C. Maisonneuve & A. Roa "Le programmatique contribue à ériger le DOOH en média à part entière"
A l'occasion de la parution de trois publications de l'Alliance Digitale sur le DOOH programmatique, Clémence Maisonneuve (Cityz Media) et Alexandra Roa (Broadsign), membres du groupe de travail dédié, nous expliquent les raisons de la croissance assez marquée de ce levier.
JDN. Les investissements en DOOH ont grimpé de 26,7% le premier semestre 2024 comparé à la même période en 2023. Comment l'expliquer ?
Clémence Maisonneuve. Plusieurs facteurs contribuent à cette croissance, à commencer par l'offre d'écrans qui progresse avec la digitalisation des espaces indoor. S'y ajoute la facilité d'achat que permet le programmatique. Des annonceurs qui n'avaient pas l'habitude d'acheter du DOOH le font désormais dans des stratégies omnicanales grâce aux plateformes DSP qui leur permettent d'acheter à la fois de l'audio, du display, de la vidéo et de l'affichage digital. Le programmatique contribue à ériger le DOOH en média à part entière, de plus en plus détaché de l'affichage offline. Les nombreuses études démontrant l'intérêt de l'activation du DOOH en complémentarité avec d'autres canaux renforcent aussi l'intérêt des annonceurs. Enfin, le retail media gagne depuis 12 ou 18 mois tous les environnements physiques et cela contribue à tirer le DOOH vers le haut.
Alexandra Roa. Le Covid nous paraît loin maintenant, mais ce n'est que depuis peu que nous vivons pleinement dehors comme nous le faisions avant l'épidémie. S'y ajoute le fait que le DOOH est de plus en plus considéré positivement par les annonceurs dans un monde publicitaire saturé sur le digital, notamment sur mobile. Enfin, les agences s'intéressent davantage aux complémentarités entre les médias digitaux et le DOOH pour renforcer le ROI des campagnes.
Le gré à gré reste-t-il encore largement majoritaire et cette plus forte offre d'écrans influence-t-elle la valeur des inventaires ?
CM. La valeur des inventaires reste stable que ce soit en programmatique ou en gré à gré et ce malgré la multiplication de l'offre, peut-être elle-même équilibrée par une plus forte demande. Quant à la part du gré à gré, elle est encore largement majoritaire malgré une croissance marquée du programmatique. Ces deux canaux sont assez complémentaires.
Entre gré à gré et programmatique quelles sont aujourd'hui les possibilités offertes aux annonceurs en termes de ciblage et de use case possibles ?
CM. La richesse des données sociodémographiques et comportementales qui sont aujourd'hui disponibles et la granularité du ciblage sont communes à ces deux modes d'achat. Ce qui les différencie surtout, c'est la flexibilité d'achat et de gestion des investissements offerte par le programmatique. En programmatique, les campagnes peuvent être activées, optimisées et modifiées en temps réel, c'est ultra flexible. Ce qui permet à l'acheteur de piloter très finement et de façon tactique et autonome sa diffusion sur les différents sites, cibles, créneaux horaires, etc. sans avoir à contacter les régies une par une. Quant au gré à gré, son intérêt est dans l'accompagnement et l'expertise offerts par la régie en termes de choix des lieux, de la pression publicitaire idéale, des plans médias sur mesure ainsi que la possibilité d'activer des formats événementiels qui ne sont pas disponibles en programmatique. En gré à gré les campagnes sont garanties, réservée et achetées à l'avance.
AR. Le programmatique est parfait pour des campagnes tactiques, sur plusieurs pays ou incluant le retargeting ou la personnalisation des messages. Quant au gré à gré, c'est un mode d'achat plus adapté aux campagnes de grande envergure consistant à acheter tout un réseau d'écrans longtemps à l'avance. Ces deux modes d'achat sont complémentaires : je peux par exemple choisir le programmatique pour mettre en avant un produit autour d'une zone de chalandise en m'appuyant déjà sur la notoriété acquise grâce aux campagnes branding activées en gré à gré.
Le programmatique n'est pas nouveau en DOOH, les acteurs de cet écosystème semblent bien installés depuis plusieurs années. Quels sont les défis restant à relever ?
CM. Le marché du DOOH programmatique est, certes, installé mais il n'est pas encore tout à fait mature. Beaucoup d'acheteurs hésitent encore, ils testent, ils tâtonnent, ils ne voient pas encore très clairement comment mettre en synergie programmatique et gré à gré. Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire auprès des annonceurs du digital qui n'ont pas l'habitude de l'affichage et qui doivent beaucoup apprendre notamment sur les critères de mesure. Les stratégies d'achat et les méthodologies de mesure de l'efficacité du DOOH programmatique elles aussi doivent encore évoluer. Pour vous donner un petit exemple, la notion de répétition, qui est centrale en affichage, n'est encore pas toujours au cœur des dispositifs déployés par les acheteurs en programmatique par manque de connaissance de ce levier (à ce propos l'Alliance Digitale vient de publier un panorama des méthodologies de mesure, un autre des inventaires et une bibliothèque de cas pratiques d'utilisation du DOOH programmatique, ndlr).
AR. Je pense qu'il y a en effet beaucoup de pédagogie à faire auprès des acheteurs pour qu'ils comprennent vraiment tout l'intérêt d'adopter le DOOH en programmatique. Un autre défi, c'est la créativité : on a trop tendance à plaquer sur le DOOH les vidéos sociales de 10 secondes alors que ce levier mériterait d'avoir des messages créatifs qui lui sont propres.