne désespérons pas : notre mission est d'être agnostiques et de mesurer tout le monde sur un pied d'égalité. Par ailleurs nous mesurons la publicité de toutes les chaînes TV diffusées via les box Bouygues Télécom sans exception.
Les autres opérateurs télécom, c'est pour quand ?
Nous allons signer avec un deuxième opérateur très prochainement et nous sommes en discussions avec les deux autres.
Au final qu'ambitionnez-vous avec Bee ? Devenir une sorte de Médiamétrie avec de la data déterministe ?
Médiamétrie est la référence du marché pour la mesure d'audiences, y compris sur le volet publicitaire et nous n'avons pas la prétention de les concurrencer. En revanche nous sommes complémentaires : l'approche de Médiamétrie est le panel, alors que Bee travaille sur la data déterministe en analysant l'intégralité des impressions avec pour but de permettre l'optimisation des campagnes. C'est ce qui nous permet d'apporter une plus grande précision sur des environnements aussi fragmentés que ceux de la TV aujourd'hui.
Vous avez également une activité de plateforme d'achat d'inventaires en TV linéaire, Adkymia... Avec la baisse de l'intérêt pour le linéaire, où en êtes-vous ?
Nous avons lancé Adkymia fin 2019 pour faciliter l'accès à la pub TV notamment aux petits et moyens annonceurs, beaucoup plus présents sur le digital, et plus particulièrement sur le search et les social ads, des canaux qui leur offrent une grande facilité de prise en main. Une seule plateforme leur permet de gérer leurs campagnes de A à Z, de la création à la mesure : il suffit de mettre le budget, définir ses objectifs et cliquer sur trois boutons pour que cela parte, et je schématise à peine. Avec Adkymia, nous avons reproduit le même modèle du digital : une expérience d'achat ultra simplifiée pour la TV linéaire selon les codes du digital.
La TV linéaire n'est pas ouverte au programmatique. A quels inventaires avez-vous accès ?
Adkymia a tout d'une plateforme d'achat programmatique sans l'être en réalité . Elle ressemble à une DSP, offre la même expérience utilisateur mais n'en est pas une techniquement car elle ne propose pas d'achat en temps réel. Une DSP répond à une logique d'enchères en temps réel selon un protocole bien établi qui est celui du RTB. Adkymia est une plateforme d'achat interfacée à chacune de nos neuf régies TV partenaires de manière plus ou moins automatisée selon la capacité de chaque régie. Avec des grandes régies comme celles de France Télévisions ou M6, nous sommes totalement intégrés, nous disposons de leur planning en temps réel. Avec des plus petites, le processus est moins temps réel. En fonction du budget, des dates et d'autres critères de campagne, le but est de proposer le meilleur plan TV possible en tenant compte des performances des campagnes procurées par les chaînes.
Adkymia compte pour combien dans votre activité ? Envisagez-vous toujours de la développer notamment en intégrant TF1, seule grande régie française absente ?
Chez Realytics, le business de la mesure est majoritaire à plus de 80%, avec la mesure drive-to-web et Bee, qui est une activité naissante et en forte croissance. Adkymia compte pour 20%. Il y a encore beaucoup à faire sur la TV linéaire, même si Adkymia devra également évoluer technologiquement et de manière très ambitieuse pour embrasser la logique "Total Video" (linéaire, IPTV, CTV, programmatique…). Sur ce point, le groupe RTL a amorcé une collaboration technologique avec ProSieben en Allemagne. Nos technologies publicitaires (Smartclip, maison mère de Realytics, du côté de RTL Group et Virtual Minds du côté de ProSiebenSat.1, ndlr.) sont très complémentaires et l'objectif est de standardiser nos différents écosystèmes technologiques. Rappelons que ces deux groupes représentent près de 80% des revenus publicitaires du marché allemand. Une fois que cette technologie sera éprouvée au sein du marché allemand, nous irons la proposer aux broadcasters européens.
Vous êtes depuis deux ans une propriété du groupe RTL. Qu'est-ce qui a changé pour vous ?
Nous avons pu de manière quasiment immédiate nous déployer en Allemagne, un marché qui n'est pas centré sur les opérateurs télécoms. Grâce au groupe RTL, nous avons accédé quasiment du jour au lendemain à la data de 11 millions de foyers. Bee dispose de beaucoup plus de données sur le marché allemand qu'en France. Par ailleurs nous intégrons Bee nativement dans Smartclip, qui est un ad server spécialisé dans la vidéo et la TV segmentée. Toute la galaxie du groupe RTL, à l'exception de M6, est cliente de Smartclip
Quels sont les effectifs de Realytics aujourd'hui ?
Nous sommes un peu plus de 40 personnes et notre croissance, qui était à un chiffre en 2022 et 2023, s'est accélérée au premier trimestre 2024 pour atteindre les deux chiffres. Notre développement prend une autre ampleur grâce à notre passage à l'échelle au niveau européen. Nous nous appuyons également sur les forces commerciales de RTL AdAlliance, la régie internationale du groupe RTL, pour nous développer sur toute l'Europe.