Bruxelles inflige une amende record de 3 milliards d'euros à Google

Bruxelles inflige une amende record de 3 milliards d'euros à Google L'Union européenne a condamné Google à une sanction de 2,95 milliards d'euros pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne. Une décision lourde de symboles, dans un climat de tensions avec Washington.

La Commission européenne a annoncé ce vendredi 5 septembre une amende de 2,95 milliards d'euros contre Google. L'entreprise est accusée d'avoir faussé la concurrence en favorisant systématiquement ses propres technologies publicitaires, au détriment des annonceurs, des éditeurs et des régies concurrentes. Bruxelles ordonne aussi à Google de mettre fin à ces pratiques et de présenter sous deux mois des mesures correctives. Google a dénoncé une décision "injustifiée" et confirmé son intention de faire appel.

Une semaine noire pour le géant californien

Mardi, Google avait évité un démantèlement partiel aux Etats-Unis, après une décision favorable d'un juge fédéral sur sa position dominante dans la recherche en ligne. Mais dès mercredi, la Cnil lui infligeait une amende record de 325 millions d'euros, suivie jeudi par une condamnation de 425 millions de dollars à San Francisco pour atteinte à la vie privée. Le coup de massue est venu de Bruxelles en fin de semaine, avec cette sanction de près de 3 milliards d'euros.

Pratiques publicitaires dans le viseur

L'enquête européenne, ouverte en 2021, a estimé que Google contrôlait depuis des années toute la chaîne publicitaire en ligne : outils d'achat d'annonces (Google Ads, DV360), serveurs publicitaires pour éditeurs (DoubleClick for Publishers) et plateforme d'enchères AdX. Ce modèle intégré créerait un effet de verrouillage, pénalisant les solutions concurrentes. Déjà en avril, une cour américaine avait rendu un jugement similaire, pointant des "dommages importants" causés aux éditeurs. Mais la décision de ce vendredi 5 septembre est bien plus ambitieuse que celle rendue aux Etats-Unis au printemps : l'abus de position dominante est ici constaté des deux côtés de la chaîne, Google appliquant selon la CE les pratiques d'auto-préférence aussi bien via les outils servant les éditeurs que via ceux utilisés par les acheteurs. Aux Etats-Unis l'abus a été constaté seulement du côté des éditeurs.

La CE demande à Google qu'il mette fin à ces pratiques d'auto-péréférence mais également à cette situation de conflit d'intérêt. Elle laisse la porte ouverte à des changements structurels si jamais les mesures comportementales ne suffisent pas à mettre fin à cette situation d'abus de position dominante. Et qui dit remède structurel dit démantèlement. Pour Google, l'enjeu est considérable : la publicité a généré 264,6 milliards de dollars en 2024, soit 75 % du chiffre d'affaires d'Alphabet.

La réponse de Google

Dans la soirée, Google nous a fait parvenir la réaction de Lee-Anne Mulholland, vice president, lobal head of regulatory affairs : "La décision de la Commission européenne concernant nos services de technologies publicitaires est erronée, et nous allons faire appel. Elle impose une amende injustifiée et exige des changements qui nuiront à des milliers d'entreprises européennes en rendant plus difficile pour elles de générer des revenus. Il n'y a rien d'anticoncurrentiel à fournir des services aux acheteurs et aux vendeurs d'espaces publicitaires, et il existe plus d'alternatives que jamais à nos services."

Un passif lourd avec l'Europe

Ce n'est pas la première fois que Bruxelles sanctionne le géant américain. En 2017, Google avait déjà écopé d'une amende de 2,4 milliards pour son comparateur de prix Google Shopping. En 2018, l'affaire Android avait débouché sur une amende record de 4,3 milliards, ramenée à 4,1 milliards en appel, pour abus de position dominante. En 2019, c'est sa régie Adsense qui avait été visée avec 1,49 milliard d'euros. Au total, Google cumule déjà près de 11 milliards d'euros d'amendes infligées par Bruxelles.

A ces sanctions européennes s'ajoutent des condamnations nationales. En France, l'Autorité de la concurrence avait imposé 500 millions d'euros en 2021 sur les droits voisins, puis 220 millions la même année pour ses pratiques dans la publicité, après 150 millions en 2019. L'amende de la CNIL annoncée cette semaine prolonge cette série.

Un bras de fer transatlantique

Cette décision européenne intervient dans un climat politique tendu. Donald Trump a multiplié les menaces contre les pays qui régulent les géants américains de la tech, évoquant des sanctions douanières et des restrictions à l'exportation. Malgré ces pressions, Bruxelles a choisi d'affirmer son autorité. Une manière d'envoyer un signal à Washington comme aux acteurs du numérique : l'Europe n'entend pas relâcher sa vigilance.